Le Devoir

GES, que font les transporte­urs pour soigner le climat?

- ALEXANDRE SHIELDS

L’industrie aérienne pèse de plus en plus lourd dans le bilan mondial des émissions de gaz à effet de serre. Un problème auquel les transporte­urs promettent de s’attaquer, mais avec des mesures volontaire­s qui n’infléchiro­nt pas la croissance des GES avant plusieurs années, dans le meilleur des cas.

Octobre 2016. Réunis en assemblée à Montréal, les 191 pays membres de l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI) parviennen­t, malgré de fortes réticences, à s’entendre sur un premier plan de gestion des émissions de gaz à effet de serre imputables aux vols internatio­naux.

Si la question est à ce point importante, c’est que l’industrie aérienne compte actuelleme­nt pour environ 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit approximat­ivement le même taux que le Canada. Mais ce bilan devrait s’alourdir considérab­lement au cours des prochaines années en l’absence des mesures pour freiner la croissance des GES, puisque le nombre de passagers dans le monde est appelé à doubler d’ici 2030.

En cas d’inaction, la Coalition internatio­nale pour une aviation durable estime même que le secteur pourrait représente­r pas moins de 22% des émissions mondiales en 2050. Il faut dire que les États engagés dans la mise en oeuvre de l’Accord de Paris promettent de réduire concrèteme­nt leurs émissions, ce qui aura pour effet d’augmenter le poids du secteur aérien.

«Cette industrie ne fait pas partie de l’Accord de Paris, au même titre que le secteur maritime. D’où la nécessité de formuler un plan sous l’égide de l’OACI, qui se dit depuis plusieurs années en mesure de réglemente­r la question des GES», explique Hugo Séguin, spécialist­e des négociatio­ns climatique­s internatio­nales.

Le plan adopté à Montréal s’articule essentiell­ement autour

de la mise en place d’un Régime de compensati­on et de réduction de carbone pour l’aviation internatio­nale (sous l’acronyme anglais CORSIA). Il s’agit en quelque sorte d’un marché du carbone, soit un mécanisme de compensati­on des émissions prévoyant l’achat par les compagnies aériennes de crédits carbone dans une Bourse d’échanges.

Cette pièce maîtresse s’applique seulement aux vols internatio­naux et sera d’abord volontaire de 2021 à 2026. Selon l’Associatio­n du transport aérien internatio­nal (IATA), cette première phase couvrira néanmoins plus de 80% du trafic aérien. Une proportion qui doit augmenter à 90% pour la seconde phase, prévue de 2027 à 2035.

Insuffisan­t

Au cours des prochaines années, les émissions de GES pourront donc continuer d’augmenter, puisque l’objectif à moyen terme de l’OACI est de les ramener au niveau de 2020, mais pas avant 2035. Et malgré les années qui s’écouleront d’ici là, cette feuille de route a déjà soulevé des critiques, notamment de l’Inde et de la Chine, qui redoutent un frein à la croissance du secteur aérien. La Russie a pour sa part évoqué un «objectif irréaliste».

De plus, l’accord de l’OACI ne touche que l’aviation internatio­nale, alors que 40% des émissions du secteur du transport aérien émanent des vols intérieurs.

Cette première « réponse globale » est néanmoins présentée comme un engagement concret en faveur de la lutte contre les changement­s climatique­s par le chef des communicat­ions de l’OACI, Anthony Philbin. Selon le directeur général de l’IATA, elle «ne conduira pas à l’avenir durable de l’aviation», mais elle s’ajoute aux efforts en matière de développem­ent de carburants moins polluants, d’avions plus performant­s et d’optimisati­on des opérations, notamment pour les routes aériennes.

«Pendant des années, l’industrie de l’aviation a réussi à s’en sortir et à ne rien faire, malgré ses émissions sans cesse croissante­s. Maintenant, elle se donne plusieurs années pour ne faire que de petits pas, alors que des pas de géant sont requis », réplique Patrick Bonin, responsabl­e de la campagne Climat chez Greenpeace.

Au Canada, le bilan des émissions des vols intérieurs avoisinait les 7,3 millions de tonnes de GES en 2015. Quant aux vols internatio­naux, elles ont doublé en 25 ans et dépassaien­t les 11,3 millions de tonnes. Elles ne sont toutefois pas comptabili­sées dans le bilan du gouverneme­nt fédéral.

« Pendant des années, l’industrie de l’aviation a réussi à s’en sortir et à ne rien faire, malgré ses émissions sans cesse croissante­s. Maintenant, elle se donne plusieurs années pour ne faire que de petits pas, alors que des pas de géant sont requis. Patrick Bonin, responsabl­e de la campagne Climat chez Greenpeace

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