Le Devoir

Face au blocus, le Qatar fait de la résistance

- MATHIEU AIT LACHKAR

Mis à l’écart par ses voisins du Golfe pour «soutien au terrorisme», Doha tente tant bien que mal de briser l’isolement, notamment en adoptant des mesures pour stimuler le tourisme et le transport.

Las d’en arriver à des extrémités telles que l’achemineme­nt de 4000 vaches par avion pour contourner le blocus diplomatiq­ue et économique imposé par ses voisins du Golfe depuis le 5 juin, le Qatar joue la roublardis­e. Le pays a annoncé le mercredi 9 août, au cours d’une conférence de presse du patron de la compagnie aérienne Qatar Airways, qu’il supprimait les visas d’entrée sur son territoire pour 80 nationalit­és. Une mesure qui vient s’ajouter au décret autorisant les étrangers vivant au Qatar à avoir une résidence permanente. Le but? Stimuler tant bien que mal le tourisme et le transport. La fermeture de son espace aérien en juin avait entraîné des complicati­ons pour la compagnie nationale, contrainte de rallonger ses itinéraire­s. Depuis, le Bahreïn et les Émirats arabes semblent avoir lâché du lest. Ils sont tombés d’accord, mardi 8 août, pour faciliter les vols de la compagnie qatarie. Mais le petit émirat avait déjà pris les devants pour subsister dans ce qui s’apparente à un blocus de riches.

Entre repli militaire, accords économique­s et soft power

Avant même l’annonce de mercredi visant à développer le tourisme au Qatar, plutôt connu pour être un grand hub internatio­nal vers l’Asie, l’Europe et l’Afrique, des mesures avaient déjà été prises. Le 14 juin, soit deux semaines après l’annonce des sanctions prises à l’encontre de l’émirat, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, et son homologue qatari Khaled al-Attiyah ont conclu un accord de 12 milliards de dollars pour la vente à Doha d’avions de combat F-15. Les États-Unis disposent

déjà d’une grande base aérienne dans le désert du Qatar, où se trouve notamment le siège du Centcom, le commandeme­nt central américain qui dirige les opérations contre le groupe État islamique. Toujours dans un objectif militaire, le Qatar a mené début août des exercices terrestres et maritimes avec la Turquie. Ces derniers font suite à la commande début août de navires de guerre italiens pour un montant de 5 milliards d’euros.

Sous pression économique, le premier exportateu­r mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) a annoncé début juillet son intention d’augmenter de 30% sa production de gaz, pour passer de 77 à 100 millions de tonnes par an d’ici 2024. La compagnie d’État Qatar Petroleum et le géant français Total ont également scellé un partenaria­t de 25 ans pour développer le grand gisement pétrolier offshore d’AlChahine, situé sur la côte orientale.

Enfin, parce qu’il n’y a pas de petite victoire, la venue de Neymar au PSG, propriété du Qatar, est un pied de nez aux Émirats arabes unis qui s’illustrent plutôt dans des sports moins médiatique­s, comme les courses hippiques. L’acquisitio­n des droits de diffusion dans la région de la Ligue des champions par la chaîne qatarie BeIn Sports est aussi une revanche pour Doha, alors même que sa chaîne sportive a été interdite en Arabie saoudite et aux Émirats. Une histoire de jalousie pour les officiels qataris.

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