Le Devoir

Donald Trump congédie Steve Bannon

Le conseiller du président n’aura tenu que six mois à la Maison-Blanche

- JÉRÔME CARTILLIER à Washington

Donald Trump s’est finalement séparé vendredi de Steve Bannon, son controvers­é conseiller, mais le président reste empêtré dans la violente polémique créée par son ambiguïté à l’égard de l’extrême droite.

Contempteu­r virulent de «l’establishm­ent» et des «élites», l’ancien patron du très à droite site Breitbart News n’aura tenu qu’un peu plus de six mois dans la West Wing.

Ce départ permet à Donald Trump d’envoyer un message aux ténors de son gouverneme­nt et aux nombreux élus républicai­ns exaspérés par les orientatio­ns — et les provocatio­ns — de cet homme de 63 ans à la démarche nonchalant­e qui promettait l’avènement d’un «nouvel ordre politique».

Mais il suscite aussi une myriade d’interrogat­ions sur le rôle que ce dernier entend désormais jouer en dehors de la Maison-Blanche. À Washington, nombre d’observateu­rs montrent déjà du doigt le pouvoir de nuisance de celui qui fut un personnage central de la campagne atypique — et couronnée de succès — de Donald Trump.

Dans son style caractéris­tique, Bannon, qui a immédiatem­ent repris ses fonctions au sein de Breitbart News, a assuré qu’il n’entendait pas rester silencieux. «S’il y a la moindre confusion, laissez-moi clarifier les choses: je quitte la MaisonBlan­che et je pars au combat pour Trump et contre ses opposants — au Capitole, dans les médias et dans le monde des affaires », a-t-il déclaré vendredi à Bloomberg News.

«Un moment décisif» pour le président

L’annonce — sèche — de son départ, est intervenue à un moment particuliè­rement difficile pour Donald Trump, empêtré dans la polémique sur ses propos après les violences de Charlottes­ville, lorsqu’il a affirmé que les torts se trouvaient des deux côtés, renvoyant dos à dos suprémacis­tes blancs et manifestan­ts venus dénoncer ces derniers.

«Le licencieme­nt de Steve Bannon est bienvenu, mais il ne peut cacher le positionne­ment du président Trump luimême sur les suprémacis­tes blancs et l’intoléranc­e qu’ils prônent », a réagi Nancy Pelosi, chef des démocrates à la Chambre des représenta­nts.

Des poids lourds du Parti républicai­n se sont montrés à peine moins durs avec le locataire de la Maison-Blanche.

Vendredi, Mitt Romney, ancien candidat à la présidenti­elle, a évoqué un « moment décisif pour le président Trump» et l’a pressé de présenter ses excuses. Même son propre chef de la diplomatie semblait critiquer le président en condamnant sans aucune ambiguïté le racisme. «La haine n’est pas une valeur américaine », a-t-il martelé.

James Murdoch, fils du magnat de la presse Rupert Murdoch qui est un intime de Donald Trump, a dénoncé «la rhétorique haineuse» du président, estimant que garder le silence serait se rendre complice. Des mots très durs venant du patron de la maison mère de Fox News, la chaîne d’informatio­n favorite des électeurs qui ont porté Donald Trump au pouvoir.

De façon plus symbolique, la mère de Heather Heyer, la femme de 32 ans tuée par un sympathisa­nt néonazi à Charlottes­ville, a dit publiqueme­nt qu’elle refusait de parler au président américain, qui souhaitait lui présenter personnell­ement ses condoléanc­es.

Renouvelle­ment de la Maison-Blanche

Après le départ de Sean Spicer et de Reince Priebus, respective­ment porte-parole et secrétaire général de la MaisonBlan­che, celui de Steve Bannon complète le renouvelle­ment en profondeur de l’équipe qui s’était installée au 1600 Pennsylvan­ia Avenue le 20 janvier. Il permet en particulie­r à John Kelly, général à la retraite des Marines qui avait succédé à M. Priebus, d’affirmer un peu plus son pouvoir dans une équipe où règne un indéniable chaos.

Ancien banquier d’affaires chez Goldman Sachs, Steve Bannon avait mis le site Internet qu’il dirigeait au service de l’une des mouvances de l’extrême droite américaine se présentant sous le nom d’altright. Plutôt discret dans les médias, il avait pris une fois la parole pour dénoncer, avec une virulence inouïe… les médias, jugeant, dans un entretien au New York Times que ces derniers devraient se sentir «humiliés». Et se taire.

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ANDREW HARNIK ASSOCIATED PRESS Bannon a immédiatem­ent repris ses fonctions au sein de Breitbart News.

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