Le Devoir

L’Europe veut identifier les réfugiés en sol africain

Les pays au coeur de la crise migratoire qui secoue le monde se sont réunis lundi à Paris dans le cadre d’un sommet

- CLAIRE GALLEN CÉCILE FEUILLATRE à Paris

Recenser les réfugiés «dès le territoire africain» : les Européens ont lancé une propositio­n peu détaillée lundi à Paris à l’issue d’un sommet sur la crise migratoire, face à des chefs d’État africains réclamant davantage de financemen­t.

L’idée, promue par le président français Emmanuel Macron, est de lancer la procédure d’asile en Afrique, «dans des zones identifiée­s, pleinement sûres, au Niger et au Tchad, sous supervisio­n du HCR» (Haut Commissari­at de l’ONU pour les réfugiés).

Une feuille de route a été adoptée à l’issue de ce sommet en reprenant cette idée de réinstalla­tion, mais chaque pays a mis en avant ses propres préoccupat­ions dans un dossier qui est source de tensions.

Le haut-commissair­e de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, s’est félicité dans un communiqué des résultats du sommet de Paris: «Je suis encouragé par l’annonce d’un plan d’action complet qui soutiendra des solutions à long terme». «Les mesures qui ont simplement pour objectif de limiter le nombre d’arrivées ne résolvent pas le problème de la migration forcée, a-t-il souligné. « Toute approche sensée doit inclure un ensemble de mesures fortes pour assurer une paix durable dans les pays af fectés par les conflits ainsi que le développem­ent économique et social dans les places d’origine», a souligné le haut-commissair­e. Les discussion­s ont réuni les présidents tchadien et nigérien, Idriss Deby Itno et Mahamadou Issoufou, ainsi que le chef du gouverneme­nt d’entente nationale libyen, Fayez al-Sarraj, dont les pays sont au coeur du transit de migrants d’Afrique et du Moyen-Orient vers les côtes européenne­s. Pour l’Europe étaient présents la chancelièr­e allemande, Angela Merkel, les chefs de gouverneme­nt italien et espagnol, Paolo Gentiloni et Mariano Rajoy, ainsi que la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Une «mission conjointe» sera prochainem­ent envoyée au Niger et au Tchad, souligne la déclaratio­n finale, en promettant de « continuer à soutenir » ces pays sur plusieurs plans: contrôle des frontières, lutte contre les réseaux de passeurs.

«Le problème, c’est la pauvreté»

Au regard de ces objectifs, les invités africains ont rappelé que la question de l’immigratio­n «ne serait résolue que par le développem­ent ».

«On est habitués à des annonces de nos partenaire­s depuis des années. Nous voulons des choses concrètes », a insisté le président tchadien Idriss Deby.

Dans la déclaratio­n finale, les Européens « reconnaiss­ent qu’il est nécessaire» qu’ils « augmentent leur aide au Niger et au Tchad». «Le problème, c’est la pauvreté», a reconnu Federica Mogherini. Mais «il n’y a pas besoin d’inventer un nouveau plan Marshall ».

En 2015, lors du sommet sur la migration à La Valette (Malte), l’UE avait mis sur la table 1,8 milliard d’euros (2,7 milliards $CAN) par l’entremise d’un fonds pour les pays africains. Et l’UE a versé en juillet une aide de 10 millions d’euros (près de 15 millions $CAN) au Niger pour lutter contre l’immigratio­n clandestin­e, premier décaisseme­nt d’un programme décidé en 2016.

Les Européens cherchent de longue date comment couper les routes de l’immigratio­n illégale transitant par la Méditerran­ée. Un accord controvers­é avec la Turquie, en 2016, a permis de réduire les flux en Grèce.

Mais d’autres routes migratoire­s commencent à reprendre, notamment du côté du Maroc et de l’Espagne, et la tragédie humanitair­e continue, avec 14 000 morts en Méditerran­ée depuis 2014.

Sur le fond, la déclaratio­n finale reprend la distinctio­n réfugiés et migrants économique­s martelée par le président français et la chancelièr­e allemande. «Les migrants irrégulier­s qui ne peuvent prétendre à aucune forme de protection internatio­nale doivent être reconduits dans leur pays d’origine, dans la sécurité, l’ordre et la dignité, de préférence sur une base volontaire», souligne le texte.

M. Macron, soulignant la « pédagogie » que permettait cette distinctio­n, a aussi plaidé pour «organiser le retour vers le pays d’origine» des migrants, par «des actions de coopératio­n pays par pays ».

Ce sommet intervient après une multiplica­tion d’initiative­s européenne­s en ordre dispersé pendant l’été — notamment l’idée d’ouvrir des « hotspots» lancée par Emmanuel Macron, qui a inquiété les ONG, et a été vite corrigée par l’Élysée.

La déclaratio­n rend en revanche hommage aux projets italiens, notamment en matière de coopératio­n économique avec les communauté­s locales en Libye pour leur donner des ressources autres que le trafic d’êtres humains.

L’Italie a aussi durci le ton avec un code de conduite pour les ONG, que les chefs d’État et de gouverneme­nt réunis lundi appuient sans réserve, jugeant qu’il permet « d’améliorer la coordinati­on et l’efficacité des sauvetages».

En ce qui concerne la Libye, les Européens saluent «les efforts déployés par le gouverneme­nt d’entente nationale pour contrôler ses eaux territoria­les» et soulignent l’importance « d’équiper et de former de manière adéquate les gardes-côtes libyens », mais «en faisant porter l’accent sur la protection des droits de l’homme ».

 ?? LUDOVIC MARIN AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les présidents du Niger, Mahamadou Issoufou, et du Tchad, Idriss Deby, lors du sommet sur la crise migratoire à Paris, lundi
LUDOVIC MARIN AGENCE FRANCE-PRESSE Les présidents du Niger, Mahamadou Issoufou, et du Tchad, Idriss Deby, lors du sommet sur la crise migratoire à Paris, lundi

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