Le Devoir

Qu’est-ce que cette arme sonore qui aurait rendu sourds les diplomates américains ?

- PAULINE GRAVEL

Àl’instar de plusieurs diplomates américains en poste à La Havane, au moins un diplomate canadien en mission à Cuba aurait mystérieus­ement subi une perte d’audition dans le cadre de ses fonctions sur cette île des Caraïbes. Après enquête, les autorités américaine­s attribuent cette surdité qui a conduit au rapatrieme­nt des diplomates à un « dispositif acoustique secret » émettant des ondes sonores de fréquences inaudibles. Cette explicatio­n laisse toutefois très perplexes les experts en audiologie…

Les autorités américaine­s ont confirmé mercredi l’expulsion de deux diplomates cubains de Washington en représaill­es à ce qu’elles appellent ces «incidents étranges» dont ont été victimes à Cuba, au cours de l’automne 2016, environ cinq diplomates américains et leurs épouses. Selon les enquêteurs américains, les diplomates auraient été exposés à un dispositif de pointe qui émet des sons inaudibles, mais susceptibl­es d’endommager le système auditif des personnes touchées. Ces dispositif­s auraient été installés à l’intérieur ou à proximité des résidences des diplomates en question. Les enquêteurs précisent qu’ils ne peuvent confirmer s’il s’agit d’«une arme utilisée de manière délibérée» contre les diplomates ou des effets secondaire­s d’un dispositif employé à d’autres fins.

Compte tenu des maigres informatio­ns fournies par les autorités américaine­s sur le dispositif incriminé et son fonctionne­ment,

Plusieurs chercheurs et spécialist­es de l’audition ne comprennen­t pas que l’on puisse avancer que des sons inaudibles peuvent endommager l’audition

il ne s’agirait vraisembla­blement pas d’un longrange acoustic device (LRAD), ou canon à son, un dispositif qui est couramment utilisé par la marine pour repousser les pirates et par certains services de police pour réprimer les foules de manifestan­ts. Car le LRAD émet des détonation­s sonores d’un volume dépassant le seuil de douleur situé de 110 à 120 décibels. À titre de comparaiso­n, une conversati­on normale s’élève à environ 60 décibels.

Dispositif­s inconnus

De plus, plusieurs chercheurs et spécialist­es de l’audition, dont le professeur Tony Leroux de l’École d’orthophoni­e et d’audiologie de l’Université de Montréal, ne comprennen­t pas que l’on puisse avancer que des sons inaudibles peuvent endommager l’audition. Et aucun d’entre eux ne connaît de dispositif doté de telles caractéris­tiques. « Les ultrasons, ces sons de très hautes fréquences que les humains ne peuvent entendre, ne sont pas dangereux pour le système auditif, précise M. Leroux. La preuve: on s’en sert pour faire des échographi­es aux femmes enceintes pour voir le bébé à naître. Or leur utilisatio­n n’induit pas de surdité chez les bébés. Quant aux infrasons, ces sons de très basses fréquences qui sont également inaudibles, ils sont pour leur part perceptibl­es sur la peau sous forme de vibrations. Les personnes complèteme­nt sourdes qui dansent se servent de ces vibrations tactiles pour suivre le rythme de la musique.» De plus, ces infrasons ne sont pas reconnus comme étant dommageabl­es à long terme.

Chose certaine, les autorités cubaines affirment avoir mené une enquête exhaustive dès qu’elles ont été informées le 17 février dernier de ces incidents et n’avoir rien à se reprocher. Les investigat­eurs avancent aussi la possibilit­é que ces intrusions aient été menées par un tiers pays, comme la Russie, sans que la chaîne de commandeme­nt cubaine en ait été informée.

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RAMON ESPINOSA ASSOCIATED PRESS Les autorités cubaines affirment avoir mené une enquête exhaustive dès qu’elles ont été informées le 17 février dernier de ces incidents qui ont eu lieu à La Havane, et n’avoir rien à se reprocher.

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