Regard sur les «milléniaux» engagés dans les instances jeunesse des partis
Les jeunes libéraux se réunissent cette fin de semaine à Sherbrooke pour discuter d’éducation et d’enseignement supérieur dans un congrès qui marque aussi la fin des vacances pour la classe politique. À un mois du retour des élus sur les bancs du Salon bleu, les jeunes s’activent. Ils sont dans la vingtaine, consacrent jusqu’à une trentaine d’heures par semaine à la politique et n’en reçoivent pas un sou. Coup d’oeil sur ces «milléniaux» engagés.
Les samedis matin, Jonathan Marleau, Marc-André Bouvette, Samuel Lemire et Sarah Beaudoin sont plus souvent levés de bonne heure pour participer à des événements politiques qu’ils ne prennent leurs aises pour se lancer dans un marathon Netflix.
Ils sont tous dans les ailes jeunesse des partis politiques du Québec, à l’exception de Sarah, puisque Québec solidaire (QS) ne possède pas d’instance réservée spécialement à la relève. «En fait, 50% de nos membres ont 42 ans ou moins et s’impliquent activement », fait valoir l’ex-candidate dans Arthabaska et cofondatrice de l’association de campus de l’Université de Sherbrooke, qui ne voit pas l’utilité de « ghettoïser » les jeunes dans un parti.
Alors, pour avoir une aile jeunesse, faut-il être un parti de vieux? Pas du tout, répond Louis Massicotte, professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Laval. «Quand on est un parti qui vient tout juste d’être établi, on ne se soucie pas de ce qui va arriver à la génération subséquente. C’est donc un signe de maturité pour un parti d’avoir une aile jeunesse», croit-il.
Une tradition
Le Parti québécois (PQ) a mis 19 ans à créer son Comité national des jeunes, tandis que le Parti libéral du Québec (PLQ) a attendu 103 ans avant de mettre sur pied sa Commission-Jeunesse. La Coalition avenir Québec (CAQ), du haut de ses cinq ans d’existence, fait donc exception avec sa Commission de la relève. «Un peu comme l’ADQ, dont ils sont un peu issus, ils ont beaucoup de gens qui ont été socialisés dans le Parti libéral et qui transportent les mêmes habitudes», explique le professeur Massicotte.
Chez les libéraux, la Commission-Jeunesse s’est élevée au statut de « tradition », remarque Éric Montigny, professeur à l’Université Laval, qui s’est intéressé à la participation démocratique des jeunes. Pour corollaire, les jeunes libéraux reçoivent davantage d’attention médiatique. «Il y a aussi le fait que le Parti libéral est au pouvoir, ajoute Éric Montigny. La participation du premier ministre au congrès jeunes, le fait que des propositions peuvent mettre de la pression sur un gouvernement qui est en exercice: ça aussi, ça peut contribuer à une couverture plus importante.»
Le président des jeunes libéraux, Jonathan Marleau, y va d’une explication plus ambitieuse. « C’est […] entre autres parce qu’on est l’aile jeunesse la plus influente au Canada et en Amérique du Nord », lance-t-il.
Dans les autres partis, le «combat» pour attirer l’attention des journalistes est plus complexe. «Peut-être que les médias vont s’intéresser à la tendance polémiste des ailes jeunesse », avance Marc-André Bouvette, président du Comité national des jeunes du PQ. Il donne l’exemple d’une proposition sur la parité mise en avant par les jeunes péquistes au printemps. «Ç’a été couvert parce que j’ai tiré fort, parce que je l’ai fait “spinner” auprès des journalistes!»
Des ballons d’essai?
Reste que la polémique, ça peut aussi être la signature des ailes jeunesse qui ont le loisir de faire des propositions «à l’encontre de la position officielle du parti», rappelle le professeur Montigny.
Toutes se défendent de servir de plateforme d’essai pour les partis. Jonathan Marleau évoque «l’indépendance de pensée» des jeunes libéraux, tandis que Marc-André Bouvette préfère le terme «autonomie». Le président de la Commission de la relève de la CAQ, Samuel Lemire, parle plutôt d’un débat qui tourne en rond.
«C’est un peu circulaire de dire qu’on appartient d’abord à notre parti ou à notre aile jeunesse. Si on est dans une aile jeunesse donnée, c’est parce qu’on partage les valeurs du parti», affirme-t-il.
L’histoire lui donne peut-être raison. En 1992, quand Mario Dumont s’est opposé à l’accord de Charlottetown promu par le premier ministre Robert Bourassa, il en a payé le prix en perdant ses fonctions de président des jeunes libéraux.
«Et vous savez comment ça s’est terminé. Mario Dumont est parti et a pratiquement emmené toute la commission jeunesse avec lui dans l’ADQ», rappelle Louis Massicotte.
Une anomalie?
Dans ses recherches, Éric Montigny a démontré que les jeunes associent la politique à la défense d’enjeux précis. «Ils vont s’impliquer dans un parti pour défendre une idée pointue, non pas pour adhérer toute leur vie à un parti politique », remarque-t-il. La ligne de parti n’a visiblement plus la cote.
Si ce n’était la transpartisanerie, les ailes jeunesse pourraient-elles apparaître dépassées ? « Le contexte est très différent de celui de l’Assemblée nationale », admet Jonathan Marleau, non sans rappeler que plusieurs décisions sont adoptées à l’unanimité au Salon bleu. «Le fait qu’on n’ait pas à se colletailler quotidiennement à la période des questions, que les médias ne scrutent pas nos faits et gestes au quotidien, ça fait en sorte qu’il y a peut-être moins de rivalité qui se développe», affirme Samuel Lemire.
«On a des idées différentes, mais le public serait surpris de connaître la bonne entente entre les jeunes de la CAQ, les jeunes libéraux et nous. Ça motive », souligne aussi MarcAndré Bouvette. À son avis, les jeunes réussissent à mettre l’adversité de côté en raison de leurs idéaux communs pour le Québec… et de leurs courtes nuits de sommeil. «On défend des idées différentes, mais on se lève tous à 6 h la fin de semaine!» lancet-il en rigolant.