Taxer le commerce électronique : pas si simple
La popularité croissante des achats en ligne fait perdre des centaines de millions en taxes au Québec, des dizaines de milliards aux États-Unis, des centaines de milliards en Europe. Mais récupérer la taxe de vente sur le commerce électronique reste encore une affaire de bonne volonté.
L’Institut du Québec (IQ) a publié vendredi une solide étude portant sur la difficile cohabitation entre la fiscalité et le commerce électronique. Reprenant ses données publiées en 2015, il chiffre à 6,6 milliards l’achat annuel en ligne des Québécois en produits et services. Du nombre, seul 1,7 milliard venait de sites québécois. Reprenant l’information du Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO) ventilant par secteurs, les sites québécois revendiquent 26% des achats en ligne des Québécois en voyages-transport, contre 35% pour les sites américains. Cette part atteint respectivement 31 % et 54% pour les achats de livres-revues-journaux, 22 % et 52% respectivement pour les articles de mode, 14 % et 62% respectivement pour la décoration, 9 % et 79% pour la musique, les films et les vidéos, ainsi que 2 % et 71% pour l’électronique.
«Il ne nous semble pas excessif de penser que quelque 200 millions puissent être perdus chaque année en taxes sur les ventes en ligne», ajoute l’IQ. Les pertes fiscales atteindraient 20 milliards $US par année pour l’ensemble des États américains, 170 milliards d’euros selon l’estimation de la Commission européenne.
Autocotisation
Le paiement des taxes sur les produits et services achetés en ligne chez un fournisseur sans présence physique au Québec relève, en définitive, de l’autoco-tisation de la part du consommateur. Or à peine une dizaine de consommateurs remplissent volontairement cette obligation. Ce modèle ne fonctionne tout simplement pas. Les analystes citent l’expérience australienne. De nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 1er juillet, quelque six ans après le début de la réflexion. Et elles portent sur les produits intangibles, l’entrée en vigueur de la Loi sur les produits tangibles étant reportée à l’an prochain, nous dit une étude publiée le 31 juillet par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Làbas, il revient aux fournisseurs étrangers de prélever la taxe à la consommation, selon le principe de «croyance raisonnable» de la nationalité du consommateur.
Les pays taxant le commerce électronique s’inspirent, pour l’essentiel, des principes énoncés par l’OCDE suggérant que la taxe à la consommation doit être prélevée par le fournisseur sur la base du lieu de résidence habituelle du consommateur. L’Union européenne a également retenu l’approche du guichet unique prévoyant une centralisation des inscriptions des fournisseurs étrangers.
Dans les faits, «nous sommes conscients que la position articulée par l’OCDE ne bénéficie pas du pouvoir coercitif des gouvernements nationaux et régionaux. Par conséquent, force est d’admettre que cette solution repose, elle aussi, sur une forte présomption de bonne volonté» de la part des entreprises, ajoute l’IQ, qui fait cependant confiance à l’influence de l’opinion publique sur les entreprises soucieuses de leur image.
Autre contrainte, les ÉtatsUnis n’ont pas de taxe à la consommation fédérale. Et dans les États où il y a prélèvement, ils n’ont pas autorité sur les fournisseurs hors de leur frontière. « Une résistance est envisageable de la part de certains fournisseurs parce que ni le Canada ni le Québec sont des clients majeurs chez certains grands joueurs », souligne l’Institut.
«Quelque 200 millions [pourraient] être perdus chaque année en taxes sur les ventes en ligne», a avancé l’Institut du Québec