Le Devoir

Disparu Ducharme, l’homme invisible !

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Salut Réjean Ducharme. On ne t’a pas vu la face souvent, collègue. Ton droit, c’est certain. Tu jouais «l’écrivain évanescent», l’auteur modeste, timide, ultra-discret. Un disparu. Soit. Voulant que nos écrivains soient mieux connus, je m’employais dès mes débuts en 1960 («La corde au cou») à quêter des interviews un peu partout. Il y avait de l’espace en médias pour les chanteurs et les acteurs. Point final. Ce ne fut pas facile. Réjean, lui, n’en voulait pas. Foin de la visibilité!

Il se cachait. Sa décision. Or, sa notoriété se forgera peu à peu, malgré et à travers ce mur. Sa maudite «volontaire volonté» de rester caché. De tout le monde. Mais ses forts ouvrages contribuai­ent à le faire connaître. Comme malgré lui en effet. Dieu merci. Ducharme, mort maintenant, il n’y aura plus débat: «A-t-il bien fait de se sauver de tous les kodaks?» Le «grand disparu» des médias est parti. Depuis longtemps. Depuis toujours. Il reste à lire, à relire… «Je suis avalé par mon ventre», première ligne de L’avalée des avalés. Un livre premier qui cogna très fort aux carreaux de notre littératur­e.

Il est allé se cacher de toutes les cachettes. Ducharme est allé retrouver nos plumitifs, les forts et les faibles. Les géants, tel Aquin, et les nains comme Grignon. Ducharme avait perdu sa confidente, l’actrice Claire Richard, il y a peu. Il a perdu son territoire de mots, perdu la grande «partie», selon Ionesco. Il a tout perdu et tout gagné. Un seul moyen de le faire survivre. Le lire encore. Adieu merveilleu­x bonhomme fantomatiq­ue que j’aimais. Claude Jasmin Le 23 août 2017

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