Prague, la beauté incarnée
Balade dans le fascinant quartier de Staré Mesto, le plus esthétique de la cité
Nichée en plein coeur de l’Europe, la ville de Prague est depuis des siècles au confluent des guerres et des courants artistiques qui ont balayé le continent. Ses rues alignent des bâtiments issus de tous les mouvements majeurs d’architecture et ses brasseries gardent le souvenir des révoltes, des répressions et des révolutions qui ont secoué la capitale. Balade dans le fascinant quartier de Staré Mesto.
La Vieille Ville (Staré Mesto en tchèque) est située au centre de Prague et offre au marcheur allumé une véritable classe de maître d’architecture.
Relativement épargnée matériellement par les deux guerres mondiales, il est possible d’y parcourir l’histoire du premier art les yeux grand ouverts, d’y observer les magnifiques réalisations de style gothique datant d’aussi loin que le XIVe siècle, jusqu’aux récentes horreurs soviétiques, en passant par de nombreuses créations baroques, Art nouveau et même cubistes.
Le tout en serpentant de petites rues étroites aux tracés capricieux, remontant au Moyen Âge.
C’est un véritable plaisir que de déambuler dans ce quartier où chaque édifice a été finement dessiné et richement décoré. Car, en plus de leurs lignes audacieuses et de l’unicité de chaque construction, ils sont souvent ornés de statues religieuses ou représentant plus prosaïquement l’utilisation première du lieu: un musicien, un boulanger ou des cueilleurs de raisins.
Les couleurs vives et éclatées participent aussi à la
beauté de l’ensemble : le rouge vif des toits, le jaune canari ou le bleu roi des façades.
Certaines d’entre elles sont même entièrement recouvertes de sgraffites, des gravures illustrant des personnages ou de délicates ornementations, qui ajoutent à la forte impression de parcourir un véritable musée à ciel ouvert.
Créations d’exception
Toutes les routes du quartier mènent à la grandiose place de la Vieille Ville, qui impressionne par les rangées de superbes bâtiments, en majorité baroques, qui l’encadrent. Le plus vieux est celui de l’hôtel de ville de Staré M e sto, dont la construction de style gothique a débuté en 1338. De véritables foules de touristes s’y amassent chaque heure pour voir s’animer son horloge astronomique.
C’est alors qu’armés de téléphones et de caméras vidéo, ils immortalisent Jésus et ses apôtres danser une ronde au rythme d’une clochette tirée par un curieux squelette. Le court spectacle se termine soudainement par le chant d’un coq en bois.
Au tournant des XIXe et XXe siècles, Prague est le théâtre d’une incroyable explosion créatrice qui positionne la ville comme l’une des plus avantgardistes
d’Europe. Ainsi, des centaines d’édifices de style Art nouveau y seront construits et marqueront fortement le paysage de la capitale. Le plus beau d’entre tous est certainement la Maison municipale, qui peut être considérée comme un véritable chefd’oeuvre du genre.
Inaugurée en 1912 et rénovée à grands frais ces dernières années, elle possède des salles d’exposition, un café, deux restaurants et probablement la plus belle salle de spectacle de la ville, qui peut recevoir jusqu’à 1500 personnes. Chaque pièce de l’immense bâtisse fut soigneusement conçue, décorée, meublée, et possède un style qui lui est propre. Pour tout amoureux d’Art nouveau, une visite s’impose. obecnidum.cz
Mélodies praguoises
Cette orgie architecturale est une expérience qui vaut à elle seule le déplacement à Prague, mais cette ville magique a également inspiré de grands artistes qui l’ont transformée à jamais par la force de leurs oeuvres uniques et singulières.
Ils ont en commun d’y avoir créé des univers qui ont merveilleusement traduit leurs époques et leurs conditions. Une fois la nuit tombée, les fantômes de leurs personnages rôdent aux quatre coins de la cité, qui se transforme alors en décor d’opéra, de théâtre ou de roman.
Le plus célèbre musicien à avoir foulé les pierres grises de Staré Mesto reste sans aucun doute Mozart, qui y a créé en 1786 Les noces de Figaro et, l’année suivante, Don Giovanni. Prague était alors considérée comme l’une des grandes capitales du monde musical et un arrêt obligatoire pour les compositeurs et interprètes de l’époque.
Ce n’est donc pas un hasard si le sublime film du cinéaste tchèque Milos Forman, Amadeus, y fut entièrement tourné.
Cette vivacité musicale reste bien présente et il est possible d’assister chaque soir à des spectacles de musique classique (opéra, récital de piano, orchestre symphonique…) dans l’une des nombreuses églises de la Vieille Ville, au Théâtre national ou encore dans la somptueuse salle de la Maison municipale. Pour consulter la liste des spectacles de musique : pra gue.eu/fr/evenements.
Littérature libératrice
Impossible de se promener dans Staré Mesto sans avoir l’impression de déambuler dans un roman de Franz Kafka. C’est dans ce quartier, ou à proximité de celui-ci, que l’auteur vécut la quasi-totalité de sa courte vie, qui s’arrêta brusquement à 40 ans. Il y écrivit pareillement la majorité de son oeuvre angoissée et métaphorique.
Le soir, alors que les chambres d’hôtel sont remplies et que les autobus de groupes organisés sont arrêtés, les ombres des personnages persécutés du Procès ou de La métamorphose planent dans les dédales du quartier labyrinthique, comme écrasées par le regard en contre-plongée des nombreuses synagogues de l’ancien ghetto juif tout à côté, ou de l’immense château de Prague, dont la silhouette surplombe la ville et qui a inspiré à l’écrivain germanophone son roman du même nom.
Un musée est consacré à Kafka et explore sa relation amour-haine avec sa ville natale. kafkamuseum.cz
Finalement, un voyage à Prague serait incomplet sans déguster au moins une bière dans l’une de ses centaines de brasseries. Après avoir bu une pilsner du pays, vous comprendrez pourquoi elles sont considérées par plusieurs comme les meilleures au monde.
Par les Tchèques certainement, qui, avec une consommation annuelle de 148 litres par habitant (en 2014), détiennent le record mondial d’absorption de ce délicieux élixir. Lieux de socialisation par excellence, de rassemblement pour regarder des parties de hockey (sport le plus populaire du pays), les brasseries jouèrent également un rôle déterminant dans la lutte contre le dur régime communiste qui régna sur le pays pendant un demi-siècle.
Décor de nombreuses pièces de théâtre engagé de Václav Havel, c’est dans ces brasseries praguoises que lui, ses collègues artistes et d’autres résistants politiques organisèrent la lutte pour les droits de la personne, qui aboutit, en 1989, après des décennies de combat, à la révolution de Velours. Véritable héros national, Havel fut élu cette même année président de la Tchécoslovaquie, par un peuple déterminé.
Comme quoi ici, les écrivains sont tenus en si haute estime qu’on leur confie même les destinées du pays.