Vers un nouvel élan en enseignement supérieur ?
Le système d’éducation supérieur québécois est envié à travers le monde, notamment en raison de son taux élevé de diplomation. Et ce, notent les acteurs du milieu, malgré les coupes et un système de gestion qui l’ont « fragilisé » ces dernières années.
Bernard Tremblay cite un reportage de la BBC qui présentait récemment le Canada comme étant «une superpuissance mondiale en éducation», reportage qui visait tout particulièrement le Québec.
«Nous sommes l’endroit au Canada où on trouve le plus de diplômés post-secondaires», indique-t-il. À ses yeux, on est un chef de file en éducation non seulement au Canada, mais sur la scène internationale. « Si le Québec était un pays, nous ferions partie des dix meilleurs au monde!», affirme-t-il. Notre particularité, poursuit M. Tremblay, c’est l’existence des cégeps, un réseau qu’on ne trouve nulle part ailleurs au monde et qui fait l’admiration de plusieurs pays. «On vient d’un peu partout pour examiner notre
système », rappelle le p.d.g. de la Fédération des cégeps, le regroupement volontaire des 48 collèges publics du Québec.
L’excellence du Québec résulte de la mise en oeuvre, il y a cinquante ans cette année, d’un système d’éducation accessible à tous et sur tout le territoire. «C’est l’arrivée des cégeps qui a propulsé le Québec dans la catégorie des premiers de classe en matière de possession de diplômes post-secondaires », explique M. Tremblay.
Marchandisation de l’éducation
Jean Murdock, secrétaire général de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, affiliée à la CSN (CNEES-CSN), est d’accord avec Bernard Tremblay. Tous deux s’inquiètent cependant de ce que, ces dernières années, le réseau de l’enseignement supérieur — c’est-à-dire les cégeps et les universités — a été malmené.
«Disons qu’avec les dernières années de compressions budgétaires, les réseaux universitaires et collégiaux ont été fragilisés, résume M. Murdock. Ils sont maintenant extrêmement vulnérables.»
Le représentant syndical déplore en fait que, depuis les années 1990, l’enseignement supérieur a été transformé par une
«gestion managériale» qui vise la marchandisation de l’éducation selon des notions propres à l’entreprise privée. « On parle désormais de concurrence, de performance, de redevabilité, fait-il remarquer. On parle aussi de clientèle, d’utilisateur-payeur et de consommation de services…»
Il déplore ainsi la transformation de nos institutions d’enseignement afin de répondre avant tout aux besoins du marché plutôt que d’une formation générale et citoyenne afin de
répondre aux besoins de la société. Et ces dernières années se sont ajoutées d’importantes compressions budgétaires. «Comme toute organisation,
enchaîne Bernard Tremblay,
on souhaite évoluer et progresser alors que, lorsqu’il y a des périodes de compressions, on stagne, sinon même on régresse — ce qui est très frustrant.»
Le p.-d.g. de la Fédération des cégeps se réjouit bien sûr des réinvestissements en éducation annoncés ces derniers mois. Cependant, souligne-t-il, ceux-ci ne permettent que de couvrir les coûts de système, c’est-à-dire les incontournables augmentations des coûts d’énergie et d’achats de biens et de services. «Cela nous permet de maintenir les services que nous avons», indique-t-il, ainsi que de réinvestir un peu dans les services aux étudiants réduits ces dernières années.
«Il nous faut toutefois davantage de conseillers en orientation et de spécialistes d’aide au français, et pour soutenir les clientèles qui ont des difficultés particulières», explique M. Tremblay, en ajoutant que ce sont là des services qui n’ont pas évolué au rythme de l’augmentation des clientèles qui en ont besoin. M. Tremblay rapporte d’ailleurs une augmentation de 700% du nombre d’étudiants qui ont des besoins particuliers. «Ça prend des services pour accompagner ces clientèles vers la réussite, ditil, alors que les augmentations de budget allouées ne permettent que de parer au plus urgent.»
États généraux de l’enseignement supérieur
Jean Murdock, de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants, rapporte qu’en mai dernier s’est tenue une première rencontre entre une douzaine d’organisations syndicales et étudiantes visant à faire le point sur l’état de l’enseignement supérieur. Trois points en sont essentiellement ressortis, indique-t-il.
Premièrement, la nécessité d’un réinvestissement massif et surtout prévisible. «L’État doit se réengager en tant que maître d’oeuvre de l’éducation au Québec afin d’en assurer une cohérence sur l’ensemble du territoire», résume M. Murdock.
Deuxièmement, il faut lutter contre la précarisation dans les réseaux d’enseignement supérieur. Le représentant syndical rapporte que plus de 50% des professeurs enseignant au premier cycle universitaire sont des chargés de cours, alors que dans les cégeps, la précarité touche 40% des professeurs. «Ça n’a pas de bon sens, tranche-t-il. Il faut mettre un