Le Devoir

Confederat­e, une uchronie qui fait déjà polémique

La question raciale est au coeur de ce projet porté par les créateurs de Game of Thrones

- THOMAS URBAIN à New York

Et si le Sud avait gagné la guerre de Sécession? Voilà le préambule de la future série, déjà controvers­ée, des créateurs de Game of Thrones, qui en inquiète certains en raison du traitement réservé à la question raciale.

La chaîne câblée HBO, qui produit déjà Game of Thrones, a annoncé mi-juillet qu’elle avait commandé aux concepteur­s de la saga fan tas ticomédiév­ale une nouvelle série, intitulée Confederat­e. Celle-ci imagine que le bloc confédéré a repoussé, durant la guerre de Sécession, l’armée de l’Union et ainsi préservé son indépendan­ce.

L’esclavage aurait ainsi perduré dans ces États confédérés d’Amérique, qui se préparerai­ent, toujours selon les éléments de scénario dévoilés à la mi-juillet, à une nouvelle guerre civile contre l’Union.

Dès l’annonce de la mise en chantier de cette nouvelle série, dont les premiers épisodes doivent être diffusés après la dernière saison de Game of Thrones, en 2018 ou 2019, les critiques se sont multipliée­s sur les réseaux sociaux.

«Les mêmes personnes qui donnent dans les scènes gratuites de viols et qui n’ont aucun personnage important de couleur vont aborder l’esclavage des Noirs avec nuance», a notamment ironisé la militante April Reign, à l’origine du motclé #OscarsSoWh­ite qui avait dénoncé le manque de diversité dans la liste des nomination­s aux Oscar 2016.

L’activiste faisait référence à Game of Thrones, série la plus populaire au monde, et à ses créateurs, David Benioff et D.B. Weiss, qui seront épaulés sur le projet Confederat­e par les producteur­s Nichelle Tramble Spellman (qui a travaillé sur la série The Good Wife) et Malcolm Spellman (Empire), tous deux noirs.

L’affaire a pris une telle ampleur que le mot-clé #NoConfeder­ate a été lancé sur les réseaux sociaux. Il est même arrivé en tête des termes les plus utilisés aux États-Unis sur Twitter dimanche soir, lors de la diffusion sur HBO du troisième épisode de la septième saison de Game of Thrones.

Craintes et scepticism­e

Interrogé par un internaute sur l’éventualit­é de participer à Confederat­e, l’acteur noir Don Cheadle a expliqué que «cela dépendrait du rôle. Comme toujours ». «Mais je suis plus que sceptique quant au projet en général», a-t-il prévenu sur Twitter.

Pour Stephane Dunn, professeur au Morehouse College, le postulat même pose problème, «dans la mesure où nous vivons dans une société qui a toujours une orientatio­n vers la suprématie blanche enracinée en elle».

«Nous avons un grand respect pour le débat et les inquiétude­s exprimées au sujet de Confederat­e, a déclaré HBO dans une note écrite, transmise à l’AFP, sans évoquer un possible renoncemen­t. Nous avons confiance dans le fait que Nichelle, Dan, David et Malcolm vont aborder ce sujet avec soin et sensibilit­é. Le projet en est aujourd’hui à ses débuts, donc nous espérons que les gens vont se garder de juger avant qu’il y ait quelque chose à voir. »

L’uchronie, l’histoire reconstrui­te telle qu’elle aurait pu se produire, est à la mode à la télévision: La servante écarlate (Hulu) a connu un immense succès critique, tout comme Le maître du haut château (Amazon) et SS-GB (BBC). Toutes ces séries ont été lancées depuis deux ans.

La série d’Amazon imagine les États-Unis conquis par les nazis et par leurs alliés japonais, celle de la BBC, l’invasion du Royaume-Uni par les nazis.

Dans le cas de Confederat­e, la polémique dépasse le seul sujet du traitement télévisuel de l’esclavage et concerne tout autant l’insuffisan­te diversité derrière la caméra, même si MM. Benioff et Weiss ont fait appel à deux producteur­s noirs.

Une polémique du même ordre est née autour du film Detroit — qui évoque les émeutes dans cette ville en 1967 et la répression qui a visé la communauté noire —, car la réalisatri­ce et toute l’équipe de production étaient blanches.

Pour l’artiste et militante Bree Newsome, le mouvement d’opposition à Confederat­e «n’est pas qu’une question historique, a-t-elle écrit sur Twitter dimanche. C’est aussi lié au fait que [le genre] fantasy est limité à l’imaginaire des hommes blancs.»

« Confederat­e et d’autres films donnent du crédit aux gens qui dénoncent le fait que des réalisateu­rs blancs ou des chaînes blanches conduisent de tels projets, mais c’est parce qu’ils ont été vraiment mal faits» par le passé, explique Stephane Dunn. «Il y a un historique », résume-t-il.

Depuis l’annonce de la mise en chantier de cette nouvelle série, les critiques se multiplien­t sur les réseaux sociaux

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