Le Devoir

Les autorités canadienne­s mettent en garde les fintechs

« Ce n’est pas parce qu’on appelle cela un jeton qu’il ne s’agit pas d’un contrat d’investisse­ment », dit le patron de l’AMF, Louis Morisset

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Quelques jours après l’émission de la première cryptomonn­aie légale au Canada, les Autorités canadienne­s en valeurs mobilières (ACVM) servent une sérieuse mise en garde aux compagnies qui tentent de profiter de l’engouement pour les monnaies virtuelles sans se conformer aux règles en vigueur.

Le conseil qui regroupe les autorités de chaque province et territoire a publié jeudi un avis dans lequel il rappelle aux entreprise­s que l’émission de cryptomonn­aies peut être soumise à la réglementa­tion qui encadre les valeurs mobilières.

«Il y a un environnem­ent réglementa­ire qui existe. Ce n’est pas parce qu’on appelle cela un jeton ou autre qu’il ne s’agit pas d’un contrat d’investisse­ment, explique en entrevue au Devoir le président des ACVM et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Louis Morisset. On veut interpelle­r [les entreprise­s en technologi­e financière] pour qu’elles nous contactent et qu’on puisse faire une analyse appropriée, pour qu’elles ne soient pas en marge de la réglementa­tion.»

Déjà, précise-t-il, « au moins une autre » compagnie canadienne a soumis un dossier à l’une des autorités provincial­es concernant l’émission d’une monnaie virtuelle.

Premier exemple

Cet avertissem­ent des ACVM survient après la mise en vente, lundi, de l’Impak Coin, la toute première cryptomonn­aie à recevoir l’aval des autorités canadienne­s en valeurs mobilières.

Si l’émission de cette monnaie virtuelle destinée à l’économie d’impact a été faite en respectant la Loi sur les valeurs mobilières — notamment en ce qui concerne la transmissi­on d’informatio­ns à l’investisse­ur — plusieurs cryptomonn­aies voient le jour sans que les autorités soient consultées, à tort ou à raison.

L’avis dévoilé jeudi précise que l’émission de cryptomonn­aie doit être évaluée au cas par cas. De manière générale, on indique cependant que la réglementa­tion qui encadre les valeurs mobilières s’applique si la vente d’une monnaie virtuelle implique l’investisse­ment d’argent dans une entreprise commune, dans l’espoir de réaliser des profits générés par d’autres.

Difficile à chiffrer

M. Morisset n’est pas en mesure d’estimer le nombre de «fintechs» québécoise­s ou canadienne­s qui émettent des monnaies virtuelles en bafouant les règles qu’elles devraient suivre, puisque ces entreprise­s évoluent généraleme­nt sous le radar.

Le 20 juillet dernier, à la suite d’une demande déposée par l’AMF, le Tribunal administra­tif des marchés financiers a toutefois ordonné la fin des activités liées à la vente de la nouvelle monnaie virtuelle PlexCoin.

«L’Autorité souhaite […] aviser les consommate­urs québécois des risques importants qui pourraient découler d’une réponse à cette invitation d’investisse­ment », a insisté l’AMF dans un communiqué diffusé au début du mois d’août.

Investir avec prudence

L’attrait des investisse­urs pour les cryptomonn­aies est sans doute lié à l’explosion de la valeur du Bitcoin, qui s’échange actuelleme­nt à plus de 4000dollar­s américains. Pour les ACVM, le défi est donc de réagir adéquateme­nt à cet engouement. «On veut encourager l’innovation, mais on ne peut pas compromett­re la protection des investisse­urs», souligne M. Morisset.

Le président des ACVM et de l’AMF ne prend pas position au sujet des cryptomonn­aies, mais il invite les Québécois et les Canadiens à agir avec précaution au moment d’investir. «Il y a de la spéculatio­n derrière ces monnaies-là, dit-il. Il y a des valeurs qui gonflent, mais qui se dégonflent aussi. Personnell­ement, je crois qu’un investisse­ur doit être très prudent. »

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