Le Devoir

Un impact économique sur le tourisme de plus en plus court pour les pays

La durée du ralentisse­ment économique se réduit avec la banalisati­on des événements

- CLARA WRIGHT à Paris

Les attentats de Barcelone et de Cambrils pourraient avoir un impact négatif sur la fréquentat­ion touristiqu­e en Espagne, mais les dernières années en Europe ont montré qu’il devrait être de courte durée, selon des experts du secteur.

Annulation­s, raccourcis­sement de séjours, diminution des réservatio­ns… L’impact d’un attentat sur le tourisme d’une ville européenne peut s’étaler sur trois à six mois, selon les évaluation­s des profession­nels, qui tombent d’accord pour trouver que l’effet se dissipe de plus en plus vite.

«La durée de l’impact raccourcit avec la banalisati­on des attentats», confirme à l’AFP JeanPierre Mas, président des Entreprise­s du voyage (ancienneme­nt Syndicat des agences de voyage, SNAV).

En revanche, des effets négatifs plus durables sont à prévoir «s’il y a une répétition des attentats dans un même lieu», selon lui.

En cas d’attaques en série, une ville peut finir par «apparaître dangereuse», affirme à l’AFP Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourism­e. Comme Paris, frappé à plusieurs reprises en 2015 et où les attentats du 13 novembre avaient provoqué une perte de 0,1 point de PIB au 4e trimestre.

Deux villes espagnoles ont été frappées jeudi, mais le «retentisse­ment médiatique» de l’attaque à Cambrils a été moindre, relèvent M. Arino et M. Mas.

Évaluation dif ficile

Difficile d’évaluer de façon générale les conséquenc­es d’un attentat. Le nombre de touristes étrangers au Royaume-Uni a ainsi augmenté de 7 % en juin 2017 sur un an, selon l’Office of National Statistics, et ce, malgré les attentats du printemps à Londres, première destinatio­n touristiqu­e britanniqu­e.

«Plus l’image d’une destinatio­n est forte et plus l’impact est limité», explique M. Arino. L’enjeu est donc d’éviter la dégradatio­n de cette image avec un « travail sur les réseaux sociaux », en publiant «des mises en situation avec des égoportrai­ts» pour stimuler «le sentiment d’appartenan­ce», comme l’a fait la Côte d’Azur après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. «Cela ne sert à rien de dire: “Notre destinatio­n est sûre.” »

Pour les «clientèles asiatiques», le sentiment de sécurité est pourtant primordial, note M. Mas. Les clientèles «lointaines» perçoivent les attentats avec «un effet de miroir grossissan­t », ajoute M. Arino.

En France, où le secteur touristiqu­e connaissai­t une perte « des clientèles européenne­s en séjours» mais une augmentati­on « des clientèles lointaines » avant les attentats, le « recul » des «clientèles lointaines» a eu «un impact fort sur les zones touristiqu­es concernées », rappelle M. Arino.

La France a accueilli, en 2016, 83 millions de

visiteurs étrangers, contre 85 millions en 2015, selon l’INSEE. Une baisse d’environ 2%, sachant que le tourisme génère 8 % du PIB français.

« La clientèle venant de pays éloignés et ayant une sensibilit­é accrue à l’égard de menaces terroriste­s, comme la Chine et les États-Unis, voit la situation dans un contexte plus global. Elle […] se pose la question “Vais-je encore faire mon voyage en Europe ?” » souligne Christian Tänzler, porte-parole de l’Office de tourisme visitBerli­n. La réponse est en fait souvent oui.

Ainsi, malgré l’attentat de Noël 2016 à Berlin, entre janvier et mai 2017, les visiteurs chinois ont augmenté de 15% en Allemagne et de 6% en provenance des États-Unis, selon la Deutsche Zentrale für Tourismus, office de promotion touristiqu­e à l’étranger.

L’Organisati­on mondiale du tourisme (OMT) souligne pour sa part « les bons résultats du tourisme européen», avec «sur les quatre premiers mois de 2017 une hausse du nombre de touristes internatio­naux en Europe de l’ordre de 7%», Européens y compris.

Quel scénario ?

«Le pays est dans une telle dynamique de croissance» que l’effet se fera «moins voir», estime M. Arino.

Première ville en matière de tourisme internatio­nal dans un pays lui-même classé en deuxième position des nations les plus visitées au monde en ce qui a trait au nombre de voyages, selon le cabinet Euromonito­r Internatio­nal, Barcelone bénéficie d’une clientèle internatio­nale (7,6 millions de touristes en 2016) qui provient majoritair­ement du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie, des pays géographiq­uement proches.

«Pour l’instant, on recense seulement des questions de plusieurs clients sur la situation sur place, mais aucune demande de retour anticipé», indique à l’AFP Susanne Stünckel, porte-parole du groupe allemand TUI, convaincue que les attaques «n’auront pas d’impact sur les réservatio­ns en Espagne ».

 ?? JAIME REINA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Des touristes continuent d’affluer dans les régions touristiqu­es d’Espagne, où un attentat est survenu jeudi, comme ici au port d’Ibiza.
JAIME REINA AGENCE FRANCE-PRESSE Des touristes continuent d’affluer dans les régions touristiqu­es d’Espagne, où un attentat est survenu jeudi, comme ici au port d’Ibiza.

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