Le Devoir

Intrigant doublé

Des styles aux antipodes pour les récits d’un Anglais et d’un Américain

- MICHEL BÉLAIR

L’un, Robert Goddard, en est déjà à son sixième titre, alors que l’autre, Mike McCrary, paraît ici pour la première fois en français.

Le premier est tout ce qu’il y a d’anglais — même si on l’a déjà comparé à Harlan Coben — et le nouveau, baveux, tout à fait violemment américain, façon Bret Easton Ellis (American Psycho). Petite plongée dans deux univers tordus… de façon complèteme­nt différente.

Fiction pulpeuse

L’Amérique est une terre de contraste, même en des ères de déconstruc­tion politique comme celle que nous traversons. Mais s’il est une constante qui s’y affirme quotidienn­ement, quel que soit le régime en place, c’est la violence. Incarnatio­n à sa façon de l’American way of life, la violence sévit, immodérée, constituti­onnelle, omniprésen­te, dans toutes les classes de la société. Remo Cobb est bien placé pour le savoir.

Avocat de la défense dans le plus célèbre cabinet new-yorkais, Remo a défendu les pires truands jusqu’au jour où un braquage de banque se terminant en boucherie le dégoûte au point qu’il perd délibéréme­nt le procès. Ce n’est pourtant pas que Remo Cobb soit un personnage exemplaire. Au contraire, c’est une sorte d’ordure sans conscience qui porte des costumes élégants et qui enfile les verres de gin, les nanas et les stimulants en tous genres pour parvenir à continuer en empilant des liasses de dollars. Sauf que les sombres auteurs du braquage le retrouvent quelques années plus tard…

L’histoire de la liquéfacti­on de Remo Cobb vaut surtout par l’écriture nerveuse qui la décrit si bien; on retrouve ici des passages étonnants qui placent McCrary avec toute une génération de jeunes auteurs frondeurs qui redéfiniss­ent le genre «noir» aux États-Unis. Mais toute cette violence — traduite efficaceme­nt en argot franchouil­lard — est difficilem­ent supportabl­e, soyez prévenus.

Trois disparus

Presque aux antipodes, le roman de Robert Goddard emprunte la forme classique du thriller. Tout renvoie ici à l’enlèvement d’une petite fille qui tourne au désastre; la famille est décimée, les témoins sont rares et la police patine dans la choucroute.

L’histoire nous est racontée par David Humber, un des deux témoins du drame qui reprend l’enquête près de 20 ans plus tard après avoir perdu sa femme… qui était la gardienne de la petite disparue. En parallèle, une passionnan­te trame historique s’appuyant sur un polémiste virulent du XVIIIe siècle anglais ancre solidement le récit sans pourtant lui donner vraiment plus d’envergure.

Les personnage­s sont bien définis, crédibles, l’intrigue est solide et, comme le veut le genre, l’affaire ne s’éclaircit qu’à la toute fin dans un coup de théâtre qui rebrasse les cartes en redéfiniss­ant toute l’histoire. Un livre à traîner à la plage ou à lire près de la piscine avec un verre de rosé… et des cacahuètes bio!

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