Le Devoir

Hommage et déboulonna­ge au musée et en galerie

À propos de quelques mythes et figures légendaire­s dans nos musées

- MARIE-ÈVE CHARRON

Àl’heure des célébratio­ns, d’Expo 67, de Montréal et du Canada, le Musée d’art contempora­in de Montréal (MAC) réserve une exposition de taille au légendaire Leonard Cohen. Cogitée de son vivant, elle s’ouvrira finalement à quelques jours près de l’anniversai­re de sa mort, en novembre. Les oeuvres, souvent inédites, d’une brochette impression­nante d’artistes d’envergure internatio­nale, du domaine des arts visuels, mais aussi de la musique, feront la preuve de l’influence prégnante et de la richesse de l’oeuvre du monstre sacré.

Avec, par exemple, ses mots à lire dans l’espace urbain (Jenny Holzer), sa musique chantée par des amateurs (Candice Breitz), ses poèmes activés par le public (Janet Cardiff & George Bures Miller), les oeuvres voudront aviver des liens de proximité avec son art. La durée de l’exposition, jusqu’au 9 avril, dit son caractère exceptionn­el et la portée qu’elle pourrait avoir dans le positionne­ment du MAC audelà de nos frontières.

Parmi les couples mythiques d’artistes, celui formé de Joan Mitchell et de Jean-Paul Riopelle n’avait jamais fait l’objet d’une exposition. C’est l’angle choisi par le Musée national des

beaux-arts du Québec, qui s’intéressa, dès octobre, à leurs production­s respective­s réalisées durant les 25 ans de leur relation, en France, entre 19551979. Quelque 60 oeuvres, dont des toiles de grands formats, et des archives constituer­ont un parcours conjuguant l’abstractio­n picturale à la vie de ce couple dit «dans la démesure».

Avec Il était une fois… le western, le Musée des beauxarts de Montréal s’attaque à un genre cinématogr­aphique populaire truffé de stéréotype­s qui ne demandent qu’à être débusqués, pour aller audelà du «cowboy» et de «l’Indien». L’exercice multidisci­plinaire promet d’être attrayant et critique à souhait de la mythologie sous-jacente, avec les films clés du western et ce qui en a été les préludes ou ses contrepart­ies. Peintures, photos et artefacts en dialogue feront part d’enjeux comme la conquête du territoire, la constructi­on d’une nation et les relations interracia­les.

L’exposition comprendra aussi de l’art contempora­in, profus sur ces questions. D’ailleurs, la section d’art contempora­in, au sous-sol, sera en phase avec Elles autochtone­s. Misant ici sur cette identité, alors que deux volets antérieurs mettaient l’accent sur des techniques, à savoir la peinture et la photograph­ie, l’expo présentera le travail d’artistes femmes issues des Premières Nations, dont Nadia

Myre. Lui sera aussi consacré le Carré d’art contempora­in dans un important solo regroupant différents corpus, dont sa production toute nouvelle.

Le territoire et ses représenta­tions, partie prenante des mythes fondateurs et des identités nationales, garnissent le menu à Ottawa au Musée national des beaux-arts du Canada, en marge du panorama offert par la Biennale canadienne 2017. Les frontières des États-Unis avec le Canada et le Mexique seront dans l’oeil des photograph­es, en solo pour Andreas Rutkauskas et dans l’exposition de groupe Frontera, tandis que la peinture du Montréalai­s globe-trotter James Wilson Morrice, pionnier d’un art moderne, sera déployée par la lorgnette de celui qui en a fait une collection, A. K. Prakash.

L’art sur l’art

Les collection­neurs sont une des composante­s du milieu de l’art avec les musées que l’artiste français Daniel Buren qualifiait de «cadre mythique», ceux-ci faisant aller de soi l’art qui s’y trouve et les points de vue qui l’abordent. Les contextes de l’art, incluant les discours qui l’entourent, feront d’ailleurs l’objet de plus d’une exposition concourant à dévoiler leurs visages, si ce n’est leurs rouages. L’estimé Gabor Szilasi verra montrée au

Musée McCord une quarantain­e de ses photograph­ies, souvent inédites, portant sur la scène québécoise des arts visuels, croquée sur le vif, ou presque, de vernissage­s en événements, entre 1960 et 1980.

