Le Devoir

L’entreposag­e à échelle humaine

Sharebee permet aux citadins de rentabilis­er des espaces inutilisés

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, un jeune père de famille qui mise sur ce qui pourrait devenir l’Airbnb de la boîte de carton.

À19 ans, Maxime Villemure est devenu millionnai­re en jouant au poker. À 23 ans, il a pratiqueme­nt tout perdu. Et aujourd’hui, à 29 ans, ce père de deux enfants qui a l’habitude des paris risqués fonce tête première dans le monde de l’entreprene­uriat, déterminé à atteindre de nouveau les plus hauts sommets.

Depuis un peu plus d’un an, cet ancien étudiant en philosophi­e se consacre entièremen­t à Sharebee, une entreprise qui veut bousculer l’univers de l’entreposag­e en permettant à des particulie­rs de louer de l’espace libre à ceux qui en ont besoin.

«Chaque pied carré vaut de plus en plus cher et devient plus précieux, parce que les villes se densifient, expose-t-il. C’est donc important d’optimiser tout l’espace disponible. »

Visite inspirante

Sharebee est en quelque sorte née au début de l’été dernier, lorsque Maxime s’est mis à visiter des appartemen­ts pour répondre aux besoins de sa famille qui venait de s’agrandir. Il met alors la main sur un grand appartemen­t, tellement grand qu’il se demande quoi faire de ce garage dont il n’a pas besoin.

Il rassemble donc d’anciens collègues de travail et leur propose de créer une plateforme d’entreposag­e et de stationne- ment collaborat­if qui fonctionne­rait à la manière d’Airbnb: des «hôtes» qui affichent de l’espace disponible et des utilisateu­rs qui louent celui qui leur convient, selon leurs critères de sélection.

L’idée plaît instantané­ment et les cofondateu­rs ne perdent pas de temps. En août, Sharebee voit officielle­ment le jour, et en novembre le site Internet est lancé.

«Aujourd’hui, je loue tout mon espace disponible sur Sharebee et je fais environ 450$ par mois », glisse le cofondateu­r.

Moins cher, plus près

En analysant le marché de l’entreposag­e, occupé en bonne partie par ces petits entrepôts accessible­s par une porte de garage, Maxime a constaté trois «irritants majeurs»: les prix élevés, la localisati­on des entrepôts, souvent situés à l’extérieur des centres urbains, et l’expérience du client, parfois décevante.

« C’est souvent une expérience qui est inhumaine. Tu te sens comme dans une prison quand tu entres là-dedans », lance-t-il.

Avec Sharebee, il veut permettre aux utilisateu­rs d’économiser, grâce à des tarifs jusqu’à deux fois moins élevés que ceux des systèmes d’entreposag­e traditionn­els, tout en leur permettant d’avoir accès à des entrepôts qui se trouvent tout près de chez eux. Le propriétai­re de l’espace à louer — qu’il s’agisse d’un sous-sol, d’un cabanon ou d’un stationnem­ent — fixe le prix, auquel Sharebee ajoute des frais de service de 15%.

Conquérir l’Amérique du Nord

Depuis novembre, une centaine d’annonces ont trouvé preneur à Montréal et à Ottawa. D’ici un an, elle souhaite franchir le cap des 10 000 locations en exportant sa plateforme à Toronto, à Vancouver, à New York et à Boston.

«Nous sommes bien positionné­s au Canada, et notre but est de nous étendre partout en Amérique du Nord Maxime Villemure

« Nous sommes bien positionné­s au Canada, et notre but est de nous étendre partout en Amérique du Nord », note Maxime, en évoquant une éventuelle percée en Asie.

Pour croître, l’entreprise devra cependant poursuivre son travail de persuasion, afin de convaincre les utilisateu­rs qui craignent de laisser leurs biens ou leur véhicule dans le garage du voisin. Les cofondateu­rs insistent sur le fait qu’ils effectuent des vérificati­ons sur chaque propriétai­re et qu’aucun incident fâcheux n’est survenu jusqu’à maintenant.

Ils ajoutent qu’au contraire, leur plateforme a donné lieu à de belles histoires. Comme celle de cette dame, dont le mari est décédé, qui a pu rembourser ses dettes en louant une partie de sa résidence. Ou de cet utilisateu­r qui a utilisé la plateforme pour offrir non seulement son garage, mais également la possibilit­é d’y effectuer des travaux de mécanique.

«Il y a certains types d’espaces qu’on n’aurait même pas imaginé avoir, fait remarquer Jean-François Dubé, qui se charge du marketing chez Sharebee. Ça offre une belle diversité qui nous démarque de l’entreposag­e traditionn­el. »

Risque calculé

Pour atteindre ses ambitieux objectifs, la petite équipe de Sharebee ne compte pas ses heures, à commencer par Maxime, qui se rend disponible pratiqueme­nt jour et nuit pour répondre aux questions des utilisateu­rs.

Le quotidien est donc mouvementé pour celui qui s’est lancé en affaires après avoir décidé de quitter un emploi bien rémunéré. L’aventure est risquée, mais le joueur de poker en lui ne regrette rien.

«Je ne pense pas que j’analyse le risque de la même façon que tout le monde, confie-t-il, persuadé qu’il pourra apprendre de ses bons coups comme de ses échecs, peu importe ce que l’avenir lui réserve. Le risque, pour moi, aurait été de ne pas le faire.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR «Chaque pied carré vaut de plus en plus cher et devient plus précieux, parce que les villes se densifient. C’est donc important d’optimiser tout l’espace disponible», croit Maxime Villemure.

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