Le Devoir

Émeutes et liesse après la réélection du président Kenyatta

- FRANÇOIS AUSSEILL à Nairobi

Des émeutes et des scènes de liesse ont éclaté vendredi au Kenya dès l’annonce de la réélection du président Uhuru Kenyatta pour un second mandat de cinq ans, qualifiée de « mascarade » par l’opposition.

Dans une adresse à la nation juste après la proclamati­on de sa victoire par la commission électorale (IEBC), M. Kenyatta, crédité de 54,27% des voix, a tendu la main à son principal rival, Raila Odinga, qui a récolté 44,74% des suffrages, et appelé à la paix.

«Nous devons travailler ensemble, nous devons faire équipe, nous devons grandir ensemble, nous devons ensemble faire grandir ce pays », a lancé le chef de l’État sortant, assurant en outre qu’«il n’est pas nécessaire de recourir à la violence ».

Mais dix ans après les pires violences électorale­s de l’histoire du pays (1100 morts), la victoire de M. Kenyatta a été suivie de scènes de violence dans des bastions de l’opposition, à Kisumu (ouest), ainsi que dans plusieurs bidonville­s et quartiers populaires de Nairobi, tels que Kibera, Kariobangi, Mathare et Dandora.

Dans le même temps, dans les villes de Nakuru, Eldoret et Nyeri, ainsi que dans certaines zones de Nairobi, des milliers de personnes chantaient et dansaient en liesse dans les rues pour fêter la victoire de leur champion, M. Kenyatta.

À Kibera, des partisans de M. Odinga en colère ont attaqué et pillé des commerces appartenan­t selon eux à des membres de l’ethnie kikuyu, celle du président Kenyatta, selon un photograph­e de l’AFP. La police a tiré des coups de feu en direction des émeutiers, a indiqué la même source.

Dans la ville de Kisumu, un groupe d’une centaine de personnes a également déclenché des émeutes dans le quartier de Kongele, où des échauffour­ées avaient déjà eu lieu mercredi, a constaté un journalist­e de l’AFP.

«Ils sont venus nous tuer comme en 2007», a déclaré un manifestan­t dans le bar d’un quartier de Nyalenda à Kisumu, où il avait trouvé refuge avec quelques personnes, après que la police eut ouvert le feu sur un groupe tentant de manifester.

«Un désastre», selon l’opposition

Dans ce contexte tendu, les prochaines déclaratio­ns de Raila Odinga seront déterminan­tes. Jeudi soir, M. Odinga avait appelé au calme tout en ajoutant : «Je ne contrôle personne. Les gens veulent la justice.»

«Je pense que tout ça relève d’une mascarade totale, c’est un désastre », avait déclaré James Orengo, un des principaux leaders de la coalition d’opposition, peu de temps avant la proclamati­on du vainqueur.

«Pour nous, aller en justice n’est pas une solution. Nous sommes passés par là dans le passé. Ce n’est pas une option», a ajouté James Orengo. « Chaque fois qu’une élection a été volée, le peuple kenyan s’est levé pour faire en sorte que des changement­s intervienn­ent afin de faire du Kenya un meilleur endroit. »

L’IEBC avait publié des résultats provisoire­s dès mardi soir, mais la compilatio­n et l’authentifi­cation des résultats définitifs ont pris trois jours, durant lesquels l’opposition a évoqué un piratage informatiq­ue — démenti par l’IEBC —, soutenu qu’il y avait eu des bureaux de vote illégaux et affirmé que Raila Odinga devait être déclaré vainqueur.

La bonne tenue des élections générales de mardi avait pourtant été unanimemen­t saluée par la communauté internatio­nale, qui avait également appelé au calme dans les jours suivant les élections générales de mardi. Les présidents rwandais et ougandais Paul Kagame et Yoweri Museveni ont d’ores et déjà félicité sur Twitter leur homologue kenyan.

Les accusation­s de fraude ont exacerbé les passions déjà lestées d’un demi-siècle de rivalité dynastique entre les familles Kenyatta et Odinga.

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LUIS TATO AGENCE FRANCE-PRESSE Des officiers de la police patrouille­nt le bidonville de Mathare, à Nairobi, après une manifestat­ion pro-opposition.

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