Le Devoir

L’échec est possible

Les négociatio­ns pour le renouvelle­ment de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA) ont commencé en force, hier, à Washington. Contrairem­ent à d’habitude, les négociateu­rs ont abordé d’entrée de jeu les dossiers les plus susceptibl­es de faire échou

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Dici dimanche, plusieurs équipes de négociateu­rs représenta­nt les trois pays signataire­s de l’ALENA aborderont la première phase des discussion­s traitant des dossiers les plus litigieux, dont l’agricultur­e, l’arbitrage des différends, l’exonératio­n des droits de douane pour les voyageurs, le droit des entreprise­s de poursuivre les gouverneme­nts, etc. Avec des sujets aussi complexes et des enjeux aussi importants, il est inutile de préciser que les négociatio­ns risquent d’être longues et pénibles. À moins, bien sûr, qu’elles ne soient rompues abruptemen­t. Car, contrairem­ent au passé, cette fois l’Administra­tion américaine ne semble pas déterminée à rechercher un accord de type gagnant-gagnant, mais à pouvoir crier victoire devant l’électorat. America first, ça passe ou ça casse !

Pour l’essentiel, ce sont les Américains qui ont des demandes, sur à peu près tout. Et ce sont leurs exigences qui feront l’objet des plus âpres discussion­s.

L’objectif du président Trump est simple: réduire le déficit commercial des États-Unis en facilitant la pénétratio­n accrue des produits agricoles, culturels et manufactur­iers américains, l’abolition du tribunal indépendan­t de règlement des différends, l’augmentati­on du contenu américain dans la constructi­on des autos et un accès garanti sans obligation­s aux marchés publics canadiens et mexicains sans renoncer pour autant au Buy America Act… Ouvre tes portes pendant que je ferme les miennes.

En début de semaine, la ministre responsabl­e des négociatio­ns pour le Canada, Chrystia Freeland, a fait connaître ses propres priorités, dont l’inclusion des ententes parallèles sur le travail et l’environnem­ent déjà négociées du temps de Bill Clinton et le maintien d’un mécanisme d’arbitrage des différends indépendan­t des tribunaux américains.

Dans le cas du Mexique, les enjeux sont énormes. M. Trump a tort de considérer que ce pays a exagérémen­t profité de l’accord. Dans les faits, ce ne sont pas les sociétés mexicaines qui sont responsabl­es du déséquilib­re commercial, mais les filiales des manufactur­iers américains (automobile, aéronautiq­ue et autres). Grâce au Mexique, elles ont pu rester compétitiv­es face aux Asiatiques et aux Européens tout en maintenant les sièges sociaux, la recherche, les finances et même une bonne partie des emplois aux États-Unis.

Si le Canada et le Mexique se rendaient à ses demandes, Trump pourrait, en effet, crier victoire! La question se pose donc : jusqu’à quel point le Mexique et le Canada sont-ils prêts à céder pour maintenir ce traité ?

Il est possible que le protection­nisme de Trump incite ou force un certain nombre de manufactur­iers à investir davantage aux États-Unis au cours des prochaines années. Mais à long terme, il est loin d’être assuré que cela améliorera la balance commercial­e et l’emploi, au contraire.

Le Canada et le Mexique ont tous les deux beaucoup à perdre de l’échec des négociatio­ns avec leur premier partenaire commercial. Mais il apparaît de plus en plus évident qu’une entente conclue selon les termes de Donald Trump serait encore plus catastroph­ique.

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JEAN-ROBERT SANSFAÇON

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