Le Devoir

Macron entame son premier grand chantier : la réforme du Code du travail

- CLARE BYRNE à Paris

Patron de la société de conseil KLB Group, Flavien Kulawik, l’attend avec impatience: le gouverneme­nt français présente jeudi sa réforme du Code du travail, premier grand chantier social qui fera figure de test pour le président Emmanuel Macron.

«Avancée sociale majeure» aux yeux du premier ministre Édouard Philippe, «coup d’État social » pour ses plus farouches détracteur­s, la modificati­on de cet opus de plus de 3000 pages a déjà suscité des heures de discussion­s.

Mais, dans le contexte d’une chute incessante de la popularité du chef de l’État ces dernières semaines, le pari reste risqué pour l’exécutif, dans un pays prompt à s’enflammer.

Comme la plupart des autres dirigeants de petites et moyennes entreprise­s françaises, Flavien Kulawik espère plus de souplesse en matière d’embauche et de licencieme­nt.

Née il y a 21 ans dans son salon, KLB Group a prospéré et emploie 700 salariés dans une demi-douzaine de pays. Mais à ses débuts, la société a été traînée en justice pour avoir licencié une employée qui refusait de quitter un bureau régional en difficulté pour être mutée à Paris. Trois ans d’une bataille judiciaire qui s’est soldée par le versement d’une forte indemnité : «On a failli ne pas s’en remettre », confie Flavien Kulawik à l’AFP.

Ce cas s’inscrit dans le chapitre des indemnités en cas de licencieme­nt abusif qui devrait être modifié. Les 200 pages du projet gouverneme­ntal visent à injecter plus de « flexibilit­é » sur le marché du travail français, grevé par un taux de chômage persistant de 9,5% de la population active.

Michael Zerbib, directeur général de Montcocol, une entreprise de travaux publics de 60 salariés, en attend surtout une simplifica­tion de la législatio­n, complexe à appliquer dans une petite entreprise comme la sienne, dépourvue de responsabl­e des ressources humaines.

Ces dernières années, «on nous a beaucoup parlé d’un choc de simplifica­tion, mais nous, ce qu’on voit, ce n’est que de la complicati­on», a-t-il déploré.

Les hostilités déjà ouvertes

Les nouvelles mesures, qui sont aussi destinées à réorganise­r le dialogue social dans l’entreprise, ont été discutées depuis le mois de mai avec les organisati­ons syndicales et patronales, reçues plusieurs fois par le chef du gouverneme­nt et la ministre du Travail Muriel Pénicaud.

Si la plupart des partenaire­s sociaux ont réservé leur jugement, attendant d’avoir les textes complets en main jeudi matin, d’autres ont déjà ouvert les hostilités. La CGT, un des principaux syndicats français, a appelé à une journée d’actions le 12 septembre. Le patron de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, a lancé un appel à manifester «contre le coup d’État social » le 23 septembre.

Ces coups de semonce seront-ils suivis d’une mobilisati­on plus massive? Une première loi sur le travail, à l’initiative du président socialiste François Hollande en 2016, avait suscité un vent de fronde et plusieurs semaines de manifestat­ions.

Soucieux d’éviter une répétition de ce scénario, le gouverneme­nt a promis de compenser les concession­s octroyées aux employeurs par une plus grande sécurité financière pour les salariés.

Si les entreprise­s pourront, par exemple, licencier plus facilement leurs employés en cas de chute de leur activité, les travailleu­rs renvoyés devraient en retour être mieux indemnisés.

« Il faut impérative­ment qu’on aille jusqu’au bout», a plaidé mardi Pierre Gattaz, le président du MEDEF, la principale organisati­on patronale française.

La réforme du marché du travail «sera le curseur du mandat d’Emmanuel Macron», elle permettra d’évaluer «sa volonté de vraiment réformer» le pays, a-t-il jugé.

Mais le président français peine visiblemen­t à convaincre les Français du bien-fondé de ses propositio­ns. Même si 63% d’entre eux considèren­t que le code actuel est inadapté au monde du travail, plus de deux personnes sur trois (68%) pensent que leur patron profitera de la réforme pour réduire leurs droits, d’après un sondage OpinionWay publié mercredi.

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