Le Devoir

Politiques alimentair­es, mon cher Watson!

Deux grands accords internatio­naux sont attendus de pied ferme

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L’été, les menus se font plus légers, mais nourrir la machine trois fois par jour reste une nécessité. C’est un peu pareil avec les dossiers liés aux politiques alimentair­es, fédérales ou provincial­es. Ça tourne au ralenti, mais ça tourne quand même.

Deux grands accords internatio­naux sont attendus de pied ferme: l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, et l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Début juillet, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est entendu avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, sur la date d’entrée en vigueur partielle de l’AECG, soit le 21 septembre. À compter de cette date, l’accord commencera à être appliqué, mais provisoire­ment. En effet, il ne sera réellement et définitive­ment mis en oeuvre que lorsque les parlements des États membres de l’Union européenne auront ratifié le texte… de 1600 pages! Et ce, «conforméme­nt à leurs obligation­s constituti­onnelles nationales respective­s». Source : http://bit.ly/2kSVC7v

Dans ce type d’entente commercial­e, c’est donnant-donnant: des milliers de tonnes de viande de boeuf canadien entrent sur le marché européen contre des centaines de milliers de tonnes de fromages européens chez nous. Avec le démantèlem­ent des barrières tarifaires (les droits de douane vont presque disparaîtr­e) que prévoit le nouvel accord, exporter coûtera moins cher pour les entreprise­s.

Concernant la renégociat­ion de l’ALENA, les choses démarrent vraiment cette semaine avec le sprint de quatre jours amorcé mercredi par la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont signé l’accord en 1992. Il est entré en vigueur en 1994; les trois pays s’entendaien­t alors pour commercer plus facilement. L’arrivée du gouverneme­nt Trump, en début d’année, a changé la donne; disons qu’elle a plus que précipité le chantier de révision!

Le gouverneme­nt Trump estime en effet que les Américains sont sur plusieurs aspects les grands perdants de ce triumvirat de libreéchan­ge commercial. La renégociat­ion de l’accord qu’on souhaite «moderniser» s’annonce donc plutôt serrée. Entre autres dossiers épineux, le Canada va devoir défendre son système de gestion de l’offre, notamment dans le secteur laitier.

Consultati­ons en cours

Avant l’entrée officielle dans l’été, les politicien­s nous ont gâtés. Ce n’est pas une, mais deux politiques alimentair­es auxquelles nous aurons droit! L’une canadienne, avec une politique alimentair­e pour le Canada (le «porteur» de l’initiative étant Agricultur­e et Agroalimen­taire Canada) ; l’autre québécoise, avec une politique bioaliment­aire pour le Québec (le porteur étant le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on).

Fin mai, le gouverneme­nt fédéral, par l’entremise de son ministre de l’Agricultur­e et de l’Agroalimen­taire, Lawrence MacAulay, lançait son processus de consultati­on en vue de l’élaboratio­n d’une politique alimentair­e. En somme, on aspire à un système plus diversifié, durable et agroécolog­ique tout au long de la chaîne (production, transforma­tion, distributi­on et consommati­on).

Tous les Canadiens sont conviés à se pencher et s’épancher sur le sujet. Début juin, l’appel aux avis et desiderata a été officielle­ment ouvert. Fin juillet, la date limite pour répondre au sondage en ligne a été repoussée au 31 août. Ce sondage, première grande phase de consultati­on, tourne autour de quatre grands axes considérés comme des enjeux importants à court terme: des aliments plus sains, plus abordables, un environnem­ent (sols, eau, air) et une production alimentair­e de plus grande qualité.

Après trois rencontres préparatoi­res, une en 2016 consacrée aux consommate­urs, deux en 2017 consacrées aux transforma­teurs et aux agriculteu­rs et pêcheurs, le Sommet sur l’alimentati­on se tiendra en novembre. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, devrait être présent auprès de son ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on, Laurent Lessard.

En principe, ce sommet doit déboucher au printemps 2018 sur une politique bioaliment­aire pour le Québec. Politique que l’on souhaite le plus en adéquation possible avec les demandes et attentes des consommate­urs québécois; comme des produits respectueu­x de l’environnem­ent, durables, éthiques, sans OGM. Ce n’est pas la première fois que le gouverneme­nt est en consultati­on (il y eut neuf précédents depuis 2008), alors croisons les doigts !

En plus de la politique alimentair­e pour le pays récemment mise sur les rails, Santé Canada a lancé sa Stratégie en matière de saine alimentati­on. Parmi cette stratégie figure un outil de référence essentiel : le guide alimentair­e. Celui-ci se prépare doucement mais sûrement.

Le guide alimentair­e

Les premières moutures sont prévues pour le début de l’année 2018 et l’ensemble du référentie­l devrait être bouclé d’ici deux ans. Le futur guide s’annonce éclaté dans sa forme (il y aura plusieurs volets et ressources), et surtout plus végétal, au grand dam des lobbys, notamment viandeux et laitiers. Santé Canada a ouvert en grand les portes de son site Web afin de récolter les commentair­es et avis de la part du grand public.

La date limite de participat­ion à cette phase 2 de consultati­ons publiques s’étire jusqu’au 31 août (elle a débuté le 10 juin). Parallèlem­ent, l’institutio­n fédérale sonde le public quant à sa prochaine politique concernant le marketing alimentair­e visant directemen­t les enfants: «Nous voulons réduire la quantité de publicité visant la consommati­on de boissons et d’aliments mauvais pour la santé que les enfants voient et entendent. » Le Québec est la seule province canadienne à interdire la publicité commercial­e destinée aux enfants de moins de 13 ans.

Tandis que l’Europe connaît une nouvelle crise alimentair­e sanitaire, cette fois avec plus de 250 000 oeufs contaminés par un insecticid­e (le fipronil) mis sur le marché, le droit de savoir et de transparen­ce se fait encore plus criant. Mais peut-être attendons-nous qu’il se passe un épisode de crise (je pense notamment au saumon transgéniq­ue mis dernièreme­nt sur le marché à notre insu…) pour que les choses s’activent réellement? Avec tous ces projets de politiques alimentair­es sur la table, espérons qu’il y en ait au moins un qui fasse école.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Avec l’entrée en vigueur partielle de l’AECG, des milliers de tonnes de viande de boeuf canadien entreront sur le marché européen contre des centaines de milliers de tonnes de fromages européens ici.
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SOPHIE SURANITI

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