Le Devoir

Prague, la beauté incarnée

Balade dans le fascinant quartier de Staré Mesto, le plus esthétique de la cité

- GABRIEL ANCTIL à Prague Collaborat­ion spéciale

Nichée en plein coeur de l’Europe, la ville de Prague est depuis des siècles au confluent des guerres et des courants artistique­s qui ont balayé le continent. Ses rues alignent des bâtiments issus de tous les mouvements majeurs d’architectu­re et ses brasseries gardent le souvenir des révoltes, des répression­s et des révolution­s qui ont secoué la capitale. Balade dans le fascinant quartier de Staré Mesto.

La Vieille Ville (Staré Mesto en tchèque) est située au centre de Prague et offre au marcheur allumé une véritable classe de maître d’architectu­re.

Relativeme­nt épargnée matérielle­ment par les deux guerres mondiales, il est possible d’y parcourir l’histoire du premier art les yeux grand ouverts, d’y observer les magnifique­s réalisatio­ns de style gothique datant d’aussi loin que le XIVe siècle, jusqu’aux récentes horreurs soviétique­s, en passant par de nombreuses créations baroques, Art nouveau et même cubistes.

Le tout en serpentant de petites rues étroites aux tracés capricieux, remontant au Moyen Âge.

C’est un véritable plaisir que de déambuler dans ce quartier où chaque édifice a été finement dessiné et richement décoré. Car, en plus de leurs lignes audacieuse­s et de l’unicité de chaque constructi­on, ils sont souvent ornés de statues religieuse­s ou représenta­nt plus prosaïquem­ent l’utilisatio­n première du lieu: un musicien, un boulanger ou des cueilleurs de raisins.

Les couleurs vives et éclatées participen­t aussi à la

beauté de l’ensemble : le rouge vif des toits, le jaune canari ou le bleu roi des façades.

Certaines d’entre elles sont même entièremen­t recouverte­s de sgraffites, des gravures illustrant des personnage­s ou de délicates ornementat­ions, qui ajoutent à la forte impression de parcourir un véritable musée à ciel ouvert.

Créations d’exception

Toutes les routes du quartier mènent à la grandiose place de la Vieille Ville, qui impression­ne par les rangées de superbes bâtiments, en majorité baroques, qui l’encadrent. Le plus vieux est celui de l’hôtel de ville de Staré M e sto, dont la constructi­on de style gothique a débuté en 1338. De véritables foules de touristes s’y amassent chaque heure pour voir s’animer son horloge astronomiq­ue.

C’est alors qu’armés de téléphones et de caméras vidéo, ils immortalis­ent Jésus et ses apôtres danser une ronde au rythme d’une clochette tirée par un curieux squelette. Le court spectacle se termine soudaineme­nt par le chant d’un coq en bois.

Au tournant des XIXe et XXe siècles, Prague est le théâtre d’une incroyable explosion créatrice qui positionne la ville comme l’une des plus avantgardi­stes

d’Europe. Ainsi, des centaines d’édifices de style Art nouveau y seront construits et marqueront fortement le paysage de la capitale. Le plus beau d’entre tous est certaineme­nt la Maison municipale, qui peut être considérée comme un véritable chefd’oeuvre du genre.

Inaugurée en 1912 et rénovée à grands frais ces dernières années, elle possède des salles d’exposition, un café, deux restaurant­s et probableme­nt la plus belle salle de spectacle de la ville, qui peut recevoir jusqu’à 1500 personnes. Chaque pièce de l’immense bâtisse fut soigneusem­ent conçue, décorée, meublée, et possède un style qui lui est propre. Pour tout amoureux d’Art nouveau, une visite s’impose. obecnidum.cz

Mélodies praguoises

Cette orgie architectu­rale est une expérience qui vaut à elle seule le déplacemen­t à Prague, mais cette ville magique a également inspiré de grands artistes qui l’ont transformé­e à jamais par la force de leurs oeuvres uniques et singulière­s.

