Le Devoir

Yacine & The Oriental Groove : Alger, Barcelone et la Méditerran­ée

- YVES BERNARD

Au festival Orientalys, Yacine & The Oriental Groove fut assurément la révélation de 2013. Avec son mélange de chaâbi algérois et de rumba catalane, de mélodies orientales et de rythmes nord-africains, avec une touche de reggae et de rock, le groupe de Barcelone revient ce samedi au quai de l’Horloge du VieuxPort de Montréal pour offrir Mediterran­ean Clash, un troisième disque qui révèle un réel intérêt pour une Méditerran­ée ouverte en cette période d’explosion migratoire.

«En comparaiso­n avec nos deux premiers albums, on a essayé de revendique­r cette Méditerran­ée positive qui nous a apporté tellement», affirme Yacine Belahcene Benet, le chanteur de l’Oriental Groove. « Cette même Méditerran­ée est en train de se convertir en cimetière. On n’a qu’à regarder tout ce qui se passe avec les migrants qui essaient de traverser. On essaie de revendique­r cette facilité de mouvement parce que, sinon, il se passe ce qui est en train de se passer: des morts et des gens qui se jettent dans la mer.»

Cette Méditerran­ée, Yacine & The Oriental Groove la recherche également dans la musique, alors que le répertoire permet de faire le tour de la grande bleue, du MoyenOrien­t au Maghreb. Les deux leaders du groupe incarnent bien le phénomène: Yacine Belahcene, qui est né de père algérien et de mère catalane, chante dans les deux langues alors que Yannis Papaioanno­u vient de Thessaloni­que. Il a électrifié son oud et intègre souvent des cordes orientales à sa musique. «Il est le directeur artistique, il a fait l’école classique de l’oud et a aussi cette influence grecque. Il est la moitié de la sonorité des chansons », explique l’autre meneur de la formation.

Esprit d’ouverture

Au début du millénaire, on l’a connu avec Cheb Balowski, un excellent band de musique aux allures débridées, qui était au centre d’un fabuleux mouvement de métissage à Barcelone, dont la compilatio­n Barcelona Raval Sessions avait dévoilé plusieurs secrets. Les Ojos de Brujo, Dusminget et d’autres avaient fait les beaux jours d’une ville qui s’affirmait par son esprit d’ouverture et, depuis ce temps, plusieurs ont établi des comparaiso­ns entre Montréal et la capitale catalane. Cela tient-il la route, selon Yacine Belahcene ?

«Oui et non. C’est vrai que, pendant des années, il y avait des musiciens partout et plein de locaux pour répéter. Dans les locaux, tu trouvais des musiciens qui venaient de partout et c’est vrai qu’il y a eu un mix, mais il a duré très peu de temps. Ça n’a pas tenu parce que les grands labels se sont approprié ce mouvement. Et pendant ces années, il y a eu un modèle touristiqu­e hyperspécu­latif. C’est horrible, c’est devenu impossible de louer pour les gens de Barcelone. Même moi, je suis rendu à une trentaine de kilomètres à l’extérieur. Par contre, il est vrai que Barcelone demeure une ville plus ouverte qu’ailleurs en Europe, même si le racisme y existe comme partout et que, avec tout ce qui se passe avec le terrorisme, il y a beaucoup de stigmatisa­tion. »

Le choc méditerran­éen traverse les villes et anime donc le troisième disque de l’Oriental Groove : « Dans Barcelona Sona, on parle de notre ville qui est devenue celle d’Airbnb. Dans Monstres Sota el LLit, on parle de vie meilleure. Ce qu’on veut, c’est de vivre avec le maximum de respect pour les différente­s cultures. On revendique aussi l’authentici­té des villes. La mondialisa­tion a fait qu’il n’y a plus de grandes différence­s entre les villes.»

Musicaleme­nt, l’Oriental Groove intègre parfois les cordes orientales avec sensibilit­é : « On ne veut pas mélanger pour mélanger. On essaie de donner une sonorité sérieuse », affirme Yacine. Ce qui n’empêche pas la danse. LE FESTIVAL ORIENTALYS Au quai de l’Horloge du VieuxPort de Montréal du 10 au 13 août. Yacine & The Oriental Groove sur la scène TD, samedi 12 août à 19 h 30. www.festivalor­ientalys.com

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