Le Devoir

Valérie Plante se présente comme « l’homme de la situation »

La chef de Projet Montréal lance avec humour le débat sur la place des femmes en politique municipale

- SARAH R. CHAMPAGNE

Bras croisés, regard bien planté, Valérie Plante se présente comme «l’homme de la situation » qui demande aux citoyens de l’élire «mairesse de Montréal ».

L’affiche surdimensi­onnée de la chef de Projet Montréal est visible dans la métropole.

Mme Plante admet ouvertemen­t avoir voulu créer un engouement autour d’elle: «J’évolue dans le mouvement des femmes depuis 20 ans. Dans le monde politique, je ne vais pas attendre qu’on me donne une tribune, je vais aller chercher l’attention. »

Le choix du message est donc un clin d’oeil à l’expression consacrée, une manière «irrévérenc­ieuse et audacieuse » de lancer une discussion sur la place des femmes en politique.

Une place particuliè­rement réduite en politique municipale. Lors des élections municipale­s de 2013, 82% des élus à la mairie étaient des hommes. «L’homme de la situation» est donc bien consciente de s’engager sur un «chemin souvent tracé par des hommes», où les standards sont très masculins.

Vaut mieux en rire

Mission accomplie pour la publicité précampagn­e, croit Julie Dufort, doctorante en science politique à l’UQAM, dont les recherches portent sur l’humour politique. «C’est de l’ironie. Le message n’est pas directemen­t celui qu’on lit. Ils ont créé un peu d’ambiguïté pour attirer l’attention et ensuite la rétablir en prenant la parole publiqueme­nt», analyse-t-elle.

Une dose d’ambiguïté qui n’est pas cependant décelée par tout le monde, comme le montrent certains commentair­es sur les réseaux sociaux. Un «risque» dans l’utilisatio­n de l’ironie, surtout pour des citoyens qui ne connaîtrai­ent pas d’avance les inclinaiso­ns du parti et les conviction­s féministes de Mme Plante.

L’ajout d’une photo renforce également le message, note Mme Dufort. La posture plutôt neutre, ni masculine ni féminine, de la candidate démontre la déterminat­ion d’une femme qui «a décidé de ne pas laisser la place à un homme ».

L’aspirante mairesse utilise ce travers expressif contre luimême, plutôt que de dénoncer cette place étriquée des femmes en politique sur le ton de la réprimande.

C’est ce ton positif de campagne qui plaît le plus à la doctorante. L’humour est un mode rhétorique de plus en plus utilisé en politique, même si parfois dans des campagnes négatives, et cette fois-ci, «cela déconstrui­t l’idée que les féministes n’ont pas d’humour».

L’humour s’avère un «outil extraordin­aire», une «arme» particuliè­rement efficace pour les femmes, remarque aussi Esther Lapointe, directrice générale du Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD).

«Dans les réunions ou un conseil municipal, comment faire pour répondre à la condescend­ance?» interroge-t-elle. Le GFPD avait fait appel à l’École nationale de l’humour en 2009 pour préparer une formation sur le pouvoir de l’humour pour des participan­tes qui veulent prendre leur place dans les sphères décisionne­lles.

Mme Lapointe trouve à ce titre la campagne de Projet Montréal «très drôle et rafraîchis­sante»: «Elle fait bien d’y aller comme elle le sent. »

Maintenant que les projecteur­s ont été braqués sur elle, la rivale du maire Denis Coderre promet de «miser sur des idées et une vision très claire, très concrète ».

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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR Sur des affiches publicitai­res apparues mardi, Valérie Plante demande le même traitement que celui accordé aux politicien­s masculins.

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