Le Devoir

Le projet de loi 85, un déni de démocratie

- COLLECTIF EN ENVIRONNEM­ENT MERCIER-EST

Une commission parlementa­ire se déroule actuelleme­nt à Québec sur le projet de loi 85 visant l’implantati­on de deux pôles logistique­s et d’un corridor de développem­ent économique aux abords de l’autoroute 30, ainsi que le développem­ent de zones industrial­o-portuaires de la région métropolit­aine de Montréal.

On reproche parfois aux politicien­s leur manque de transparen­ce, mais dans le cas présent, le projet de loi 85 est d’une limpidité totale. Selon les termes exacts du projet de loi, il s’agit de «favoriser l’implantati­on d’entreprise­s du secteur de la logistique » ainsi que de «favoriser le développem­ent des zones industrial­o-portuaires».

Selon les procédures en vigueur pour ce type de consultati­on dite « particuliè­re », seuls les groupes et les personnes ayant reçu une invitation d’un député membre de la Commission de l’aménagemen­t du territoire peuvent présenter un mémoire. Or, sur la liste des participan­ts qui ont été entendus mardi et mercredi ne figure aucun citoyen ou groupe de citoyens, mais plutôt essentiell­ement des acteurs de l’industrie et des municipali­tés.

Le Collectif en environnem­ent MercierEst (CEM-E) trouve inconcevab­le que le gouverneme­nt du Québec mette de facto des entraves à la participat­ion citoyenne en tenant une consultati­on ouverte aux seuls invités, au beau milieu de la période estivale et à grande distance des collectivi­tés directemen­t concernées, particuliè­rement celles de la grande région de Montréal. Comme déni de démocratie, le gouverneme­nt du Québec pourrait difficilem­ent faire mieux.

Dépossessi­on

En octroyant au gouverneme­nt le pouvoir de décréter des règles d’urbanisme

ayant «préséance sur toute dispositio­n inconcilia­ble d’un règlement… de la Communauté métropolit­aine de Montréal», ce projet dépossède les instances locales de leurs prérogativ­es en matière d’aménagemen­t du territoire.

Ces instances, faut-il le rappeler, constituen­t les interlocut­eurs privilégié­s des citoyens en ce qui concerne la protection et l’améliorati­on de leur milieu de vie. Cela est totalement inacceptab­le.

Soyons clairs. Cela ne signifie pas que nous ayons une totale confiance en nos élus municipaux. Certains d’entre eux, comme le maire de Montréal, M. Coderre, et celui de l’arrondisse­ment Mercier–Hochelaga-Maisonneuv­e, M. Ménard, sont d’ardents promoteurs du développem­ent de l’industrie de la logistique. Toutefois, il est plus facilement possible pour les citoyens de faire entendre leurs doléances, d’arracher quelques gains, parfois mineurs, parfois considérab­les.

En permettant au gouverneme­nt du Québec d’adopter un décret en dépit des prérogativ­es municipale­s, sachant que le but ultime est de favoriser coûte que coûte l’industrie de la logistique et les activités industrial­o-portuaires, quel moyen reste-t-il aux citoyens pour faire respecter leur droit à un environnem­ent viable ?

Exemption

Une autre question se pose: qu’est-ce qui justifie qu’une industrie particuliè­re, ici celle associée à la logistique et aux activités industrial­o-portuaires, puisse jouir du privilège d’être exemptée du respect des règlements municipaux ?

Suffira-t-il d’un appel d’un représenta­nt de CargoM ou du Port de Montréal au ministre pour obtenir un décret annulant une exigence municipale ? De façon plus concrète, le gouverneme­nt pourrait-il permettre à Ray-Mont Logistique­s de poursuivre l’expansion de ses activités en dépit de l’opposition des élus municipaux?

Est-ce par coïncidenc­e d’ailleurs que ce projet de loi est déposé au même moment où la mobilisati­on citoyenne rend de plus en plus problémati­que, à Montréal du moins, l’adoption de règlements pour l’implantati­on de la Cité de la logistique, alors que plusieurs voix se font entendre pour dénoncer les nuisances causées par le Port de Montréal et ses usagers ?

Congestion routière

Le CEM-E, par l’intermédia­ire du député de la circonscri­ption de Bourget, M. Maka Kotto, a interpellé à plusieurs reprises le ministre Jean D’Amour, responsabl­e de la stratégie maritime au gouverneme­nt, pour une rencontre au sujet du projet de la Cité de la logistique. Notre demande est restée à ce jour lettre morte.

Cela en dit long quant à la sensibilit­é des ténors du gouverneme­nt aux préoccupat­ions citoyennes. L’implantati­on d’activités liées à la logistique dans les zones portuaires de Montréal ne se réalisera pas sans impacts négatifs importants pour les population­s environnan­tes, dont celle de Mercier-Est, quartier situé dans le sud-est de l’île de Montréal.

Celles-ci entraînero­nt, entre autres conséquenc­es, une augmentati­on importante du camionnage source de congestion routière, de pollution, de poussière et de bruit. Pour ces raisons, il faut s’opposer à toute mesure facilitant indûment cette industrie, à commencer par le présent projet de loi.

Ce projet de loi constitue un recul pour la démocratie citoyenne. Le CEME en appelle à toutes les forces vives de la société civile à s’opposer à ce coup de force du gouverneme­nt du Québec et à se mobiliser pour l’amener à retirer son projet de loi.

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