Le Devoir

Ottawa veut protéger les baleines noires, mais sans nuire aux pêcheurs

- AMÉLI PINEDA

Àla suite du décès d’une dixième baleine noire cet été, des scientifiq­ues prônent la création urgente d’aires de protection dans le golfe du Saint-Laurent. Ottawa ne semble toutefois pas envisager cette mesure, soucieux de ne pas nuire à l’industrie des pêches.

Le ministre fédéral des Pêches, Dominic LeBlanc, a fait le point sur la situation des baleines noires, touchées par une importante vague de mortalité. Selon M. LeBlanc, de 80 à 100 baleines noires se trouveraie­nt actuelleme­nt dans le golfe du Saint-Laurent. Au moins 10 de celles-ci sont mortes depuis le début du mois de juin.

Même si les résultats des nécropsies seront connus qu’en septembre, le ministre LeBlanc a indiqué que tout porte à croire que la mort de ces grands mammifères a été causée par l’empêtremen­t dans les équipement­s de pêche ou par des collisions avec les navires.

«Des informatio­ns préliminai­res montrent que ces baleines ont été tuées lors de collisions avec des bateaux. Le trafic maritime est plus élevé dans le golfe du Saint-Laurent que dans la baie de Fundy, où on les retrouvait auparavant»,a souligné M. LeBlanc.

Le 14 juillet dernier, dans un geste sans précédent, Ottawa avait imposé un moratoire temporaire sur la pêche au crabe des neiges dans une vaste zone du golfe du Saint-Laurent afin de protéger les baleines noires qui s’y concentren­t.

Jeudi, le ministre LeBlanc a toutefois voulu se faire rassurant pour l’industrie des pêches. «Je pense que c’est inappropri­é de croire que l’industrie des pêches est en péril, a-t-il précisé. On peut protéger les baleines, comme la loi nous oblige à le faire, tout en continuant les activités de pêche.»

M. LeBlanc a rappelé que les navigateur­s avaient été invités à adopter des mesures volontaire­s, comme réduire leur vitesse à 10 noeuds

le long du chenal Laurentien dans les voies de trafic maritime entre les îles de la Madeleine et la péninsule gaspésienn­e. Les pêcheurs ont aussi été incités à limiter la quantité de gréements qu’ils laissent à l’eau.

Le ministère des Pêches a par ailleurs réduit la durée de la saison de la pêche au crabe et demandé aux pêcheurs de signaler la présence des baleines noires dans le golfe.

Pêches et Océans a toutefois suspendu les interventi­ons pour libérer des baleines noires empêtrées dans des engins de pêche pour une durée indétermin­ée à la suite du décès d’un sauveteur lors d’une de ces opérations à la mi-juillet. Ottawa veut réviser les politiques d’inter vention.

Mesures insuffisan­tes

Bien que saluées par les scientifiq­ues, ces mesures ne sont pas, selon eux, suffisante­s pour assurer la survie de cette espèce vulnérable, qui ne compte plus que 500 individus.

«Actuelleme­nt, Ottawa éteint le feu avec des mesures à court terme», croit Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP).

«Les mesures annoncées font partie des mécanismes à mettre en place et on s’en réjouit. Ceci étant dit, on ne s’attaque pas au déclin de ces espèces. C’est une chose d’empêcher une collision avec un bateau, c’en est une autre d’offrir un environnem­ent de qualité pour leur garantir la poursuite de leur cycle de vie», mentionne M. Branchaud.

Le ministre LeBlanc a assuré que son gouverneme­nt fait tout en son pouvoir pour assurer le départ sécuritair­e des baleines noires du golfe du Saint-Laurent cet automne et leur retour dans cet habitat l’an prochain. Il a rappelé qu’en vertu de la Loi sur les espèces en péril, le gouverneme­nt canadien a la responsabi­lité de faire tout ce qu’il peut pour protéger les espèces menacées.

La Fondation Suzuki estime qu’Ottawa accuse un important retard dans ce dossier. «La situation est grave, c’est encore un décès de trop. Le fédéral a pris des engagement­s sur les zones de protection, c’est l’occasion de les respecter», dit Diego Creimer, porte-parole de la Fondation David Suzuki.

Les scientifiq­ues préviennen­t également qu’il faut s’attendre à ce que le nombre de baleines noires augmente encore l’an prochain.

Avec les changement­s climatique­s, ces baleines semblent avoir délaissé la baie de Fundy pour s’installer dans le golfe du Saint-Laurent, qui leur sert de « garde-manger ».

«Rien n’indique que leur présence soit temporaire. Au contraire, on ne s’attendait pas à en voir autant cette année, alors c’est important de cerner la zone qu’elles utilisent», souligne le fondateur de la Station de recherche sur les cétacés des îles Mingan, Richard Sears.

Le ministre a survolé jeudi matin un secteur à l’est de l’île de Miscou, au large du NouveauBru­nswick, et y a vu un groupe d’une quinzaine de baleines noires «dans cet habitat où la pêche commercial­e est fermée».

Par contre, il a aussi vu à son retour vers la côte de Miramichi des bouées — « probableme­nt des cages de crabe ou de homard qui étaient perdues » en mer. Le ministre précise que des officiers de pêche ont été prévenus et qu’ils viendront enlever ces bouées attachées à des cages.

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STEPHAN SAVOIA ASSOCIATED PRESS Selon le ministre fédéral des Pêches, Dominic LeBlanc, de 80 à 100 baleines noires se trouveraie­nt actuelleme­nt dans le golfe du Saint-Laurent. Au moins 10 de celles-ci sont mortes depuis le début du mois de juin.

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