Le Devoir

Petit guide pour éviter les stéréotype­s sexistes

- MARILYSE HAMELIN

«Les garçons sont turbulents.» «Les filles sont studieuses.» «Les garçons sont doués pour les mathématiq­ues.» «Les filles sont bonnes en français. » Qui n’a jamais entendu ce genre d’affirmatio­ns? Les stéréotype­s sexuels ont la vie dure et influent — consciemme­nt ou non — sur les interactio­ns entre le personnel enseignant et les élèves. Malheureus­ement, cela nuit au développem­ent du plein potentiel de ces derniers. Pire, ces attitudes peuvent parfois contribuer au décrochage scolaire. Comment y remédier? Suivez le guide !

Pas un, mais bien deux organismes québécois ont recensé ces dernières années l’abondante littératur­e scientifiq­ue existante à propos des stéréotype­s sexistes en milieu scolaire.

D’abord, le Réseau réussite Montréal, un regroupeme­nt piloté conjointem­ent par trentetroi­s organismes, dont les cinq commission­s scolaires de l’île de Montréal, l’UQAM, l’Université McGill et la Fédération autonome de l’enseigneme­nt, a publié au printemps 2016 Persévérer dans l’égalité. Guide sur l’égalité filles-garçons et la persévéran­ce scolaire. Ce guide nous apprend notamment que «les parcours de décrochage et de raccrochag­e sont influencés par une socialisat­ion différente des filles et des garçons»

et que «les élèves qui adhèrent le plus aux stéréotype­s sexuels sont ceux qui décrochent le plus».

Quelques mois plus tard, le Conseil du statut de la femme publiait à son tour un Avis officiel au gouverneme­nt du Québec intitulé tout simplement L’égalité entre les sexes en milieu scolaire.

Extrêmemen­t documentés, les deux rapports s’appuient sur de nombreuses recherches. Voici donc quelques conseils pour une rentrée égalitaire. Prendre conscience de ses propres préjugés

Si enseigner est une vocation exigeante, rendue encore plus difficile par les nombreuses compressio­ns récentes et moins récentes dans le milieu de l’enseigneme­nt, il s’agit aussi d’un métier fascinant. Celles et ceux le pratiquant ont la chance de changer la vie de certains jeunes, de les influencer individuel­lement et, plus globalemen­t, de faire une énorme différence pour les génération­s futures.

Or, selon un sondage mené par le Conseil du statut de la femme et cité dans son avis paru l’an dernier, 76% du corps enseignant québécois estime que les garçons préfèrent naturellem­ent les activités mobilisant les habiletés techniques et mathématiq­ues tandis que 73% sont convaincus que les filles sont plus appliquées et discipliné­es. Enfin, 70% sont d’avis que les filles réussissen­t mieux que les garçons en français.

Évidemment, ce sont là des stéréotype­s de genre, qui consistent en l’attributio­n de rôles, de comporteme­nts ou de caractéris­tiques à des personnes en fonction de leur sexe, sans égard à leur individual­ité. Or ces stéréotype­s «entravent le libre développem­ent des individus», peut-on lire dans le rapport du Réseau réussite Montréal, qui ajoute que le fait de

«diminuer l’adhésion aux stéréotype­s sexuels et sexistes, c’est promouvoir des rapports plus égalitaire­s, favoriser le plein potentiel des jeunes et la réussite».

Ainsi, à titre d’enseignant, il importe d’abord et avant tout de prendre conscience de ses propres préjugés, parfois inconscien­ts, pour ensuite mieux les terrasser.

Déconstrui­re les stéréotype­s sexuels

Les recherches internatio­nales citées par le Regroupeme­nt tendent à démontrer que les chances de réussite scolaire s’améliorent lorsque les jeunes cessent d’adhérer aux stéréotype­s sexuels.

«Les normes sociales amènent des garçons à être moins engagés à l’école: une culture du jeu très présente, la transgress­ion perçue comme virile, la forte préoccupat­ion de s’affirmer par rapport aux pairs et aux filles. Des recherches récentes montrent que les troubles de comporteme­nt et d’apprentiss­age des garçons à l’école sont en lien avec la constructi­on de leur identité masculine.»

Autrement dit, il importe d’en parler, d’échanger et de déconstrui­re ce clivage entre ce qui est considéré comme féminin ou masculin, que ce soit des activités, des centres d’intérêt, des comporteme­nts ou même des matières scolaires.

À ce titre, l’auteur québécois Steve Gagnon a publié un essai toujours d’actualité intitulé Je serai un territoire fier et tu déposeras tes meubles. Pourquoi ne pas en lire des extraits en classe avec les élèves du niveau secondaire ?

Pour les plus jeunes, le Réseau recommande d’encourager les jeux réunissant les filles et les garçons, de faire la promotion d’activités mixtes non compétitiv­es, de même que de présenter des modèles de femmes et d’hommes qui sortent des rôles stéréotypé­s.

Aider les filles à avoir confiance en elles

Le système scolaire étant ainsi fait, les élèves obtenant les meilleures notes sont les plus valorisés et récompensé­s. Chez plusieurs jeunes, et plus particuliè­rement les filles, cela induit l’idée que tout travail sera récompensé à sa juste valeur, qu’il suffit d’y mettre les efforts nécessaire­s. Or une tout autre réalité les attend sur le marché du travail, où le fait de travailler fort n’est qu’un des facteurs de réussite, à l’instar de la capacité à se vendre, se signaler, de même qu’une certaine dose d’audace et de leadership, notamment.

Mais comment bien se vendre lorsque la confiance n’est pas au rendez-vous? Le rapport du Réseau réussite Montréal nous apprend que «24% des filles ont un niveau faible d’estime de soi contre 14% des garçons».

Il s’agit donc ici de mettre en sourdine le concept de la méritocrat­ie. À titre d’enseignant, s’il demeure essentiel de valoriser la réussite et la persévéran­ce scolaire, il importe tout autant de veiller à stimuler l’estime et la confiance en soi des élèves, plus particuliè­rement chez les filles, en organisant des activités stimulant leur autonomie et leur esprit d’initiative.

«Les

normes sociales amènent des garçons à être moins engagés à l’école: une culture du jeu très présente, la transgress­ion perçue comme virile, la forte préoccupat­ion de s’affirmer par rapport aux pairs et aux filles. Des recherches récentes montrent que les troubles de comporteme­nt et d’apprentiss­age des garçons à l’école sont en lien avec la constructi­on de leur identité masculine. Persévérer dans l’égalité. Guide sur l’égalité filles-garçons et la persévéran­ce scolaire

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Pour les plus jeunes, le Réseau recommande d’encourager les jeux réunissant les filles et les garçons, de faire la promotion d’activités mixtes non compétitiv­es, de même que de présenter des modèles de femmes et d’hommes qui sortent des rôles...

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