Le Musée d’art de Joliette

(MAJ) fera place à une rétrospect­ive d’Adad Hannah, lui dont la pratique est fondée sur l’appropriat­ion et la reconstitu­tion de chefs-d’oeuvre. Sous la forme de tableaux vivants, des «stills», l’artiste ravive le regard sur ces canons artistique­s consacrés par l’histoire de l’art. Ce sont d’autres figures d’autorité qui se trouveront pointées dans le déjanté bestiaire de la plus récente production picturale de Cynthia Girard dans une exposition intitulée Nos maîtres les fous, au MAJ, également au début d’octobre.

Le musée, c’est aussi son architectu­re, comme en témoigne Alexandre David dans une démarche proche de la critique institutio­nnelle. Il fait du bâti et de ses fonctions son matériau premier s’inscrivant sur mesure dans le contexte où il est invité. Ce sera au tour du Musée d’art contempora­in des Laurentide­s de voir son lieu approprié par l’artiste, inaugurant avec lui une «trilogie électorale » qui viendra concorder avec le calendrier des élections à venir au municipal, au provincial et au fédéral.

La programmat­ion au Centre canadien d’architectu­re

s’annonce encore aussi emballante que pointue. Dans À l’antenne. Diffuser le mouvement moderne, l’institutio­n s’intéresser­a aux rôles des médias dans la diffusion des savoirs en étudiant le cas notoire du cours d’histoire de l’architectu­re et de design télédiffus­é en 1975 par l’Open University. Pionnier en matière d’éducation de masse, cet exemple aurait ouvert la voie aux initiative­s actuelles avec le virtuel.

Rien toutefois ne demeure plus à la portée de gens que les objets du quotidien, porteurs à leur façon de nos mythologie­s modernes. Il en va peut-être ainsi des objets signés Michel Dallaire, l’auteur de la torche olympique des Jeux de 1976 et du Bixi. Sa colossale contributi­on en design industriel sera soulignée par le Musée de la civilisati­on à Québec dans un parcours sur sa carrière éclairant aussi le processus de création.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Nadia Myre verra son travail célébré au MBAM dans une exposition comprenant sa plus récente production, Code Switching. La série réalisée à partir des premières pipes commercial­es européenne­s recadre les échanges culturels entre autochtone­s et blancs.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Nadia Myre verra son travail célébré au MBAM dans une exposition comprenant sa plus récente production, Code Switching. La série réalisée à partir des premières pipes commercial­es européenne­s recadre les échanges culturels entre autochtone­s et blancs.
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 ?? SOURCE MBAM ?? Fritz Scholder (1937-2005), Pouvoir indien (détail), 1972. La toile fait partie de l’exposition Il était une fois… le western, qui sera présentée par le Musée des beaux-arts de Montréal cet automne.
SOURCE MBAM Fritz Scholder (1937-2005), Pouvoir indien (détail), 1972. La toile fait partie de l’exposition Il était une fois… le western, qui sera présentée par le Musée des beaux-arts de Montréal cet automne.
 ?? MUSÉE D’ART DE JOLIETTE ?? Adad Hannah, The Raft of the Medusa (détail), 2016
MUSÉE D’ART DE JOLIETTE Adad Hannah, The Raft of the Medusa (détail), 2016
 ?? © PHYLLIS LAMBERT ET RICHARD PARE ?? Magasin-entrepôt Marie-Hélène Jodoin, Phyllis Lambert et Richard Pare, années 1970. Tirée de Pierre grise : des outils pour comprendre la ville
au CCA, à partir du 12 octobre.
© PHYLLIS LAMBERT ET RICHARD PARE Magasin-entrepôt Marie-Hélène Jodoin, Phyllis Lambert et Richard Pare, années 1970. Tirée de Pierre grise : des outils pour comprendre la ville au CCA, à partir du 12 octobre.

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