Le Devoir

Se donner naissance

Sage femme offre un face à face émouvant entre les deux Catherine du cinéma français

- FRANÇOIS LÉVESQUE

SAGE FEMME ★★★★

Drame de Martin Provost. Avec Catherine Frot, Catherine Deneuve, Olivier Gourmet, Quentin Dolmaire, Mylène Demongeot. France, 2017, 117 minutes.

Elles sont deux actrices aux tempéramen­ts distincts, appartienn­ent à deux génération­s, mais partagent un même prénom. Catherine Deneuve est devenue icône presque à ses débuts. Catherine Frot a connu la gloire sur le tard. Leur rencontre, on l’attendait depuis longtemps. Avec Sage femme, de Martin Provost, c’est maintenant chose faite, et bien faite.

Il faut dire que Martin Provost est passé maître dans l’art des portraits féminins complexes et sensibles, portés chaque fois par des interpréta­tions exceptionn­elles. On n’a qu’à se souvenir de Séraphine, sur la peintre Séraphine de Senlis, et d’Où va la nuit, sur une femme victime de violence conjugale qui décide de tuer son mari, tous deux avec Yolande Moreau, ou encore de Violette, dans lequel Emmanuelle Devos incarne l’auteure Violette Leduc.

Sage femme ne fait pas exception. Frot et Deneuve, au sommet de leur art, l’une sobre, l’autre exubérante, toutes deux d’une justesse inouïe, se livrent à un pas de deux qui fait plaisir à voir.

La cigale et la fourmi

Ce drame tout en demi-teintes, et non dénué d’humour, s’attarde au quotidien profession­nel gratifiant, mais personnel quelque peu morne, de Claire, une sage-femme qui a élevé seule un grand fils qui vient de quitter le nid. Claire ne boit pas, ne fume pas et ne mange pas de viande. Elle sourit peu.

Débarque dans son existence rangée Béatrice, une figure du passé qui charrie sans le savoir dans son sillage un lot de souvenirs malheureux. Béatrice qui boit, fume, mange de la viande, mais rit moins qu’avant. Cancer.

Ancienne amoureuse du défunt père de Claire, Béatrice entend renouer avec celle-ci. Prompte à repousser l’importune, Claire se laisse émouvoir par la maladie de Béatrice, puis, enfin, par la personne, une femme libre et insouciant­e : son exact contraire.

Profondéme­nt humain

En cela, le titre, qui apparaît avec un trait d’union qui se dissout, renferme plusieurs clés pour comprendre le personnage de Claire. Claire si pleine de sagesse, mais trop flegmatiqu­e — sage — pour son propre bien. Ce dont elle prend conscience, non sans résister, au contact de Béatrice. Ce faisant, elle se donne un second souffle, se (re)donne naissance.

C’est d’une délicatess­e, d’une acuité, et ce tant à l’écriture qu’à la mise en scène... Avec sa beauté sans fard et, surtout, sa paire d’actrices suprêmemen­t douées, ce film profondéme­nt humain réchauffer­a le coeur des cinéphiles.

Oui, l’attente en aura valu la peine.

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MICHAEL CROTTO / MK2 MILE END Avec sa paire d’actrices suprêmemen­t douées, ce film profondéme­nt humain réchauffer­a le coeur des cinéphiles.

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