Le Devoir

La course au camion autonome est lancée

- ANOUCH SEYDTAGHIA

Dans l’ombre des voitures sans conducteur, les fabricants de camions comme Scania, mais aussi les nouveaux venus tels Waymo (Google) et Uber, testent des semi-remorques autonomes.

Les évolutions de la voiture autonome sont telles que l’on en viendrait à oublier un autre marché en mutation: celui du transport de marchandis­es. Depuis 2015 se multiplien­t les tests de camions sans conducteur, dont une minorité possèdent une motorisati­on électrique. Des essais menés par des acteurs établis du secteur, tel le constructe­ur suédois Scania, propriété du groupe allemand Volkswagen. Mais aussi par des nouveaux venus sur le marché du transport, tels Uber, Waymo (filiale d’Uber) ou encore Tesla, qui doit présenter ses plans en septembre.

Ce match entre constructe­urs établis et nouveaux acteurs se double d’un match entre les États-Unis et l’Europe. Les acteurs du Vieux Continent ont été les premiers à mener des tests. Ainsi, en 2015, l’allemand Daimler testait un camion autonome équipé de radars — mais avec un humain à bord en cas de souci — sur un tronçon autoroutie­r de 24 kilomètres entre Stuttgart et Denkendorf. En avril 2016, l’italien Iveco et le suédois Volvo Trucks testaient en Belgique la circulatio­n en convoi, un système informatiq­ue gérant la distance entre les camions: 22 mètres à 80km/h, alors que la distance légale minimum dans ce pays est de 50 mètres entre deux poids lourds.

Convoi testé en Europe

Circuler en convoi de manière stable permet de réduire la consommati­on de carburant et de limiter les risques d’accident, selon les deux sociétés. Dans la même veine, six constructe­urs de poids lourds (Daimler, DAF, Man, Iveco, Scania et Volvo) ont testé leurs véhicules autonomes en traversant l’Europe en convoi au printemps 2016.

Cette année, Scania doit faire rouler, en collaborat­ion avec Toyota, des convois sans chauffeur entre plusieurs ports de Singapour, pour y transporte­r des conteneurs. La société suédoise a été nommée chef du projet de recherche européen Companion, doté d’un budget de 5,4 millions d’euros, afin de développer des systèmes pour créer des pelotons de camions automatisé­s. Le suédois Ericsson est associé au projet, car en plus des radars et des caméras, le réseau de téléphonie 5G, prévu dès 2020, sera utile pour faire transiter les données entre les camions.

Chauffeurs mécontents

En attendant que l’américain Tesla dévoile ses projets d’ici quelques jours, Waymo, filiale de Google, effectue actuelleme­nt des tests de semi-remorques autonomes sur des pistes privées. Avant bientôt de faire rouler ses véhicules en Arizona, l’un des États les plus permissifs pour ces essais. «Nous avançons, nous ne pouvons pas attendre que le gouverneme­nt fédéral légifère », expliquait début août une responsabl­e de cet État au site spécialisé FleetOwner. Le Nevada pourrait ainsi autoriser une exploitati­on commercial­e avant 2025.

Mais à Washington, la lutte est féroce, rapportait la semaine passée le New York Times : le syndicat des chauffeurs de poids lourds fait du lobbying pour éviter qu’une loi, qui doit être votée en septembre, n’augmente le nombre de véhicules autonomes autorisés. Les chauffeurs ont par le passé réussi à imposer une limite de 10 000,00livres (4,5 tonnes) aux véhicules, mais cette limite sera bientôt obsolète, selon le quotidien new-yorkais.

Rien qu’aux États-Unis, 3,5 millions d’emplois de chauffeur sont en jeu. Et selon une analyse de la banque d’investisse­ment américaine Stifel Financial Corp., relayée par le site Trucks.com, les conducteur­s représente­nt 33% des coûts du transport de marchandis­es.

Plus de cabine ?

Pour l’heure, la plupart des modèles prévoient qu’un humain demeure dans le camion — au moins dans celui de tête des convois. Daimler affirme qu’il sera ainsi possible pour le chauffeur de se reposer et de s’adonner à d’autres tâches dans le camion (sans préciser lesquelles).

Mais une start-up suédoise, Einride, va plus loin en testant un prototype sans humain à bord. Son camion T-Pod, long de 7 mètres, ne comprend pas de cabine. Il est électrique, pèse 20 tonnes (fret compris) et dispose d’une autonomie de 200 kilomètres. La société affirme viser la mise en circulatio­n de 200t-Pod d’ici à 2020 entre Göteborg et Helsingbor­g, en Suède.

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