Le Devoir

La récolte abondante d’Amélie Hall

Cultiver l’amour, c’est le titre du nourrissan­t deuxième album de la chanteuse country acadienne

- SYLVAIN CORMIER

Jaser musique, ça m’arrive avec pas mal de gens. Y compris avec ceux qui en font, de plus en plus : Facebook facilite le contact direct, hors promo. Avec un Michel Rivard, une Catherine Durand, un Éric Goulet (et son frère Christian, collègue et féru d’americana), c’est tout naturel: on s’envoie des liens, as-tu entendu le nouvel album de Lindi Ortega? Avec Amélie Hall, chanteuse country acadienne, c’est pareil: on parle des songwriter­s’ circles de Nashville, de Willie Nelson, Faith Hill, Shelby L ynne. C’est sans fin.

Et c’est ainsi qu’au fil des conversati­ons, j’ai assisté de loin à l’enregistre­ment de Cultiver l’amour, son 2e album, lancé ces jours-ci au Québec (c’est déjà fait en Acadie). J’aurai constaté ceci, évidence moins évidente qu’il n’y paraît : le tour de manège émotionnel est vertigineu­x. Le moment de grâce côtoie l’angoisse, ça baigne et puis ça se noie, on se confronte, on s’accorde, on s’aime. Et ainsi de suite. Oui, c’est vrai de tout travail artistique à plusieurs, mais j’en ai rarement perçu les échos à mesure. «Je suis déjà intense dans la vie de tous les jours, imagine en studio », me dit Amélie en regardant la mer à Caraquet (moi, je vois la piscine de mon bureau, c’est déjà ça). « T’as pas de filtre. Que ce soit des plaies ou des bonheurs, il faut que ce soit vécu à 100%. T’es à la recherche de ta vérité. J’ai appris à cultiver l’amour de moimême à travers les deux années de travail qu’il nous a fallu pour faire Cultiver l’amour.» Le disque, à compte d’auteurecom­positrice-interprète, a coûté en durée ce qu’il a épargné en budget, les coréalisat­eurs Toby Gendron et Sylvain Michel y oeuvrant à temps perdu.

Deux ans, ça permet du recul, mais c’est aussi le terreau fertile du doute. «Oh que oui! Heureuseme­nt que j’ai fait des shows. La musique, pour moi, c’est comme respirer. Je suis née dedans, tout le monde en joue dans ma famille, je chante profession­nellement depuis l’âge de 15 ans. Et ça a pris 15 ans avant que je fasse mon premier album. Le country, quand j’ai commencé, ça n’avait pas la cote comme maintenant. J’ai tout fait: tourner en première partie du Marshall Tucker Band, chanter en duo avec Enrico Macias, etc. Un chemin plein de détours. Ça t’aguerrit, mais ça nourrit tes craintes, aussi. Même quand ton premier album a marché assez bien, t’as pas de certitudes.»

L’album Amélie Hall, paru en 2014, a été favorablem­ent reçu, la libératric­e chanson Worrie pas ta brain s’est hissée au sommet du classement pancanadie­n. Élue découverte de l’année au Gala Country 2016, il s’agissait pour la chanteuse d’en profiter avant que la poussière retombe. « Il fallait livrer le deuxième album sans trop attendre. En même temps, Toby et moi, on est pas mal perfection­nistes. Je peux écrire une chanson en 15 minutes, mais avant que l’enregistre­ment nous convienne, ça peut être long. À 33 ans, t’as pas vingt occasions de percer vraiment. On voulait pas se tromper. Que ce soit le plus parfaiteme­nt réalisé, mais aussi le plus authentiqu­e possible. Mettons que ça nourrit bien des doutes. Maintenant, l’album sort, il va arriver ce qui va arriver.»

Cultiver l’amour, c’est tout ce qu’on attend d’une production country moderne. Il y a du Miranda Lambert dans le son très Nashville pro (ça s’entend dès Le chemin des ressources, qui ouvre l’album), du Faith Hill dans les ballades (Mon coeur en Acadie, Tu es mon soleil). De la tendresse et du chien, des élans de liberté et des lendemains de party ( Hey ho !). Il y a même une reprise de La tête en gigue, en duo avec Jim Corcoran, sur doux coussin de pedal steel. «Une grande joie, une grande fierté: on l’a faite en une prise!» Il y a surtout Je te cherche au bout du monde, une histoire d’amour qui est aussi l’histoire d’un parcours de chanteuse plus que résiliente : «J’essaie de continuer d’y croire / Je sais qu’il n’est jamais trop tard». Amélie ajoute : « C’est un peu peace and love à dire, mais je pense que je peux faire du bien autour de moi. À force de cultiver l’amour, tôt ou tard, il y a quelque chose qui pousse. » CULTIVER L’AMOUR Amélie Hall Gypsy Label

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Amélie Hall

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