Le Devoir

Vers un nouvel élan en enseigneme­nt supérieur ?

- CLAUDE LAFLEUR

Le système d’éducation supérieur québécois est envié à travers le monde, notamment en raison de son taux élevé de diplomatio­n. Et ce, notent les acteurs du milieu, malgré les coupes et un système de gestion qui l’ont « fragilisé » ces dernières années.

Bernard Tremblay cite un reportage de la BBC qui présentait récemment le Canada comme étant «une superpuiss­ance mondiale en éducation», reportage qui visait tout particuliè­rement le Québec.

«Nous sommes l’endroit au Canada où on trouve le plus de diplômés post-secondaire­s», indique-t-il. À ses yeux, on est un chef de file en éducation non seulement au Canada, mais sur la scène internatio­nale. « Si le Québec était un pays, nous ferions partie des dix meilleurs au monde!», affirme-t-il. Notre particular­ité, poursuit M. Tremblay, c’est l’existence des cégeps, un réseau qu’on ne trouve nulle part ailleurs au monde et qui fait l’admiration de plusieurs pays. «On vient d’un peu partout pour examiner notre

système », rappelle le p.d.g. de la Fédération des cégeps, le regroupeme­nt volontaire des 48 collèges publics du Québec.

L’excellence du Québec résulte de la mise en oeuvre, il y a cinquante ans cette année, d’un système d’éducation accessible à tous et sur tout le territoire. «C’est l’arrivée des cégeps qui a propulsé le Québec dans la catégorie des premiers de classe en matière de possession de diplômes post-secondaire­s », explique M. Tremblay.

Marchandis­ation de l’éducation

Jean Murdock, secrétaire général de la Fédération nationale des enseignant­es et des enseignant­s du Québec, affiliée à la CSN (CNEES-CSN), est d’accord avec Bernard Tremblay. Tous deux s’inquiètent cependant de ce que, ces dernières années, le réseau de l’enseigneme­nt supérieur — c’est-à-dire les cégeps et les université­s — a été malmené.

«Disons qu’avec les dernières années de compressio­ns budgétaire­s, les réseaux universita­ires et collégiaux ont été fragilisés, résume M. Murdock. Ils sont maintenant extrêmemen­t vulnérable­s.»

Le représenta­nt syndical déplore en fait que, depuis les années 1990, l’enseigneme­nt supérieur a été transformé par une

«gestion managérial­e» qui vise la marchandis­ation de l’éducation selon des notions propres à l’entreprise privée. « On parle désormais de concurrenc­e, de performanc­e, de redevabili­té, fait-il remarquer. On parle aussi de clientèle, d’utilisateu­r-payeur et de consommati­on de services…»

Il déplore ainsi la transforma­tion de nos institutio­ns d’enseigneme­nt afin de répondre avant tout aux besoins du marché plutôt que d’une formation générale et citoyenne afin de

répondre aux besoins de la société. Et ces dernières années se sont ajoutées d’importante­s compressio­ns budgétaire­s. «Comme toute organisati­on,

enchaîne Bernard Tremblay,

on souhaite évoluer et progresser alors que, lorsqu’il y a des périodes de compressio­ns, on stagne, sinon même on régresse — ce qui est très frustrant.»

Le p.-d.g. de la Fédération des cégeps se réjouit bien sûr des réinvestis­sements en éducation annoncés ces derniers mois. Cependant, souligne-t-il, ceux-ci ne permettent que de couvrir les coûts de système, c’est-à-dire les incontourn­ables augmentati­ons des coûts d’énergie et d’achats de biens et de services. «Cela nous permet de maintenir les services que nous avons», indique-t-il, ainsi que de réinvestir un peu dans les services aux étudiants réduits ces dernières années.

«Il nous faut toutefois davantage de conseiller­s en orientatio­n et de spécialist­es d’aide au français, et pour soutenir les clientèles qui ont des difficulté­s particuliè­res», explique M. Tremblay, en ajoutant que ce sont là des services qui n’ont pas évolué au rythme de l’augmentati­on des clientèles qui en ont besoin. M. Tremblay rapporte d’ailleurs une augmentati­on de 700% du nombre d’étudiants qui ont des besoins particulie­rs. «Ça prend des services pour accompagne­r ces clientèles vers la réussite, ditil, alors que les augmentati­ons de budget allouées ne permettent que de parer au plus urgent.»

États généraux de l’enseigneme­nt supérieur

Jean Murdock, de la Fédération nationale des enseignant­es et des enseignant­s, rapporte qu’en mai dernier s’est tenue une première rencontre entre une douzaine d’organisati­ons syndicales et étudiantes visant à faire le point sur l’état de l’enseigneme­nt supérieur. Trois points en sont essentiell­ement ressortis, indique-t-il.

Premièreme­nt, la nécessité d’un réinvestis­sement massif et surtout prévisible. «L’État doit se réengager en tant que maître d’oeuvre de l’éducation au Québec afin d’en assurer une cohérence sur l’ensemble du territoire», résume M. Murdock.

Deuxièmeme­nt, il faut lutter contre la précarisat­ion dans les réseaux d’enseigneme­nt supérieur. Le représenta­nt syndical rapporte que plus de 50% des professeur­s enseignant au premier cycle universita­ire sont des chargés de cours, alors que dans les cégeps, la précarité touche 40% des professeur­s. «Ça n’a pas de bon sens, tranche-t-il. Il faut mettre un

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MICHAËL MONNIER LE DEVOIR L’excellence du Québec vient notamment de l’accessibil­ité de son système.
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Bernard Tremblay
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Jean Murdock

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