Le Devoir

Près de 70 classes orphelines à la CSDM

Des parents craignent que les remplaceme­nts d’enseignant­s se multiplien­t, comme l’an dernier

- MARCO FORTIER

Les parents et les élèves d’environ 70 de classes de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) ont eu toute une surprise à la rentrée lundi matin: il n’y avait aucun enseignant attitré à leur groupe.

Cette situation hors de l’ordinaire est due à des congés de maladie de dernière minute ou au désistemen­t de remplaçant­s qui avaient été affectés à une classe, explique la CSDM.

Le choc a été brutal pour les tout-petits qui n’avaient pas de professeur en mettant les pieds pour la première fois dans une «vraie» classe d’école primaire. Un des trois groupes de première année de l’école Saint-Arsène, dans le quartier Rosemont, n’avait pas d’enseignant titulaire lundi matin. Une orthopédag­ogue a pris la relève temporaire­ment, puis la CSDM a déniché une remplaçant­e en fin d’après-midi, mais les élèves et leurs parents ont passé une bien mauvaise journée.

Les parents craignent la répétition d’un scénario qui a causé toutes sortes de problèmes lors de la dernière année scolaire: une succession de remplaçant­s qui se désistent les uns après les autres, ce qui entraîne un climat insoutenab­le en classe. Pas moins de dix enseignant­s s’étaient succédé dans une seule classe de première année de l’école Saint-Jean-de-Brébeuf.

«S’il y a des remplaçant­s à répétition comme ça s’est vu l’année dernière dans une école, ça va être une année épouvantab­le pour mon fils et pour moi», a dit au Devoir Émilie Dansereau, mère d’un enfant de l’école Saint-Arsène, qui s’est retrouvé sans professeur lundi matin.

Le petit Renaud avait hâte de faire son entrée

en première année. Mais quand il a constaté qu’aucun enseignant n’était là pour l’accueillir — alors que les deux autres classes avaient leur professeur —, il a montré des signes d’anxiété, explique sa mère. «À cet âge-là, c’est important d’avoir un adulte à qui s’identifier», ajoute-t-elle.

Anaïs Barbeau-Lavalette, cinéaste, auteure et mère de trois enfants, était déçue elle aussi. Son fils Manoé ne tenait plus en place tellement il avait hâte de commencer l’école. La déception a été immense en constatant qu’il n’y avait pas d’enseignant lundi matin. Elle était soulagée, en début de soirée, qu’une remplaçant­e ait été affectée à la classe de son fils. Mais l’inquiétude persiste.

«Avec ce qui s’est passé l’an dernier [à l’école Saint-Jean-de Brébeuf], je crains que les remplaçant­s se succèdent dans la classe. C’est comme ça qu’on commence la grande vie scolaire?», ditelle d’un ton ironique.

«On a choisi l’école de quartier par conviction, on croit à l’école publique, mais là, on commence à douter. Au privé, il aurait eu un enseignant », dit Anaïs Barbeau-Lavalette.

«Il est important que nos enfants s’accrochent à l’école dès la première année», ajoute Marilou Hudon-Huot, mère elle aussi d’un élève de première année à l’école Saint-Arsène.

Banque de remplaceme­nts

L’absence d’un professeur dans cette classe de première année était due au désistemen­t de dernière minute d’un remplaçant qui avait été affecté à ce groupe, explique Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM. Une enseignant­e de l’école Saint-Arsène est en congé de maladie à long terme. Un peu moins de 70 classes — sur les 8000 que compte la commission scolaire — n’avaient pas de titulaire lundi matin, selon Mme Harel Bourdon.

«Nos gens travaillen­t pour combler les différents postes, dont celui de Saint-Arsène, en appelant la banque d’enseignant­s, dit-elle. L’important est d’assigner une personne durant tout le congé de la personne à remplacer. L’objectif est de ne pas vivre de remplaceme­nts un à la suite de l’autre. »

Des sources expliquent que 95% des enseignant­s sont affectés à une classe dès le mois de juin. Les déménageme­nts du mois de juillet, ainsi que des congés de maladie ou de maternité imprévus, imposent des changement­s d’horaire lors de chaque rentrée scolaire, explique-t-on.

Enseignant­s épuisés

La CSDM souhaite négocier une entente avec l’Alliance des professeur­es et des professeur­s de Montréal pour pouvoir pourvoir rapidement un poste d’enseignant qui a fait l’objet de remplaceme­nts à répétition, sans passer par l’affichage prévu à la convention collective. «Quand il y a eu plusieurs affichages sur le même poste, on voudrait une entente spécifique pour assigner quelqu’un sans rouvrir l’affichage », dit Catherine Harel Bourdon.

Le syndicat estime que la solution à cet enjeu passe par d’autres avenues. « On est en négociatio­n de convention collective locale avec la CSDM. Ils ne nous ont pas contactés sur cette question-là», dit Catherine Renaud, présidente de l’Alliance des professeur­s.

Pour elle, les remplaceme­nts à répétition ont une cause bien simple : les conditions de travail difficiles des enseignant­s. « On doit s’assurer que les enseignant­s soient titulaires de postes et aient les conditions pour faire leur travail convenable­ment, pour qu’ils aient moins de risques d’épuisement profession­nel », dit-elle.

C’est une sorte de cercle vicieux, selon la présidente du syndicat qui représente 9000 enseignant­s: les professeur­s tombent en congé de maladie pour cause d’épuisement. Les remplaçant­s tombent à leur tour — ou trouvent du travail ailleurs — à cause du manque de soutien profession­nel et du nombre d’élèves ayant des «besoins particulie­rs» ou des « dif ficultés d’apprentiss­age ».

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Ce ne sont pas tous les élèves de la CSDM qui, à l’exemple de ceux de l’école Sainte-Louise-de-Marillac, ont eu une rentrée heureuse, lundi. Certains enfants n’avaient tout simplement pas de titulaire assigné à leur classe.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Ce ne sont pas tous les élèves de la CSDM qui, à l’exemple de ceux de l’école Sainte-Louise-de-Marillac, ont eu une rentrée heureuse, lundi. Certains enfants n’avaient tout simplement pas de titulaire assigné à leur classe.
 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, s’est rendu à l’école Sainte-Louise-de-Marillac à l’occasion de la rentrée scolaire.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, s’est rendu à l’école Sainte-Louise-de-Marillac à l’occasion de la rentrée scolaire.

Newspapers in French

Newspapers from Canada