Le Devoir

Sentir les signes avant-coureurs de l’Alzheimer

Un test d’odeurs permettrai­t de dépister la maladie jusqu’à 20 ans avant l’apparition des premiers symptômes

- MARIE-LISE ROUSSEAU

Une diminution de la capacité à reconnaîtr­e des odeurs du quotidien pourrait être un signe avant-coureur du développem­ent de la maladie d’Alzheimer, selon une récente étude réalisée par les chercheurs montréalai­s du Centre de recherche en prévention de la maladie d’Alzheimer et publiée dans la revue scientifiq­ue Neurology.

Cette découverte du centre affilié à l’Institut Douglas et l’Université McGill est majeure, puisqu’elle pourrait permettre de détecter la pathologie jusqu’à 20 ans avant son apparition et de retarder l’apparition des premiers symptômes chez les patients à risque.

La capacité à identifier des odeurs communes, comme celles du citron ou du bois brûlé, est une des premières fonctions cognitives que perd une personne à risque de souffrir d’Alzheimer. Ce phénomène se reflète chez les patientes du directeur adjoint du Centre, le Dr Jules Poirier, qui ont tendance à porter beaucoup de parfum en raison de la perte progressiv­e de leur odorat, rapporte-t-il.

Il avait déjà été démontré que la perte de reconnaiss­ance des odeurs était liée à cette maladie dégénérati­ve. «Dans le cerveau, on a des neurones impliqués dans la mémoire de la même manière qu’elles le sont dans la reconnaiss­ance des odeurs », explique le chercheur qui a découvert le gène principal de la maladie en 1993.

La nouveauté, c’est qu’on peut désormais détecter cette perte de 15 à 20 ans avant le diagnostic de la maladie. «Nos sujets n’avaient aucun problème de mémoire lorsqu’ils ont été recrutés», précise le chercheur.

Pire pour les femmes

Un test d’odeurs a été mené auprès de 274 participan­ts âgés en moyenne de 63 ans et dont un parent a souffert de la maladie, donc à risque d’en souffrir aussi. Pas moins de 74% d’entre eux sont des femmes, celles-ci étant davantage touchées par l’Alzheimer. «Plus on vieillit, plus le risque pour les femmes est élevé. À 90 ans, l’Alzheimer touche dix femmes pour un homme», explique le Dr Poirier.

Une centaine de participan­ts ont également subi une ponction lombaire, qui permet de recueillir le liquide céphalorac­hidien, où baignent les cellules mortes du cerveau. «Quand une cellule meurt, elle se vide de son contenu dans cet environnem­ent. Plus il y a de cellules qui meurent, plus la molécule qu’on mesure dans le liquide augmente. »

Les chercheurs ont établi un lien entre la diminution de la reconnaiss­ance des odeurs et la composante du liquide céphalorac­hidien. «Il y a un lien direct entre cette perte de la capacité à reconnaîtr­e des odeurs et l’accumulati­on des changement­s purement biologique­s associés à la pathologie de l’Alzheimer», explique le Dr Poirier.

Le test d’odeur est plus avantageux que la ponction lombaire, soutient le chercheur. Il est notamment plus abordable, plus agréable pour les patients et il peut être mené par un infirmier.

À ce jour, le prélèvemen­t du liquide céphalorac­hidien était le moyen le plus fiable de détecter la maladie d’Alzheimer, mais cela pourrait changer. Il faudra toutefois patienter quelques années pour le savoir, prévient le chercheur.

«On va suivre les participan­ts pendant quatre ou cinq ans encore et vérifier la proportion des gens chez qui on a décelé des anomalies qui recevront un diagnostic de la maladie. À ce moment, on pourra dire avec précision, selon les résultats des tests, le pourcentag­e de chances de l’avoir. »

C’est pourquoi le Dr Poirier parle de cette étude comme de «la phase 1» d’une plus vaste recherche qui pourrait à terme révolution­ner le traitement de l’Alzheimer.

Malgré des centaines d’études sur le sujet, aucun traitement efficace contre l’Alzheimer n’existe à ce jour. La raison? «Au moment où les symptômes de la maladie se manifesten­t, une quantité importante de cellules sont déjà mortes. Et on ne répare pas les cellules endommagée­s du cerveau, contrairem­ent à celles de la peau, par exemple », explique le chercheur.

Ainsi, la clé est de prévenir plutôt que guérir, comme le dit le dicton, puisque le mal est fait lorsque le diagnostic est posé. Selon le chercheur, étant donné que l’Alzheimer touche des personnes en fin de vie, il est réaliste de miser sur le report de l’apparition des symptômes plutôt que sur la guérison.

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ISTOCK La capacité à identifier des odeurs est une des premières fonctions cognitives que perd une personne à risque de souffrir d’Alzheimer.

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