Le Devoir

La FAE revendique plus d’autonomie pour ses membres

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Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, avait créé beaucoup d’attentes chez les professeur­s en lançant une consultati­on publique sur le système d’éducation, en septembre 2016. Or, la Politique de la réussite éducative, résultat de l’exercice, dévoilée en juin dernier, a grandement déçu la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE), qui revendique depuis des années plus d’autonomie pour ses 32 000 membres. « La politique ne contient aucune mesure concrète à ce sujet, déplore Sylvain Mallette, président de la FAE. On nous annonce un chantier pour discuter de la question. Encore une consultati­on. »

STÉPHANE GAGNÉ

En devenant ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx avait promis de remettre l’éducation au coeur des priorités du gouverneme­nt Couillard. Or, pour les professeur­s, la nouvelle politique n’est pas de bon augure au chapitre de l’autonomie profession­nelle des enseignant­s. Au contraire. «En proposant que l’équipe école

[qui comprend la direction, les professeur­s, les conseiller­s pédagogiqu­es, etc.] choississe les meilleures approches pédagogiqu­es, on dilue encore plus l’autonomie

des enseignant­s», affirme M. Mallette. La FAE a donc l’impression de ne pas avoir été écoutée par le ministre et déplore que les professeur­s soient les seuls à n’avoir rien obtenu.

Quelques jours après l’annonce de la Politique, le 27 juin dernier, le ministre Proulx a rencontré la FAE pour écouter ses doléances. La Fédération en a alors profité pour répéter ses revendicat­ions qu’elle considère comme non satisfaite­s.

Une profession où il y a trop d’ingérence

Pour la FAE, il y a décidément trop de monde qui interfère dans le travail des professeur­s. Les directions d’écoles, les parents (par l’entremise des conseils d’établissem­ent), le ministère et les commission­s scolaires. Tous ces gens ont leur mot à dire sur la façon dont est dispensé l’enseigneme­nt et les approches pédagogiqu­es. «Il y a trop de gérants d’estrade », déplore

M. Mallette.

Pourtant, les professeur­s ont une obligation de résultat. «On fait des choix à notre place et, lorsque le personnel enseignant

ne réussit pas à atteindre les objectifs souhaités, on nous blâme, déplore Martin Lauzon, enseignant en histoire à la Polyvalent­e Sainte-Thérèse. On ne donne pas les moyens pour favoriser la réussite des élèves. »

M. Lauzon trouve la tâche enseignant­e trop encadrée. Il

donne des exemples. «Un enseignant pourrait juger nécessaire d’avoir trois périodes de récupérati­on par semaine pour sa classe, mais cela pourrait être refusé par la direction, qui possède le dernier mot sur la question, dénonce-t-il. Il arrive aussi qu’on nous impose une formation qui ne répond pas à nos besoins lors de journées pédagogiqu­es, alors que nous pourrions faire des choses plus utiles pour notre classe. »

L’ingérence provient aussi des conseils d’établissem­ent, selon Sylvain Mallette. Certains des pouvoirs de ces instances nuisent à l’autonomie profession­nelle du personnel enseignant, affirme-t-il, notamment au chapitre des enjeux de nature pédagogiqu­e (par exemple: projet éducatif, temps alloué à chaque matière).

Les entraves à l’autonomie

Ces ingérences dans la pratique de l’enseigneme­nt sont l’une des entraves, recensées par la FAE, à la plus grande autonomie que souhaitera­it obtenir le corps professora­l. Parmi les autres, mentionnon­s l’alourdisse­ment de la tâche. Un exemple bien connu: on demande souvent à l’enseignant d’intégrer dans sa classe des élèves en difficulté d’apprentiss­age sans lui offrir des ressources supplément­aires pour mener à bien l’opération.

Comme autre entrave, il y a le non-respect du jugement profession­nel. « Le professeur est le mieux placé pour savoir

ce qui est bon pour ses élèves au chapitre de l’enseigneme­nt, affirme M. Mallette. Pourtant, trop de gens qui ne possèdent pas la compétence interfèren­t dans le programme. »

La bureaucrat­isation est un autre problème. Dans un document de la FAE, on mentionne

à ce sujet que «l’accroissem­ent de la bureaucrat­ie pédagogiqu­e accapare des ressources financière­s au détriment du soutien direct aux élèves et aux enseignant­s qui en expriment le besoin». On ajoute aussi que «les mécanismes de reddition de comptes et de la gestion axée sur les résultats détournent les commission­s scolaires et les écoles de leur mission d’instructio­n ».

L’absence de balises claires nuit aussi au travail des enseignant­s. Ainsi, la Loi sur l’instructio­n publique ne définit pas clairement l’autonomie profession­nelle des enseignant­s, déplore le document de la FAE. De plus, elle confond les droits individuel­s et collectifs de l’enseignant avec ses obligation­s.

Les propositio­ns de la FAE

Pour corriger ces lacunes, la FAE a déjà fait plusieurs propositio­ns au ministre. Parmi celles-ci, mentionnon­s la réduction de la bureaucrat­ie pédagogiqu­e au sein des commission­s scolaires, la reconnaiss­ance du personnel enseignant comme premier expert de la pédagogie et la nécessité de donner au corps professora­l une réelle autonomie en lui laissant choisir notamment ses modalités d’interventi­on, ses approches pédagogiqu­es et son matériel didactique.

Trop d’accent sur les cibles de réussite

Outre le problème de manque d’autonomie, le professeur Lauzon croit aussi que la nouvelle politique du ministre Proulx met

trop l’accent sur l’atteinte de cibles de réussite scolaire. «On a haussé ces cibles sans mettre en place des moyens qui permettrai­ent aux enseignant­s de les atteindre», déplore-t-il. Un de ces moyens concerne le réinvestis­sement annoncé dans le secteur de l’éducation, bien inférieur aux compressio­ns des dernières années. En mars 2017, le gouverneme­nt Couillard annonçait une injection de 270 millions de dollars en éducation, alors que des coupes évaluées à un milliard de dollars ont été faites au cours des cinq dernières années.

Un chantier encore flou

En attendant le jour où le personnel enseignant pourra espérer une plus grande autonomie, le ministre Proulx prévoit donc un chantier. «Or, ce chantier, on ne sait toujours pas quand il sera amorcé, ni quelle sera sa compositio­n », déplore Sylvain Mallette.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Outre le problème de manque d’autonomie, certains professeur­s croient que la nouvelle politique du ministre Proulx met trop l’accent sur l’atteinte de cibles de réussite scolaire.
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Sylvain Mallette

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