Le ministre de l’Éducation annonce des changements «concrets»
La Politique de la réussite éducative, lancée en grande pompe par le gouvernement en juin dernier, a été applaudie par l’ensemble de la communauté. Mais un reproche persiste: si la politique vise juste dans ses objectifs, les moyens pour les atteindre, eux, restent à définir. À l’heure de la rentrée, Le Devoir fait le point avec le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx.
La nouvelle Politique de la réussite éducative doit marquer un «virage historique» dans le paysage scolaire québécois et promet des résultats tangibles… en 2030. Pour y arriver, on va créer des groupes de travail, élaborer des stratégies et définir des plans d’action sur une multitude de sujets. Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, se défend d’avoir présenté une politique remplie de « voeux
pieux » et promet des changements très « concrets » dans les écoles, et ce, dès cet automne.
«C’est clair qu’il y a des choses qui vont être différentes
dès cette rentrée, répond Sébastien Proulx, au téléphone. Il y aura des nouveautés et je pense que ça va paraître.»
Dans un premier temps, il y aura du personnel supplémentaire pour offrir des services directs aux élèves, promet-il. De l’argent a été dégagé dans le dernier budget pour permettre l’embauche de 7200 ressources supplémentaires dans les écoles sur 5 ans, dont 1500 dès septembre. Selon le ministre, ce chiffre est sur le point d’être atteint sur l’ensemble du réseau. «Ça, c’est
extrêmement concret », affirme-t-il. Sébastien Proulx parle également des travaux majeurs de rénovation et de modernisation qui ont été effectués cet été dans plusieurs écoles du Québec. «Il y avait un rattrapage à faire, qui aurait dû être fait bien avant, tous gouvernements confondus. Et moi, aujourd’hui, je ne peux penser faire mon travail correctement si je ne mets pas l’accent sur l’importance de rénover nos écoles pour offrir des milieux de vie satisfaisants.»
Le ministre poursuit son énumération des nouveautés pour la rentrée: il y a la centaine de nouvelles classes de maternelle 4 ans en milieu défavorisé, le nouveau cours d’histoire obligatoire en 3e secondaire, le cours d’éducation financière, le retour du cours d’éducation sexuelle dans plusieurs écoles, de même que l’ajout d’un bloc de 60 minutes de sports par jour dans les écoles qui ont adhéré au projet Force 4, piloté par Pierre Lavoie.
De plus, la décentralisation fait en sorte que des sommes plus importantes sont envoyées directement dans les écoles plutôt qu’à la commission scolaire, ce qui leur permet de faire des choix qui leur sont propres en fonction de leurs valeurs et de leurs besoins, ajoute le ministre.
La majorité de ces changements ont été annoncés plus tôt cette année et ne découlent donc pas directement de la nouvelle politique. Mais tout est lié, dans un «ensemble de démarches cohérentes », explique le ministre.
Horizon de 14 ans
La politique vise à faire passer le taux de diplomation de 74% à 85% d’ici 2030. Certains diront que c’est encore bien loin… « Je comprends que, pour beaucoup de gens, on aimerait être capable de connaître et de vivre les résultats maintenant. Malheureusement, ce n’est pas possible, parce qu’il y a des choses qui doivent se faire dans le temps», se défend le ministre.
«J’ai inscrit l’ensemble des démarches sur une période d’à peu près 14 ans, parce que c’est la vie d’un enfant de la maternelle à la fin de son secondaire, précise-t-il. Ça va nous donner un portrait plus juste de ce que nous avons fait et de ce que nous devons faire pour avoir une réussite pour tous. »
Au-delà de la diplomation, la Politique vise un apprentissage «tout au long de la vie». Le ministre part du principe que tout se joue dès la petite enfance et qu’il faut offrir des services et du soutien à ceux qui en ont besoin le plus tôt possible pour assurer «l’égalité des chances».
Il lancera une stratégie sur l’alphabétisation et la francisation, chapeautera des chantiers sur la modernisation des encadrements pédagogiques et l’évaluation des apprentissages. Il se penchera sur la valorisation de la profession enseignante et l’autonomie professionnelle. Il souhaite également créer un institut d’excellence en éducation, réviser le modèle de financement des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, développer des plans d’action sur la formation professionnelle et le numérique, etc.
«Je ne peux pas réaliser tout ça en quelques semaines ou en claquant des doigts, mais ce ne sont pas que des voeux pieux, c’est en marche. Et ça va donner des résultats probants dans peu de temps. »
Le ministre estime que certains dossiers «vont aller très vite», puisque la réflexion est déjà bien entamée. «On connaît déjà les intentions et on connaît aussi pas mal les chemins pour y arriver», résume-t-il.
Égalité des chances
Le ministre parle beaucoup d’égalité des chances. Pourtant, si la politique ratisse large, elle ne s’intéresse pas à l’écrémage de l’école publique vers les écoles à programmes particuliers ou vers l’école privée, comme cela avait été défini l’an dernier par le Conseil supérieur de l’éducation.
«C’est vrai que je n’avais pas, dans les pistes d’action, la fin des programmes particuliers. Par contre, dans les messages publics que j’ai portés, j’ai toujours dit qu’il fallait plus d’égalité, convient le ministre. Je ne pense pas qu’on mise dans la bonne direction si on se met à limiter les accès à certaines catégories de personnes. Maintenant, ça ne veut pas dire qu’il faut prendre les programmes qui ont été mis en place par les différentes écoles pour les rendre inspirantes et intéressantes et mettre tout ça de côté pour revenir comme avant. Mais il faut s’assurer de ne pas tomber de l’autre côté du spectre, c’est-à-dire de rendre l’école inéquitable. »
À cet égard, il en convient, « il y a du travail à faire ».
Confiant
Sébastien Proulx n’est pas le premier ni certainement le dernier ministre à proposer un «changement de paradigme» dans le réseau de l’éducation pour favoriser la réussite. Mais le ministre se dit «extrêmement confiant» et il compte bien réussir là où d’autres ont échoué.
Il revient sur la cohérence de sa démarche, évoque les liens qu’il a établis avec d’autres ministères pour que l’éducation soit désormais vue comme «un continuum», une démarche qui s’inscrit tout au long de la vie.
«Quand je mets tout ça dans la balance, avec les ressources financières disponibles et un plan de match bien établi, je suis convaincu qu’on va être en mesure de rehausser le niveau de diplomation. On va intéresser les gens à l’école, en impliquant leurs parents, l’entourage, la famille et la communauté autour de l’enfant. Si on réussit ça, on va arriver à faire ce que d’autres n’ont pas réussi à faire avant. »