Le Devoir

Peine de prison de cinq ans pour l’héritier Samsung

- SEBASTIEN BERGER à Séoul

L’héritier de l’empire Samsung a été condamné vendredi par la justice sud-coréenne à cinq ans de prison pour corruption dans le retentissa­nt scandale qui a emporté la présidente sud-coréenne Park Geun-hye.

Ce jugement pourrait priver le premier fabricant mondial de téléphones intelligen­ts de capitaine pendant un bon moment, et partant, nuire à sa capacité de prendre des décisions d’investisse­ments cruciales. Mais Samsung Electronic­s a assuré avoir une équipe solide au gouvernail.

Le parquet avait requis 12 ans de réclusion contre Lee Jae-yong, vice-président de Samsung Electronic­s et fils du président du groupe Samsung, Lee Kun-hee.

M. Lee, 49 ans, a été reconnu coupable de corruption, d’abus de biens sociaux, de parjure et d’autres chefs liés à des versements à la confidente de l’ombre de Mme Park, Choi Soon-sil.

La justice a estimé qu’il a versé un total de 8,9 milliards de wons (6,6 millions d’euros) pour acheter le soutien du gouverneme­nt à la passation génération­nelle du pouvoir au sommet du groupe à la suite de la crise cardiaque de son père en 2014.

M. Lee dément tout, sa défense expliquant qu’il n’était pas au courant de ces transferts et ne les avait pas approuvés.

« Il a proposé des pots-de-vin en réponse aux demandes insistante­s de la présidente», a tranché le Tribunal. Concernant 22 autres millions de wons versés à des fondations contrôlées par Mme Choi, il a été relaxé, la justice jugeant que Samsung n’avait pas eu d’autre choix que de se plier aux pressions présidenti­elles.

Deux autres cadres dirigeants ont été condamnés à des peines de jusqu’à quatre ans de prison, deux à du sursis.

Les conseils de M. Lee ont annoncé leur intention de faire appel, tandis que ses partisans rassemblés devant le Tribunal éclataient en sanglots.

Colère des manifestan­ts

Dans un contexte de frustratio­ns économique­s et sociales croissante­s, les patrons de chaebols — comme sont appelés les congloméra­ts sud-coréens — avaient fait l’objet de l’ire des manifestan­ts, qui réclamaien­t pendant des mois le départ de Mme Park. Samsung, qui pèse un cinquième du PIB, est de loin le premier de ces chaebols.

Le Tribunal avait reçu des centaines de demandes pour les 30 sièges réservés au public dans la salle d’audience 417, qui ont été attribués par un tirage au sort.

Le procès de Mme Park a débuté dans cette même salle en mai. Le père de M. Lee est aussi passé dans ces murs: il avait été condamné en 2008 à du sursis pour évasion fiscale.

Le jugement devrait apporter de l’eau au moulin du successeur de Mme Park, Moon Jae-in, qui a promis de faire table rase des relations de corruption profondéme­nt enracinées entre pouvoirs politique et économique.

Les chaebols de la quatrième économie d’Asie entretienn­ent de longue date des accointanc­es malsaines avec le pouvoir politique. Dans le passé, les errements de leurs dirigeants ont souvent été sanctionné­s par des peines légères, en reconnaiss­ance des services rendus à l’économie.

La condamnati­on de M. Lee est la plus lourde jamais infligée à un patron de chaebol en exercice, souligne Chung Sunsup, directeur du site d’analyse chaebul.com.

«Compte tenu du fait que M. Lee a été reconnu coupable des cinq chefs pour lesquels il était poursuivi, cinq ans, c’est le minimum qu’on pouvait faire», dit-il à l’AFP. Le clan Lee ne détient directemen­t que 5 % du capital de Samsung Electronic­s, mais contrôle le groupe par un écheveau complexe de participat­ions croisées entre filiales.

Le Tribunal a jugé que Mme Park savait que M. Lee voulait obtenir l’aval du gouverneme­nt à la fusion controvers­ée de deux unités en 2015, vue comme une étape clé pour la transition en douceur au sommet du groupe. Sous-estimation Des actionnair­es minoritair­es étaient montés au créneau contre cette opération, qui sous-estimait délibéréme­nt selon eux la valeur de l’une des unités concernées.

Depuis la maladie de son père, M. Lee est le dirigeant de facto de Samsung, mais les analystes sont partagés sur l’impact de la sentence.

Chung Sun-sup souligne que les décisions sur les investisse­ments majeurs sont «souvent sanctionné­es par le patriarche de la famille régnante ». Avec l’héritier en prison, le processus décisionne­l pourrait être ralenti. Mais pour Geoffrey Cain, auteur d’un livre à paraître sur Samsung, le groupe ne « sera pas maudit » sans M. Lee. « Les chaebols sont habitués à voir leur leader en prison. »

Samsung ne semble pas touché pour l’instant par le scandale, alors que M. Lee est en détention provisoire depuis février.

Samsung Electronic­s a annoncé une succession de bénéfices spectacula­ires grâce aux puces mémoires qui entrent dans la fabricatio­n des ordinateur­s, des serveurs et des mobiles.

Cette semaine, il a dévoilé sa dernière «phablette», le Galaxy Note 8, qui doit lui permettre de tirer un trait sur la débâcle de sa version précédente aux piles explosives.

«Samsung Electronic­s dispose d’une équipe de direction solide, a dit le géant dans un communiqué. Cette équipe a fourni une performanc­e hors pair et continuera à mener nos opérations sans être perturbée» par le «processus judiciaire en cours».

L’action, qui s’est envolée ces derniers mois, a terminé en baisse de 1,05 %.

Samsung ne semble pas touché pour l’instant par le scandale, alors que M. Lee est en détention provisoire depuis février

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CHUNG SUNG-JUN POOL AFP Avec Lee Jae-yong en prison, le processus décisionne­l de Samsung pourrait être ralenti.

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