The Trip to Spain, de Michael Winterbottom: gourmets galopins
Deux vieux amis cabotins encore sur la route, et toujours un peu à couteaux tirés
THE TRIP TO SPAIN
Drame de Michael Winterbottom. Avec Steve Coogan, Rob Brydon, Rebecca Johnson, Claire Keelan. Grande-Bretagne, 2017, 115 minutes.
Michael Winterbottom figure parmi les rares cinéastes anglais à tourner avec frénésie, et depuis longtemps. Un exploit étant donné la précarité de l’industrie du cinéma dans son pays. Steve Coogan fait partie des acteurs qu’il affectionne, et ce, depuis bien avant The Trip (2010), le premier film d’une amusante trilogie aux allures de caravane gastronomique en compagnie de deux ego démesurés, plus ou moins éloignés de ce qu’ils sont à la ville.
Après l’Angleterre et l’Italie (The Trip to Italy, 2014), la même dynamique s’installe entre Steve et son ami Rob Brydon, comédien tout aussi rigolo peaufinant ses célèbres imitations (de Michael Caine, de Sean Connery, d’Anthony Hopkins, etc.) d’un film à l’autre. Dans The Trip to Spain, la prémisse demeure la même, succincte et efficace: Coogan lâche un coup de fil à Brydon pour l’inviter à déguerpir, cette fois sur les routes d’Espagne, chacun écrivant sur leurs pérégrinations touristiques et culinaires pour des journaux prestigieux, le New York Times et The Observer, rien de moins.
Cinéaste virtuose et énergique, Michael Winterbottom adopte une posture beaucoup plus sage dans cette trilogie, d’abord présentée sous forme de série télévisée pour ses compatriotes. Cette succession de repas succulents apparaît surtout comme une suite d’échanges brillants, acerbes, ludiques ou loufoques entre deux esprits raffinés, et vaniteux. Leur amitié, par ailleurs lointaine et épisodique (Coogan a du mal à nommer les deux enfants de Bryon), vibre aussi au rythme des hauts et des bas de leur carrière respective, Coogan évoquant ad nauseam sa nomination aux Oscar pour le scénario de Philomena, de Stephen Frears.
D’un lieu à l’autre reviennent les postures familières de cette relation qui, comme tout le reste, prend de l’âge: l’heure n’est plus aux conquêtes amoureuses tout au long du voyage, mais à des préoccupations familiales et professionnelles dont plusieurs resteront inabouties au milieu d’un récit somme toute linéaire et de dialogues largement improvisés. Ce qui nous vaut des affrontements verbaux aussi amusants que décousus, entrecoupés d’images captées dans les cuisines des grands restaurants où ils dissertent, souvent, sur la qualité de leurs performances vocales. Et certaines, de John Hurt à Roger Moore, sont tout simplement hilarantes.
Parenthèse joyeuse, lumineuse et résolument touristique, The Trip to Spain s’inscrit dans la parfaite continuité esthétique des deux films précédents, laissant beaucoup de place à ces gourmets galopins mordant à belles dents dans des personnages qui leur ressemblent. Mais jamais ils ne nous confondent, bien mal cachés derrière un merveilleux cabotinage farci de potins de vedettes plus ou moins véridiques, et sur fond de paysages éblouissants qui donnent le goût de prendre la route à leur suite et de s’offrir autant d’extravagances culinaires. Encore faut-il écrire pour le New York Times ou The Observer… V.O.A. : Forum.