Place aux voix féminines et à l’« autre »
Identité et diversité vont ébranler les scènes montréalaises cet automne
Saison boulimique et contrastée oblige, un survol raisonné de cet automne fertile en créations d’auteures s’impose. En son coeur, un fil rouge se dessine, celui de l’identité et du rapport à la diversité. Notre sélection en douze coups de théâtre bien sonnés.
Bashir Lazhar. Après le regretté Denis Gravereaux, qui a créé le rôle sur scène, et Mohamed Fellag, qui l’a tenu dans l’adaptation filmique, c’est le tour de Rabah Aït Ouyahia d’incarner l’enseignant intérimaire. Une décennie plus tard, le monologue d’Evelyne de la Chenelière passe de la petite à la grande salle du Théâtre d’Aujourd’hui, monté par son directeur, Sylvain Bélanger. Avec des thèmes — accueil des immigrants et philosophie pédagogique — qui paraissent plus pertinents que jamais. Du 19 septembre au 14 octobre, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
Je disparais. Ce texte norvégien, qui a connu sa création mondiale en français au Théâtre de la Colline en 2011, traite d’exil, d’identité, du sentiment d’insécurité à la manière énigmatique d’Arne Lygre. Catherine Vidal s’y plonge, avec une belle distribution: Larissa Corriveau, James Hyndman, Marie-France Lambert, MarieClaude Langlois et Macha Limonchick. Du 26 septembre au 21 octobre, au théâtre Prospero.
La nuit du 4 au 5. Il n’aura pas fallu longtemps pour voir ce texte, lauréat du prix Gratien-Gélinas 2017, porté à la scène, et sous la direction de Claude Poissant, qui plus est. Cette première création de la comédienne Rachel Graton évoque les impacts d’une agression sexuelle sur une jeune femme. Du 26 septembre au 14 octobre, à la salle Jean-Claude-Germain.
Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz. Choix inusité de répertoire que cette pièce de Boris Vian datant de 1957, et qui attise donc notre curiosité. Michel-Maxime Legault met en scène ce récit à l’humour absurde qui introduit la figure indéfinissable d’un étranger dans une famille bourgeoise. Du 27 septembre au 21 octobre, au Théâtre Denise-Pelletier.
Post Humains. La comédienne Dominique Leclerc explore là un thème fascinant: le monde trouble de la médecine cyborg et transhumaniste. Résultat de quatre années de recherche, alliant «théâtre documentaire, autofiction et performance», cette création mise en scène par Édith Patenaude pourrait ouvrir de vertigineuses questions éthiques sur l’avenir de l’humanité. Du 3 au 14 octobre, à l’Espace libre. Le grand dramaturge qui a épinglé les illusions de l’Amérique fait un retour en force sur nos scènes, et deux fois plutôt qu’une. Au Théâtre du Rideau vert, Serge Denoncourt s’attaque au classique La mort d’un commis voyageur, en misant sur un choix a priori audacieux pour incarner Willy Loman: Marc Messier, au début
L’automne Arthur Miller.
de sa carrière post-Broue. Du 3 octobre au 4 novembre.
C’est plutôt le puissant Vu
du pont qu’on verra au Théâtre du Nouveau Monde. Lorraine Pintal réunit François Papineau, Maude Guérin et Mylène St-Sauveur dans ce tragique récit de jalousie sur un fond, très actuel, d’immigration clandestine. Du 14 novembre au 9 décembre.
Last Night I Dreamt that Somebody Loved Me. Bien intrigante proposition que cette création conçue pour un acteur (Éric Bernier), quatre danseurs et un chien ! Mariant les réflexions de divers penseurs aux chansons du groupe The Smiths, le spectacle de l’infatigable Angela Konrad met en question les liens entre «la culture du narcissisme et la quête du bonheur »… Du 10 au 21 octobre, à l’Usine C.
Nina, c’est autre chose.
Cette production « théâtromusicale» dirigée par Florent Siaud, et mettant notamment en vedette Renaud Lacelle-Bourdon et Éric Bernier, a d’abord été créée en Europe. Dans cette pièce des années 1970 signée par le Français Michel Vinaver, deux frères apprivoisent l’ouverture à l’autre au contact d’une jeune inconnue. Du 1er au 5 novembre, au théâtre La Chapelle.
Filles en liberté. L’intelligence de son regard, affranchi des idées reçues, sur les enjeux féministes contemporains nous a réjouis dans le
décapant Baby-sitter. Catherine Léger récidive avec cette comédie mise au monde par Patrice Dubois. Une pièce qui, révélait-elle lors d’une entrevue au printemps dernier, irait plus loin dans les « rapports
malsains » entre les sexes. Ça
promet. Du 7 novembre au 2 décembre, à La Licorne. Dans le champ amoureux.
Son baptême d’écriture, l’oeuvre collaborative Table rase (d’ailleurs reprise cet automne), a révélé une voix d’une authenticité saisissante. Dans cette pièce plus intimiste, Catherine Chabot s’intéresse cette fois à la joute rhétorique qui oppose un couple. Sous la direction de Frédéric Blanchette. Du 7 au 25 novembre, à l’Espace libre.
L’Iliade. Homère en rap? Pour sa quatrième relecture condensée d’un grand texte
du répertoire, après le solo Hamlet_Director’s Cut, Marc Beaupré sert l’épopée guerrière dans une partition musicale rythmée de Stéfan Boucher, portée par dix comédiens. Du 8 novembre au 6 décembre, au Théâtre Denise-Pelletier.
Les enivrés. Le Groupe de la Veillée poursuit pour une troisième fois son exploration de la dramaturgie novatrice du Russe Ivan Viripaev, on ne s’en plaindra pas. Pour incarner ces personnages qui trouvent la vérité au fond d’une bouteille, Florent Siaud — déjà metteur en scène du précédent Illusions — s’offre une distribution de première force.
Du 21 novembre au 16 décembre, au théâtre Prospero.
Collaboratrice