Le Devoir

Ancienne cité gauloise, Bibracte n’en finit pas de livrer ses secrets

- OLIVIER DEVOS à Saint-Léger-sous-Beuvray

Deux mille ans après son âge d’or, Bibracte, ancienne capitale gauloise située en Bourgogne, au coeur de la France, semble avoir disparu sous la forêt. Toute? Non! Car les archéologu­es explorent encore une cité qui n’en finit pas de livrer ses secrets, 150 ans après le début des fouilles.

De cette place forte au sommet du mont Beuvray, qui a pu compter jusqu’à 10 000 habitants, le peuple des Eduens dominait un immense territoire s’étirant de la Loire à la Saône. «Bibracte n’est pas un village gaulois, mais une véritable ville», à une échelle bien supérieure à celle du «village d’Astérix », insiste Vincent Guichard, le directeur des lieux.

On y entre aujourd’hui par une porte ouverte dans les fortificat­ions, reconstrui­te à partir du modèle d’origine. Puis une route à flanc de colline serpente vers le sommet. L’herbe d’un immense vallon a recouvert, en contrebas, ce qui était un quartier de la ville et ses centaines de maisons.

Au milieu d’une clairière, la montagne a été creusée, découvrant une terrasse consolidée par un murus gallicus, constructi­on gauloise que l’on croyait jusqu’ici réservée aux fortificat­ions: un mur de terre et de pierres renforcé par une armature de poutres de bois.

Hypothèses et mystère

L’endroit était-il «un lieu de réunion», «des sortes de grands greniers où l’on stockait les céréales » ou bien un «lieu de foire ou de commerce » ?

Les hypothèses ne manquent pas, mais le mystère reste entier, reconnaît Philippe Barral, professeur d’archéologi­e à l’Université de FrancheCom­té, qui cherche à Bibracte des traces «de réalisatio­ns un peu emblématiq­ues de ce qu’est une ville à cette période». Cette terrasse, «c’est la découverte importante de ces dernières années », résume-t-il.

Des maisons de style gaulois, des ateliers d’artisans, mais aussi des villas et des édifices romains: couche après couche, les archéologu­es décryptent l’histoire d’une ville fortifiée — un oppidum en latin — fondée à la fin du IIe siècle avant notre ère.

Jules César, impression­né par les remparts gaulois, y a même séjourné pour y écrire ses fameux Commentair­es sur la guerre des Gaules.

Les Éduens, alliés de Rome, abandonner­ont finalement la ville pour construire une nouvelle capitale dans la vallée, sur la voie romaine: Augustodun­um, devenue aujourd’hui Autun, en Saône-et-Loire. « Une ville totalement gréco-romaine », explique le directeur Vincent Guichard.

L’ancienne place forte est tombée dans l’oubli durant des siècles, jusqu’à ce qu’un notable de la région, Jacques-Gabriel Bulliot, commence en 1867 la première campagne de fouilles systématiq­ues de Bibracte avec le soutien financier de Napoléon III.

De nouvelles découverte­s

Interrompu­es par la Première Guerre mondiale, elles reprennent en 1984. À l’époque, «on imaginait faire un chantier de longue durée… qui allait peut-être durer jusqu’à 1990 », s’amuse Vincent Guichard.

Sauf que les archéologu­es n’ont cessé de découvrir de nouvelles parties de la ville, qui s’étendait sur 200 hectares — sans compter les faubourgs — dont seule une quinzaine a été explorée par les chercheurs.

Mais les techniques « évoluent à une vitesse phénoménal­e en ce moment et sont extrêmemen­t productive­s, ce qui nous permet de faire de l’archéologi­e à grande échelle», précise le directeur : les prospectio­ns géophysiqu­es, sortes de «radios» du sol, permettent de repérer ce qui se trouve enterré et de savoir où fouiller.

Explorer l’ensemble du site avec ces nouvelles techniques prendra 50 ans, estime l’archéologu­e tchèque Petra Golanova, de l’Université de Brno, qui vient chaque année passer une parcelle au peigne fin avec ses étudiants. Quant aux fouilles, « ça ne sera jamais [fini], c’est une superficie énorme!» lance-t-elle.

Bibracte, ouvert au public, n’est pas prêt d’être déserté par la cohorte d’archéologu­es et les légions de touristes qui viennent chaque année de toute l’Europe.

 ?? PHILIPPE DESMAZES AGENCE FRANCE-PRESSE ?? L’archéologu­e Philippe Barral montre un vestige de la ville fortifiée de Bibracte, ancienne capitale gauloise située en Bourgogne.
PHILIPPE DESMAZES AGENCE FRANCE-PRESSE L’archéologu­e Philippe Barral montre un vestige de la ville fortifiée de Bibracte, ancienne capitale gauloise située en Bourgogne.

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