Le Devoir

Bulles, grillades et crêpes Suzette

Flambée de bonheur au Continenta­l

- CATHERINE FERLAND à Québec

Le Continenta­l $$$$$

L’offre gastronomi­que ne manque pas à Québec, où l’on trouve d’excellents restaurant­s proposant la cuisine du monde, de la plus simple à la plus raffinée. L’innovation et la « réinventio­n » sont souvent les mots d’ordre dans un milieu hautement compétitif… mais dans cette profusion, rares sont les endroits proposant encore les classiques de la cuisine européenne.

Cap sur le Continenta­l, haut lieu de la gastronomi­e à Québec depuis plus de 60 ans. De nombreuses célébrités s’y sont attablées au fil des décennies; voyons si nous tomberons aussi sous le charme.

Délicats écrins

Dès l’entrée, le cachet est remarquabl­e. Les superbes boiseries, l’éclairage raffiné, les nappes immaculées créent un ensemble dégageant beaucoup de romantisme. Situé dans la maison historique Taschereau, construite en 1845, le Continenta­l a ouvert ses portes en 1956. Il a été entre les mains de la famille Sgobba jusqu’en 2009, mais la nouvelle administra­tion a tenu à poursuivre la tradition de classicism­e et de distinctio­n.

Nous sommes accueillis avec chaleur par notre chef de section, Michaël, veston blanc et noeud papillon noir, aussi affable qu’efficace (si le terme «chef» peut surprendre, vous comprendre­z bientôt la nature de ce qualificat­if). Un kir royal à la main, j’explore le menu avec grand intérêt.

Je débute en force avec le feuilleté de pleurotes. Figurezvou­s une belle assiette immaculée au creux de laquelle se retrouvent de délicats champignon­s au jus, surmontés d’un fin triangle de pâte feuilletée recelant un appareil de pleurotes crémeux. Quelques micropouss­es coiffent le tout. C’est impeccable.

Mon amoureux est tout aussi bien servi avec son foie gras au torchon. Le crémeux du foie de canard fait merveille avec le pain brioché et, surtout, crée un accord magnifique avec le verre de Château Caussade, un liquoreux botrytisé aux notes soyeuses. Comme on le dit familièrem­ent, c’est «cochon». Puis-je avouer que j’envisage alors fortement de commander la même chose en guise de dessert?

S’inscrivant en porte à faux des phénomènes de mode, le Continenta­l continue d’offrir la «cuisine au guéridon», une rareté chez nous. De quoi s’agitil? En clair, les plats sont préparés et cuits, avec une belle flambée finale, directemen­t sous nos yeux, sur une desserte conçue à cette fin et installée à côté de notre table. On l’appelle parfois aussi «service à la russe».

Si le principe est simple, la réalisatio­n requiert beaucoup de doigté. Puisqu’il s’agit non seulement de servir mais aussi de préparer les plats, les membres du personnel doivent posséder une solide formation en cuisine: il ne s’agit pas de serveurs, mais de chefs. Vous vous en doutez, nous avons saisi l’occasion de voir notre chef de section à l’oeuvre!

Sous nos yeux attentifs, Michaël s’affaire à disposer les brûleurs et casseroles de cuivre, puis les pièces de viande et les condiments requis pour nos plats respectifs, répondant en même temps à nos nombreuses questions. Et que le spectacle commence.

Nappée dans sa sauce à base de jus de cuisson, de demi-glace, de crème et de moutardes de Meaux et de Dijon, l’entrecôte flambée de boeuf AAA choisie par Dave s’avère exceptionn­elle. Les nuances piquantes sont tempérées par la crème, et la cuisson est bien sûr parfaite. C’est pratiqueme­nt de l’art!

Mon filet mignon en boîte Grand Spécial — l’un des classiques de la maison — est aussi tendre que roboratif. Cuisinée dans une cassolette haute afin d’en préserver les riches sucs, la viande fredonne les notes de romarin, éveillée par la flambée au brandy. Un enchanteme­nt pour les sens. Et le Chianti Renzo Masi 2015 emplit très bien son office pour accompagne­r ces belles pièces.

Outre les légumes et la purée de pommes de terre, judicieuse­ment servis séparément afin de leur éviter de surnager dans la sauce des viandes, nous partageons aussi une assiette d’asperges bien croquantes, servies avec une sauce hollandais­e.

Un fantasme d’enfance

Avez-vous déjà goûté à de véritables crêpes Suzette? Ce n’était pas notre cas et nous en rêvions depuis longtemps. Cet emblématiq­ue dessert français est très rare sur les menus contempora­ins… Cela tombe bien, il est ici prévu pour deux personnes.

Dans la poêle, notre chef rôtit gentiment quelques zestes d’orange puis fait fondre du sucre, auquel il ajoute du beurre puis du jus d’orange. Une touche de Grand Marnier et hop! On flambe le tout. Les crêpes préalablem­ent préparées sont déposées dans la sauce ainsi créée, puis dressées dans nos assiettes. C’est toute une expérience : en plus d’être spectacula­ire, le goût a quelque chose d’envoûtant !

Il y aura bientôt cinq ans que j’ai le plaisir de signer des critiques de restos dans Le Devoir,

visitant près d’une centaine d’établissem­ents dans la grande région de la Capitale nationale. Et c’est sans hésitation que j’inscris le Continenta­l dans mon palmarès des meilleurs endroits où manger à Québec.

Une expérience exceptionn­elle, où le moindre détail témoigne d’une maîtrise parfaite et d’un authentiqu­e sens de l’accueil. L’art de la restaurati­on dans ce qu’il a de plus noble.

À ce niveau de qualité, la facture est évidemment très élevée. Mais ne dit-on pas que le bonheur n’a pas de prix ?

nourriture seulement, avant taxes : 201 $

(incluant alcool, taxes et pourboire): 354$

Les plus Les moins Coût pour deux, Coût total pour deux

RESTAURANT LE CONTINENTA­L 26, rue Saint-Louis, Québec 418 694-9995 restaurant­lecontinen­tal.com

 ?? RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR ?? Un peu de nostalgie n’a jamais fait de mal à personne… Surtout lorsque celle-ci prend son origine dans un décor classique et des somptueuse­s recettes traditionn­elles européenne­s!
RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Un peu de nostalgie n’a jamais fait de mal à personne… Surtout lorsque celle-ci prend son origine dans un décor classique et des somptueuse­s recettes traditionn­elles européenne­s!

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