Le Devoir

Endettemen­t : situation contenue, mais surveillée

- FRANÇOIS DESJARDINS

Àpeine 5% des ménages présentent un niveau d’endettemen­t «critique», un pourcentag­e en légère baisse par rapport à celui du début des années 2000, a signalé le Mouvement Desjardins lundi dans une analyse qui insiste sur le caractère inadéquat de certains indicateur­s.

Alors que les manchettes relaient régulièrem­ent le ratio de la dette au revenu annuel disponible, lequel tourne autour désormais autour de 167% à l’échelle canadienne, l’établissem­ent plaide pour la prise en compte de ce qui sort véritablem­ent du portefeuil­le des gens pour rembourser les intérêts de leur dette.

Selon le «ratio du service de la dette» (RSD), la moitié des ménages québécois (48 %) consacraie­nt l’an dernier 10% de leur revenu ou moins au remboursem­ent du capital et des intérêts, a indiqué Desjardins. En 2000, ils étaient 36%. Par ailleurs, 29 % des ménages avaient un RSD entre 10 et 20%, un niveau en légère baisse par rapport à l’an 2000.

De manière générale pour l’ensemble des catégories, le RSD moyen en 2016 était à un cheveu de la moyenne 20002016, soit 16,7 %. La Banque du Canada estime que le seuil critique est un ménage dont le RSD serait supérieur à 40 %.

«Actuelleme­nt, la situation est saine, mais il faut se garder une marge de manoeuvre pour ce qui s’en vient, car on a eu la situation idéale en ce qui concerne les taux d’intérêt très faibles. Ceux-ci ont permis d’acquérir des maisons à un prix supérieur à ce qu’il y avait dans les décennies précédente­s», a dit en entrevue l’économiste Hélène Bégin. «Mais toute bonne chose a une fin, et il faut préparer le terrain avec les bons enjeux.» Beaucoup de choses « circulent », a-t-elle dit, et «il est parfois difficile [pour les gens] de faire la part des choses entre ce qu’on entend et la réalité ».

L’endettemen­t des ménages est une des grandes priorités de la Banque du Canada, dont les ajustement­s au taux directeur ont un effet sur le coût des emprunts. Lors d’un récent entretien, le gouverneur Stephen Poloz a dit qu’«on ne sait pas vraiment» à quel moment l’endettemen­t pose problème pour l’économie, car il existe aussi dans la population des gens qui ont terminé de payer leur hypothèque pour lesquels les actifs prennent de la valeur en période de hausse des taux d’intérêt.

Le ratio de la dette au revenu annuel est «incomplet», a dit le Mouvement dans son analyse, car il regroupe l’entièreté des dettes d’un ménage, dont les hypothèque­s sur 25 ans, pour les comparer au revenu d’une

Si le niveau d’emprunts des ménages est «globalemen­t sain», une détériorat­ion économique rapide pourrait entraîner de la précarité, selon Desjardins

seule année. «Si vous avez des dettes de 200 000 $ et un revenu de 50 000$, votre taux d’endettemen­t est de 400%. Or ce qui est important, c’est de savoir si on est capable de faire les paiements mensuels associés à ça, et ces paiements mensuels tiennent compte des taux d’intérêt », a dit Mme Bégin.

Cela dit, le niveau des actifs a aussi augmenté de concert avec les prix de l’immobilier. «Selon les indicateur­s d’endettemen­t les plus pertinents pour établir un diagnostic, le bilan financier des ménages est demeuré globalemen­t sain», a écrit Mme Bégin.

Hausse des taux

La majorité des institutio­ns financière­s s’attend à ce que la Banque du Canada poursuive la hausse de son taux directeur jusqu’en 2018, ce qui influera indirectem­ent sur les taux hypothécai­res. Si ce scénario se concrétise, préviennen­t-elles, le taux directeur pourrait donc se situer à 1,5% d’ici la fin de l’année prochaine.

«Une hausse de 25 points de base ne va pas tout chambarder, mais, au fur et à mesure que les taux augmentent, ça va commencer à peser dans le portefeuil­le des propriétai­res qui ont contracté des emprunts à taux variable ou des prêts qui arrivent à échéance», a ajouté Hélène Bégin.

L’agence de notation Moody’s a récemment estimé qu’une détériorat­ion des conditions économique­s pourrait avoir comme conséquenc­e de donner du fil à retordre aux ménages dont l’endettemen­t repose en partie sur le recours aux cartes de crédit. En particulie­r, Moody’s disait surveiller des provinces comme l’Alberta et la Saskatchew­an.

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