Une université francophone doit voir le jour en Ontario en 2020
Réclamée depuis des dizaines d’années par la communauté francophone, une université de langue française devrait finalement voir le jour en Ontario. Le gouvernement libéral compte présenter un projet de loi pour créer une telle institution dès 2020 au centre-ville de Toronto.
Le gouvernement a ainsi approuvé les recommandations du rapport du Conseil de planification pour une université de langue française, dévoilé lundi.
«La création d’une nouvelle université de langue française, gouvernée par et pour les francophones, marque un jalon important pour les francophones de l’Ontario ainsi que pour les générations futures », a déclaré la ministre aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, par voie de communiqué.
L’établissement, qui sera nommé l’Université de l’Ontario français, partagera les locaux du Collège Boréal à Toronto afin de réduire les coûts, souligne le rapport. Il pourra aussi être parrainé par d’autres universités, comme l’Université d’Ottawa ou Ryerson, à ses débuts.
Les premières cohortes, qui commenceront les cours le 1er septembre 2020, pourront suivre des programmes multidisciplinaires sur « la pluralité humaine, les environnements urbains, l’économie mondialisée et les cultures numériques ».
«Trois ans, c’est se donner le temps d’y réfléchir, de mettre la structure en place et d’organiser les choses», estime le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin, ravi de voir «un rêve d’une trentaine d’années» en voie de se réaliser.
De son côté, le président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne, Pablo MhannaSandoval, espère que le projet de loi sera adopté «à temps», avant les prochaines élections générales du 7 juin 2018. «Ce serait dommage que ça meure au feuilleton et que ça devienne juste un enjeu électoral.»
Demande grandissante
Selon M. Jolin, la nouvelle université permettra de répondre à des besoins grandissants dans le centre-sud-ouest de l’Ontario, où le bassin francophone ne cesse d’augmenter. « Après le secondaire, les élèves [francophones] qui obtiennent leur diplôme et ne désirent pas s’éloigner de la région n’ont pas le choix d’aller dans le système anglophone. »
À l’heure actuelle, 611 500 francophones vivent en Ontario. Si la province propose un enseignement français au niveau primaire et secondaire depuis plusieurs années, l’accès à des études postsecondaires dans la langue de Molière reste restreint.
En tout, neuf établissements bilingues ou de langue française proposent des programmes universitaires, mais aucun n’est entièrement francophone.
«Il était temps, on est vraiment contents», renchérit le coprésident du Regroupement étudiant franco-ontarien, Jocelyn Leblanc, rappelant que d’autres provinces anglophones à travers le Canada, telles que le Nouveau-Brunswick ou le Manitoba, possèdent depuis plusieurs années déjà une université de langue française, leur communauté francophone étant pourtant moins importante qu’en Ontario.
Jocelyn Leblanc estime qu’une telle institution permettra de «vivre en français au quotidien», ce que ne permettent pas les universités bilingues. «Mon vécu de l’université bilingue? C’est 99% en anglais et 1% en français», confie l’étudiant en administration publique et droit à l’Université d’Ottawa, considérant que l’anglais reste la langue dominante au sein de la communauté universitaire. «Demander un service, commander à la cafétéria, entrer dans un club: il faut parler en anglais pour se faire comprendre, raconte l’étudiant. J’aimerais ça, jouer aux échecs en français, lancer un juron en français en jouant au ballon chasseur et qu’on me comprenne. »
Les programmes bilingues en péril?
De l’avis de Serge Miville, professeur d’histoire à l’Université Laurentienne et titulaire de la Chaire de recherche en histoire de l’Ontario français, le projet de loi ne va pas assez loin, car il se cantonne à la région de Toronto, alors que «le problème est à l’échelle provinciale». Il croit plus simple de fédérer les programmes de langue française des institutions bilingues. «Pourquoi créer une nouvelle institution et non pas un campus ou un réseau qui regrouperait les unités d’enseignement en français déjà existantes?»
M. Miville estime que la création d’une université francophone va surtout remettre en question la raison d’être des universités bilingues. « C’est un beau rêve, ces institutions bilingues, mais ça ne répond plus aux besoins, estime-t-il. C’est possible qu’elles doivent réagir face à cette nouvelle concurrence, mais ce ne sera pas dans leur intérêt d’abandonner les cours en français, car on leur offre des subventions pour ça.»