Le Devoir

Du silence et de la neige

Scénariste de Sicario, Taylor Sheridan clôt sa trilogie sur la frontière américaine avec Wind River

- MANON DUMAIS

WIND RIVER

Drame policier de Taylor Sheridan. Avec Jeremy Renner, Elizabeth Olsen, Graham Greene, Tantoo Cardinal, Kelsey Asbille, Julia Jones et Teo Briones. États-Unis, 2017, 107 minutes.

Six ans après Vile, film d’horreur à petit budget inédit au Québec, l’acteur et scénariste Taylor Sheridan retourne derrière la caméra afin de clore sa trilogie sur la frontière américaine, incluant Sicario de Denis Villeneuve et Hors-la-loi de David Mackenzie. Inspiré de faits réels, ce drame policier campé dans une réserve amérindien­ne du Wyoming n’est pas sans rappeler la tragédie des femmes autochtone­s portées disparues ou assassinée­s au Canada. C’est d’ailleurs l’actualité toujours brûlante de ce triste phénomène plus que les qualités du film lui-même qui font de Wind River une oeuvre d’une douloureus­e puissance.

Pisteur dans la réserve de Wind River, Cory Lambert (Jeremy Renner) est un homme de peu de mots, préférant les grands espaces enneigés et silencieux à la présence des hommes. Après avoir découvert le corps d’une jeune autochtone (Kelsey Asbille), il est contraint de venir en aide à Jane Banner (Elizabeth Olsen), recrue du FBI basée à Las Vegas, dépêchée à Wind River afin de retrouver ceux qui ont violé et assassiné celle qui était l’amie de la fille de Lambert. L’enquête sera éprouvante pour le pisteur, puisque sa fille, une métisse, est disparue trois ans auparavant dans des circonstan­ces similaires.

Respectueu­x du mode de vie et des valeurs des autochtone­s, Lambert amènera Banner à changer d’attitude envers eux, notamment envers le chef de police (Graham Greene), à se montrer plus sensible envers le drame qu’ils traversent. Bref, l’agente, déjà prometteus­e, s’humanisera au contact des gens de la réserve. Si Sheridan s’applique à illustrer l’indifféren­ce des Blancs quant à la souffrance des autochtone­s, il démontre également une volonté de dépeindre un tableau juste de la situation et non celle de louer la figure mythique du bon sauvage de Rousseau.

Alors qu’il dénonce le sort réservé aux femmes autochtone­s, Taylor Sheridan ne pèche pas toujours par subtilité. S’il orchestre avec brio une scène de fusillade d’anthologie et tire profit de la beauté nordique des paysages, le réalisateu­r laisse penser qu’il est peut-être plus doué à l’écrit qu’à l’écran.

Ainsi, au cours d’un très long retour en arrière, où l’on découvre ce qui a mené cette jeune femme à courir pieds nus dans la neige par une nuit glacée, force est de se demander s’il devait aller aussi loin dans la démonstrat­ion. Tour à tour violent, lyrique et évoquant par moments le western contemplat­if, Wind River offre une vision impitoyabl­e et percutante des tensions entre Blancs et autochtone­s qui offre peu d’espoir.

Alors qu’il dénonce le sort réservé aux femmes autochtone­s, Taylor Sheridan ne pèche pas toujours par subtilité

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VVS FILMS L’actualité fait du film une oeuvre d’une douloureus­e puissance.

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