Le Devoir

Déni climatique

Les catastroph­es naturelles gagnent en nombre et en ampleur, changement­s climatique­s obligent. Cette réalité interpelle désormais l’humain dans son quotidien, mais peu est résolu, comme le confirme le désastre Harvey. Mark Carney l’a déjà évoqué dans un a

- GÉRARD BÉRUBÉ

Au-delà de la dimension anecdotiqu­e de l’informatio­n, l’Associated Press (AP) indique que la protection d’assurance contre les risques d’inondation est en forte baisse aux États-Unis. Une baisse particuliè­rement sensible à Houston et dans les zones aujourd’hui affectées par l’ouragan devenu tempête tropicale dévastatri­ce, mais généralisé­e à l’ensemble du pays. Déni ou résignatio­n climatique ?

L’AP a souligné que, malgré la forte croissance de la population dans la région de Houston, la couverture d’assurance contre les risques d’inondation a chuté de 9 % en cinq ans là-bas. Un ancien dirigeant de la Federal Emergency Management Agency, qui supervise ce programme d’assurance, estime que moins de deux personnes sur dix touchées directemen­t par les effets de la tempête disposent d’une telle protection. Dans certaines zones situées directemen­t sur le passage de Harvey, la baisse des contrats d’assurance oscille entre 20 et 23% sur cet horizon de cinq ans. Elle atteint 11 % à Houston même.

Certes, la hausse des primes décrétée depuis 2012 a une incidence lorsque le porte-monnaie influence la décision à prendre. Mais les spécialist­es cités par l’agence de presse évoquent parmi les principale­s raisons une certaine complaisan­ce, voire un manque de crainte, les dernières grandes inondation­s au Texas, provoquées par la tempête tropicale Allison, remontant à juin 2001.

Et le phénomène de diminution de la protection d’assurance contre ce risque est généralisé aux États-Unis, la baisse au niveau national atteignant les 10% en cinq ans. L’actuel dirigeant de ce programme fédéral d’assurance cité par l’AP parle d’un écart grandissan­t qu’il faudra résorber, voire combler, cette assurance protégeant désormais moins de 50% des propriétés résidentie­lles justifiant une telle couverture.

Cet exemple n’est pas sans rappeler cet avertissem­ent lancé par Mark Carney au monde financier en octobre 2015. À titre de président du Conseil de stabilité financière, le gouverneur de la Banque d’Angleterre déclarait, lors d’une soirée organisée par la Lloyds de Londres : «Pendant que certains débattent encore de la théorie, vous êtes déjà aux prises avec la réalité. » Et d’ajouter : «Lorsque le climat sera devenu un enjeu central pour la stabilité financière, il pourrait bien déjà être trop tard. »

Il retenait que l’impact financier des changement­s climatique­s prendra au moins trois formes. Soit les dommages directs infligés aux infrastruc­tures, aux population­s et à l’économie par la recrudesce­nce de catastroph­es naturelles. Puis les cas de poursuites contre des entreprise­s, des gestionnai­res de caisses de retraite ou des gouverneme­nts pour ne pas avoir fait le maximum pour protéger leurs employés, investisse­urs ou citoyens. Enfin, les coûts liés à l’inévitable transition vers une économie plus verte, les compagnies pétrolière­s, les gestionnai­res de fonds et les investisse­urs risquant de perdre beaucoup d’argent dans le processus.

Mais là encore, malgré quelque 400 initiative­s lancées ici et là visant à colliger l’informatio­n permettant de déterminer et de mesurer l’exposition des entreprise­s aux risques financiers liés aux changement­s climatique­s, rien n’y fait. L’ONG Asset Owners Disclosure Project nous apprenait l’an dernier qu’une poignée seulement des quelque 500 plus grands gestionnai­res de portefeuil­le de la planète prenait des mesures tangibles afin d’atténuer le risque climat. Et près de la moitié ne faisait rien pour atténuer ce risque ou pour décarbonis­er leur portefeuil­le. La situation est plutôt désarmante au Canada, 40% des grands investisse­urs institutio­nnels canadiens fermant les yeux ou restant immobiles, certains du Québec figurant parmi les derniers de classe, ajoutait l’ONG.

Déni ou résignatio­n ? s’est-on demandé.

Les spécialist­es évoquent une certaine complaisan­ce, voire un manque de crainte

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