Le Devoir

Pour un réseau collégial cohérent

- NICOLE LEFEBVRE Vice-présidente et responsabl­e du regroupeme­nt cégep Fédération nationale des enseignant­es et enseignant­s du Québec – CSN

Le 50e anniversai­re de la création des cégeps suscite un large intérêt dans les médias. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Toutefois, certains de ces articles soulignent l’importance d’accélérer les processus de révision des formations initiales collégiale­s pour accroître leur capacité de s’adapter rapidement à l’évolution de la société et des technologi­es. À la Fédération nationale des enseignant­es et des enseignant­s du Québec (FNEEQ-CSN), nous sommes conscients que les avancées du numérique pourraient générer des transforma­tions du marché de l’emploi et qu’il faut s’y préparer. Si nous partageons le constat selon lequel les processus actuels de révision des programmes sont trop longs pour faciliter cette adaptation, il est important d’intervenir sur la question pour recentrer le débat autour de la cohérence des formations collégiale­s et du réseau des cégeps.

D’abord, il est primordial que le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur joue pleinement son rôle de coordonner les diplômes nationaux pour en assurer la valeur équivalent­e dans toutes les régions et les établissem­ents collégiaux, et pour rendre les travailleu­rs moins vulnérable­s d’une entreprise à l’autre et d’une région à l’autre. Les travailleu­rs diplômés des cégeps seront pour une grande partie appelés à changer de fonction ou d’emploi en cours de carrière dans un monde en transforma­tion. Le taux de survie des petites et moyennes entreprise­s, qui représente­nt la vaste majorité des établissem­ents commerciau­x, est d’à peine 50 %, ce qui indique clairement l’importance de former des travailleu­rs qui disposent de compétence­s larges leur permettant de s’adapter aux changement­s du marché du travail, plutôt qu’en fonction de compétence­s étroites et difficilem­ent transférab­les liées à des contrainte­s immédiates et ponctuelle­s des entreprise­s.

Des acteurs incontourn­ables

Certains proposent, pour raccourcir les délais de révision des programmes, de décentrali­ser et de donner plus d’autonomie aux collèges. Nous croyons que c’est une fausse solution. Il faut rappeler que les collèges disposent déjà de flexibilit­é en matière de formation continue. Nous constatons que cette latitude a donné des résultats peu probants: en effet, à l’heure actuelle, le même titre d’attestatio­n d’études collégiale­s (AEC) est décerné à des programmes dont le nombre d’heures varie de 135 à plus de 2000 heures d’un établissem­ent à l’autre. Loin de favoriser l’harmonie entre la formation et le marché du travail, la flexibilit­é a pour effet de rendre difficile l’identifica­tion des fonctions de travail auxquelles correspond­ent ces formations, et les employeurs ne sont plus en mesure d’évaluer la valeur de la formation.

Les diplômes collégiaux doivent bien sûr répondre aux besoins de main-d’oeuvre des entreprise­s, mais ils doivent être pertinents au-delà des transforma­tions du marché de l’emploi. Autrement dit, la formation doit être suffisamme­nt large pour permettre aux finissants de s’adapter aux changement­s, plutôt que d’être confinés à des fonctions de travail restreinte­s résultant d’une formation calquée sur des changement­s immédiats sans projection à plus long terme.

C’est dans cette perspectiv­e, celle d’assurer la préservati­on d’un réseau collégial offrant des formations et un diplôme national qualifiant­s, qu’il est nécessaire de trouver des solutions structuran­tes pour l’ensemble du réseau aux problèmes que posent les délais des processus actuels de révision des programmes. Les enseignant­s des cégeps, forts de leur expertise et d’une connaissan­ce de terrain des milieux de travail, sont des acteurs incontourn­ables de cette réflexion.

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