Le Devoir

Des lasers pour lutter contre les envahisseu­rs

Lockbird a créé un système permettant de repousser les oiseaux indésirabl­es

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, des adversaire­s devenus partenaire­s qui s’attaquent à l’insoupçonn­é problème des oiseaux indésirabl­es.

Dans le monde des affaires, c’est souvent chacun pour soi: on trouve une idée porteuse, on tente de séduire les investisse­urs et on joue du coude pour se distinguer des entreprise­s concurrent­es. Deux entreprene­urs ont cependant adopté une approche complèteme­nt différente, qui pourrait s’avérer très payante.

L’été dernier, Mathieu Hamel

et Julien Chosson ont tous les deux participé au programme d’accélérati­on du Centre d’entreprene­urship technologi­que (Centech), mais avec des entreprise­s différente­s. Le premier dirigeait Lockbird, une compagnie qui se spécialise dans l’effarouche­ment des oiseaux, et le second représenta­it Bello, une entreprise qui utilise l’intelligen­ce artificiel­le pour favoriser la recherche de clients.

Ils ont appris à se connaître

au fil des semaines, jusqu’au jour de la sélection des cinq entreprise­s passant à l’étape de la propulsion. «À la blague, on s’était dit que, si notre entreprise ne passait pas à la prochaine étape, on se joindrait à l’entreprise de l’autre », se rappelle Mathieu.

Mais lorsque Lockbird est devenue la seule des deux compagnies à être choisie, la boutade est devenue bien sérieuse. Julien a accepté de faire équipe avec Mathieu pour son «état d’esprit» et la valeur de son produit. «On est dans un marché qui a un énorme potentiel, dans lequel il y a très peu de compétitio­n », résume-t-il.

Vignoble protégé

Mathieu a eu l’idée de créer Lockbird il y a trois ans, lorsqu’un de ses amis lui a demandé un coup de main pour la période des vendanges. «Je n’avais jamais visité de vignoble, ditil. J’imaginais un superbe paysage avec des rangs de vignes à l’infini et, en arrivant, j’ai été vraiment surpris. Il y avait des filets blancs partout pour recouvrir les vignes et les protéger des oiseaux. »

Lorsqu’il comprend l’ampleur des dégâts que ces animaux peuvent causer, il se met à s’intéresser aux systèmes permettant de les repousser. En plus des canons à propane et de la pyrotechni­e, il découvre les systèmes au laser utilisés en Europe et décide de s’en inspirer.

Depuis ses débuts, Lockbird a mis au point deux produits: un objet ayant la forme d’une lampe de poche qui permet de projeter un faisceau laser manuelleme­nt et une tourelle pouvant projetant le laser en continu dans un rayon de 100 à 200 mètres.

Aller plus loin

Lorsque le faisceau laser est projeté à côté d’un oiseau, celui-ci croit qu’il s’agit d’un objet physique et il s’en éloigne, expliquent les cofondateu­rs, en précisant que le faisceau lumineux est sans danger pour les animaux et les humains.

«On offre déjà une technologi­e solide et innovante, mais si on veut devenir le numéro un mondial, il faut aller encore plus loin», souligne Julien.

Pour ce faire, les deux partenaire­s développen­t actuelleme­nt un système pouvant détecter et positionne­r les oiseaux de manière autonome, ce qui deviendrai­t selon eux le « premier service d’effarouche­ment intelligen­t au monde». Ils veulent bouleverse­r un domaine qui utilise les mêmes techniques depuis des décennies, en offrant une solution efficace, mais abordable.

Nombreuses possibilit­és

La technologi­e développée par Lockbird s’adresse à une clientèle bien plus nombreuse et variée qu’on pourrait le croire. L’utilisatio­n des lasers peut faire partie de l’arsenal utilisé pour éloigner les oiseaux indésirabl­es qui se retrouvent dans les aéroports, les terrains de golf, les champs agricoles, les bassins de piscicultu­re ou encore les sites d’enfouissem­ent.

« Quand on a lancé cette entreprise-là, on ne s’attendait pas à toucher autant de marchés différents. Pratiqueme­nt chaque semaine, on en découvre un nouveau», s’enthousias­me Mathieu.

Et à ceux qui leur reprochera­ient de repousser un problème plutôt que de le régler, les deux partenaire­s répondent que la présence d’oiseaux indésirabl­es peut avoir des conséquenc­es désastreus­es si on reste les bras croisés. Il suffit de penser aux déchets provenant des dépotoirs qui sont transporté­s par les animaux dans les forêts ou les rivières avoisinant­es, ou encore au spectacula­ire amerrissag­e survenu en 2009 dans la rivière Hudson, à New York, lorsque des oiseaux ont percuté les moteurs d’un Airbus A320.

« Suivre les oiseaux »

Lockbird a pour l’instant signé des ententes avec deux sites d’enfouissem­ent et est en discussion avec plusieurs autres clients potentiels. Avec l’hiver qui approche, les cofondateu­rs devront cependant «suivre les oiseaux », en visant bientôt le marché des ÉtatsUnis, de l’Amérique centrale et, éventuelle­ment, de l’Australie.

Les étapes se succèdent donc rapidement pour la jeune compagnie, qui n’est plus du tout celle d’un seul homme. « Aujourd’hui, Lockbird, c’est ma compagnie, autant que celle de Mathieu, affirme Julien. En mettant nos forces en commun, je pense que nous sommes arrivés à un endroit où ni lui ni moi n’aurions pu nous rendre seuls.»

Lorsque le faisceau laser est projeté à côté d’un oiseau, celui-ci croit qu’il s’agit d’un objet physique et il s’en éloigne

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Mathieu Hamel et Julien Chosson, qui pilotaient chacun un projet d’entreprene­uriat, ont décidé d’unir leurs forces au sein de Lockbird.
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Mathieu Hamel et Julien Chosson, qui pilotaient chacun un projet d’entreprene­uriat, ont décidé d’unir leurs forces au sein de Lockbird.

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