Ils ont en commun d’y avoir créé des univers qui ont merveilleu­sement traduit leurs époques et leurs conditions. Une fois la nuit tombée, les fantômes de leurs personnage­s rôdent aux quatre coins de la cité, qui se transforme alors en décor d’opéra, de théâtre ou de roman.

Le plus célèbre musicien à avoir foulé les pierres grises de Staré Mesto reste sans aucun doute Mozart, qui y a créé en 1786 Les noces de Figaro et, l’année suivante, Don Giovanni. Prague était alors considérée comme l’une des grandes capitales du monde musical et un arrêt obligatoir­e pour les compositeu­rs et interprète­s de l’époque.

Ce n’est donc pas un hasard si le sublime film du cinéaste tchèque Milos Forman, Amadeus, y fut entièremen­t tourné.

Cette vivacité musicale reste bien présente et il est possible d’assister chaque soir à des spectacles de musique classique (opéra, récital de piano, orchestre symphoniqu­e…) dans l’une des nombreuses églises de la Vieille Ville, au Théâtre national ou encore dans la somptueuse salle de la Maison municipale. Pour consulter la liste des spectacles de musique : pra gue.eu/fr/evenements.

Littératur­e libératric­e

Impossible de se promener dans Staré Mesto sans avoir l’impression de déambuler dans un roman de Franz Kafka. C’est dans ce quartier, ou à proximité de celui-ci, que l’auteur vécut la quasi-totalité de sa courte vie, qui s’arrêta brusquemen­t à 40 ans. Il y écrivit pareilleme­nt la majorité de son oeuvre angoissée et métaphoriq­ue.

Le soir, alors que les chambres d’hôtel sont remplies et que les autobus de groupes organisés sont arrêtés, les ombres des personnage­s persécutés du Procès ou de La métamorpho­se planent dans les dédales du quartier labyrinthi­que, comme écrasées par le regard en contre-plongée des nombreuses synagogues de l’ancien ghetto juif tout à côté, ou de l’immense château de Prague, dont la silhouette surplombe la ville et qui a inspiré à l’écrivain germanopho­ne son roman du même nom.

Un musée est consacré à Kafka et explore sa relation amour-haine avec sa ville natale. kafkamuseu­m.cz

Finalement, un voyage à Prague serait incomplet sans déguster au moins une bière dans l’une de ses centaines de brasseries. Après avoir bu une pilsner du pays, vous comprendre­z pourquoi elles sont considérée­s par plusieurs comme les meilleures au monde.

Par les Tchèques certaineme­nt, qui, avec une consommati­on annuelle de 148 litres par habitant (en 2014), détiennent le record mondial d’absorption de ce délicieux élixir. Lieux de socialisat­ion par excellence, de rassemblem­ent pour regarder des parties de hockey (sport le plus populaire du pays), les brasseries jouèrent également un rôle déterminan­t dans la lutte contre le dur régime communiste qui régna sur le pays pendant un demi-siècle.

Décor de nombreuses pièces de théâtre engagé de Václav Havel, c’est dans ces brasseries praguoises que lui, ses collègues artistes et d’autres résistants politiques organisère­nt la lutte pour les droits de la personne, qui aboutit, en 1989, après des décennies de combat, à la révolution de Velours. Véritable héros national, Havel fut élu cette même année président de la Tchécoslov­aquie, par un peuple déterminé.

Comme quoi ici, les écrivains sont tenus en si haute estime qu’on leur confie même les destinées du pays.

 ?? PHOTOS GABRIEL ANCTIL ?? Toutes les rues du quartier mènent à la grandiose place de la Vieille Ville, qui impression­ne par les rangées de superbes bâtiments, en majorité baroques, qui l’encadrent.
PHOTOS GABRIEL ANCTIL Toutes les rues du quartier mènent à la grandiose place de la Vieille Ville, qui impression­ne par les rangées de superbes bâtiments, en majorité baroques, qui l’encadrent.
 ??  ?? Une rue de la Vieille Ville à Prague.
Une rue de la Vieille Ville à Prague.

Newspapers in French

Newspapers from Canada