Le Devoir

La ministre David veut gagner la bataille de l’accessibil­ité au cégep

Les élèves qui ont des besoins particulie­rs ont augmenté de 700 % en cinq ans

- JESSICA NADEAU

Cinquante ans après la création des cégeps, ceux-ci sont «plus pertinents que jamais », estime la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, Hélène David. Mais de nombreux défis, dont celui de l’accessibil­ité, sont toujours au rendez-vous.

«Le rapport Parent a donné lieu à un mot-clé qui, je dirais, est encore plus pertinent que jamais: accessibil­ité […] En 2017, l’accessibil­ité est toujours un enjeu, mais cette accessibil­ité a changé de figure. Il y a les nouveaux arrivants, les étudiants aux besoins particulie­rs, les étudiants internatio­naux… Voilà trois grandes clientèles qui étaient tellement moins présentes il y a 50 ans », affirme la ministre.

Hélène David entend « intervenir solidement» pour aider les étudiants qui ont des besoins particulie­rs, qui sont de plus en plus nombreux à obtenir leur diplôme d’études secondaire­s et à intégrer les cégeps. « Déjà, en 2005, quand j’étais sous-ministre à l’Enseigneme­nt supérieur, les cégeps plaidaient et plaidaient: “Aidez-nous plus, on a plein d’étudiants aux besoins particulie­rs.” On appelait ça, à l’époque, des clientèles émergentes. Elles ont émergé, et c’est un grand progrès de société.»

Aujourd’hui, le réseau des cégeps accueille près de 14 000 étudiants ayant un handicap. «C’est une hausse de 700% sur cinq ans, c’est énorme», constate le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.

Selon lui, le manque de ressources est bien sûr un enjeu car, malgré le réinvestis­sement de la dernière année, « les cégeps ne se sont pas encore remis des compressio­ns de 185 millions sur cinq ans». Mais le véritable problème, c’est le manque de cohérence dans l’approche. «Au primaire et au secondaire, on donne des services, mais quand on arrive au cégep et à l’université, ça prend un diagnostic. Il faut une réflexion pour avoir une meilleure cohérence dans l’approche», résume M. Tremblay.

Étudiants autochtone­s

La ministre Hélène David veut également rendre le cégep plus accessible pour les étudiants autochtone­s, un enjeu majeur pour lequel « il reste beaucoup de travail à faire », reconnaît-elle. Certes, les cégeps font preuve « d’énormément de souplesse et d’adaptation» pour faciliter l’accès aux étudiants autochtone­s, affirme la ministre, mais « on est encore aux balbutieme­nts de ce qu’on doit faire».

De l’accompagne­ment est souvent offert, mais pas assez, ajoute-t-elle. «Il faut que les étudiants autochtone­s soient plus nombreux à venir au collégial. Et ce n’est pas de dire: on les délocalise et on les amène là où on veut qu’ils soient; il faut aller là où ils sont. Il faut travailler avec eux. »

Double défi

Le cégep doit-il répondre à la demande de l’industrie ou former des citoyens éclairés? « La question est fondamenta­le, répond la ministre, qui déplore le fait que l’on mette sans cesse en dualité ces deux missions. La commission Parent, à laquelle j’adhère, parle de l’importance d’une formation générale commune pour tous les étudiants. C’est pour ça que je ne veux pas être dans cette dualité. Pour les jeunes qui entrent au cégep, c’est peut-être la seule fois qu’ils auront la chance de faire de la philosophi­e…»

À la Fédération des cégeps, on trouve également important de maintenir cet équilibre entre la formation profession­nelle et la formation générale.

Sans surprise, le président de la Fédération, Bernard Tremblay, estime que le réseau des cégeps a bien rempli les objectifs qui lui avaient été confiés par la commission Parent.

«Notre système coûte moins cher, il a produit deux millions de diplômés, on a 10% plus de diplômés postsecond­aires entre 18 et 24 ans au Québec que partout ailleurs au Canada et la qualité de la formation est reconnue. On exporte même notre savoir-faire à l’internatio­nal. Donc, oui, on a répondu à la commande et, oui, on assure un développem­ent plus régional de par notre présence partout au Québec», répond Bernard Tremblay.

«Maintenant, le défi, c’est de maintenir cette vitalité», ajoute-t-il.

La Fédération des cégeps souhaite plus de «souplesse» et « d’autonomie », notamment pour «être capable de faire évoluer les compétence­s au rythme où le monde du travail accélère [tout en] continuant à former des citoyens responsabl­es et capables de bien réfléchir», et ce, à l’aube d’une nouvelle «révolution industriel­le du numérique ».

«Ce sont les deux mandats qu’on a, et ce défi-là demeure toujours présent», maintient Bernard Tremblay.

Futurologi­e

À quoi ressembler­a le cégep dans 50 ans ? Le président de la Fédération des cégeps réfléchit quelques secondes. « Je ne serai pas très futurologu­e en disant qu’à mon avis, on aura toujours besoin d’un niveau pour le développem­ent d’une formation de culture générale qui vient compléter la formation de base du secondaire. C’est le socle qui permet par la suite de développer des compétence­s spécifique­s et c’est aussi le socle d’une société qui a des valeurs communes. [À l’époque,] le cégep se voulait aussi un lieu pour développer ce qui est propre au Québec sur les plans de la culture et de l’identité.»

Le cégep, c’est aussi un lieu qui permet aux jeunes de choisir leur voie, rappelle Bernard Tremblay. «On ne le nomme pas assez, mais le cégep, j’aime à dire que c’est le système qui pardonne. »

Le fait d’avoir sous un même toit une multitude de programmes techniques et préunivers­itaires permet aux étudiants d’être en contact avec différente­s réalités et de changer d’orientatio­n sans perdre leurs acquis et sans changer d’établissem­ent.

«Il y a 50 ans, c’était l’une des préoccupat­ions [de permettre une fluidité dans les changement­s de programme] et cette préoccupat­ion est toujours présente aujourd’hui. Ça n’a pas changé — je pense que c’est dans la nature humaine — et je pense que dans 50 ans ça va toujours être le cas.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, Hélène David

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