Le Devoir

La loi 101, forte mais fragile

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Au 40e anniversai­re de son adoption, la Charte de la langue française rencontre encore de la résistance dans les entreprise­s, constate l’ex-député péquiste et chef de cabinet adjoint de Camille Laurin, David Payne.

«Regardez par exemple les entreprise­s en haut de 50 employés: c’est un peu la catastroph­e à ce moment-ci, parce que d’abord, ils ne comprennen­t pas […] qu’après 50 employés, il va falloir avoir un

programme de francisati­on », a déclaré vendredi l’ex-collègue du père de la loi 101, en marge d’une cérémonie soulignant les 40 ans de cette pièce législativ­e à la bibliothèq­ue de l’Assemblée nationale.

Le désir de faire du français la langue d’usage au travail est inscrit dans la Charte, qui consacre les articles 135 à 154 à la francisati­on des entreprise­s de 50 employés et plus. «C’est dur, ça [la francisati­on dans les entreprise­s], a reconnu David Payne. Mais c’est essentiel », a-t-il plaidé.

Forte, mais fragile

Le 26 août 1977, jour d’adoption de la loi 101, ce Britanniqu­e d’origine faisait partie de ceux qui vivaient l’accompliss­ement d’un travail qui allait marquer l’histoire du Québec. À ses côtés vendredi, autour de la version originale de la Charte de la langue française — sortie des voûtes de l’Assemblée nationale pour l’occasion — se trouvaient le juriste Michel Sparer, qui fut l’un des rédacteurs de la loi 101, et l’exconseill­er des gouverneme­nts de René Lévesque de 1977 à 1984, Robert Fillion.

Les trois hommes ont souligné la force de la Charte, mais aussi sa fragilité, contre laquelle la volonté politique peut cependant lutter. «Les sociétés évoluent et si la Charte a eu un jour de l’influence, ce n’est pas à cause de chacun de ses 200 articles, c’est à cause de la démonstrat­ion d’une volonté politique de faire du français la langue commune. Sans une volonté politique, une loi n’est qu’un recueil de papier»,a indiqué Michel Sparer.

Pas immuable

Sur place, le ministre responsabl­e de la Protection et de la Promotion de la langue française, Luc Fortin, a rappelé qu’il n’avait aucune intention de «rouvrir la Charte». « Elle est en santé, elle est là pour rester. Il y a d’autres mesures que nous mettrons en place pour valoriser la place du français au Québec», a-t-il affirmé.

« Il faut poursuivre [le travail] et ça ne se poursuivra pas que dans un cadre législatif», a aussi fait valoir Robert Fillion. «Ça va se poursuivre dans une volonté [politique] très forte; ça passe par l’éducation, les université­s, par toutes sortes de mesures. Mais ça demeure un défi, parce que les nouvelles génération­s ont à mener des batailles dans la mondialisa­tion. » Dans ce contexte d’ouverture sur le monde, «le français devient un vecteur très puissant de créativité et de solidarité », a souligné M. Fillion.

La Charte, cependant, n’est ni intouchabl­e ni imperfecti­ble, ont convenu ceux qui l’ont vu naître en coulisses. «Aucune loi n’est immuable. Aucun fait social n’est immuable», a déclaré Michel Sparer. «La seule chose qui soit immuable, c’est l’intérêt qu’on décide collective­ment de se donner pour une langue commune, qui est le français.»

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Le ministre responsabl­e de la Protection et de la Promotion de la langue française, Luc Fortin, a rappelé qu’il n’avait aucune intention de «rouvrir la Charte».
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Le ministre responsabl­e de la Protection et de la Promotion de la langue française, Luc Fortin, a rappelé qu’il n’avait aucune intention de «rouvrir la Charte».

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