Le Devoir

Essai étranger

Plusieurs essais poursuiven­t la réflexion sur le monde autour de nous

- FABIEN DEGLISE

Àl’ère de l’affirmatio­n ostentatoi­re du «je», il est illusoire de se croire seul au monde, et encore plus dans une époque mouvante où les décisions individuel­les, tout comme les inactions de chacun, ont des conséquenc­es ressenties par tous. Les environnem­ents sont en mutations, les contours se déplacent et vont être sondés cet automne par plusieurs essayistes pour saisir et comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure.

Un monde dans lequel la températur­e se réchauffe, ou pas ? La question oppose populistes et humanistes, environnem­entalistes et climatosce­ptiques depuis des lunes. Elle se prépare aussi à être décryptée avec la rigueur d’un scientifiq­ue par Gilles Brien dans Ce qu’on ne vous dit pas sur les changement­s climatique­s (Les Éditions de l’Homme), en octobre. Entre le vrai et le faux, l’ex-président de l’Associatio­n des météorolog­istes du Québec et expert en biométéoro­logie va surtout y exposer le juste, les faits et mettre à mal les mythes et les fausses croyances qui donnent du carburant autant aux oiseaux de malheur qu’à ceux et celles qui préfèrent se fermer les yeux sur les mécanismes à l’oeuvre dans l’évolution du climat, pour rester dans le confort et l’indifféren­ce.

Et pourtant… C’est bien la relation trouble entretenue par l’humain avec la nature qui est à la source d’un dérèglemen­t climatique que les variations anormales du mercure dans les thermomètr­es et la violence historique de plusieurs ouragans viennent régulièrem­ent confirmer. Dimitri Roussopoul­os, militant écologiste de longue date, aborde la chose dans L’écologie politique (Écosociété), réédition revue et augmentée d’un ouvrage datant de 1993, qui propose d’aller au-delà de l’environnem­entalisme en appelant à une refonte en profondeur de nos systèmes politiques et sociaux pour accompagne­r autrement le temps qui change. Un appel lancé

aussi par Serge Mongeau, figure de proue de la gauche pensante dans L’écosophie ou la sagesse de la nature (Écosociété), oeuvre qui cherche à rappeler que la nature ne nous est sans doute pas si extérieure que l’on aime se le faire croire.

Les auteures de Faire partie du monde (Remue-ménage) — Catherine Beau-Ferron, Ellen Gabriel, Anna Kruzynski, Maude

Prud’homme, entre autres — vont aussi le rappeler dans cet ouvrage collectif et réflexif sur l’écoféminis­me, présenté comme la clé pour comprendre les mutations du monde et favoriser sa préservati­on, selon elles. À l’intérieur, l’environnem­ent va être opposé pas seulement à des gaz à effet de serre, mais aussi à la démocratie locale, à la décolonisa­tion, à la résistance aux grands projets d’exploitati­on des ressources, aux droits des animaux ainsi qu’à cette financiari­sation du vivant qui se nourrit d’un système s’approchant du point de rupture, si l’on n’y prend pas garde. Les yeux grands ouverts

Il faut prendre conscience du monde autour de nous, vont insister encore une fois plusieurs auteurs. Le monde passé qui a fait le Québec d’aujourd’hui, pour l’historien Gaston Deschênes dans Les gens de Montréal à l’époque de la confédérat­ion (Septentrio­n), un assemblage de gravures publiées dans l’hebdomadai­re l’Opinion publique et témoignant de la vie en 1870, tout comme pour Éric Bédard dans Survivance (Boréal), incursion dans l’«Histoire et la mémoire du XIXe siècle canadien-français ». Le monde des tensions passées, entre paysans et coureurs des bois, entre bâtisseurs et rêveurs, entre résistants et survivants et qui forgent toujours le destin du Québec et qui éclaire surtout les limites de son présent, estime

Mathieu Bélisle dans Bienvenue au pays de la vie ordinaire (Leméac). Le monde de la violence aussi qui nourrit Une culture d’agression (M éditeur), que le sociologue Richard Poulin propose de décoder en nourrissan­t les grands débats du moment sur les agressions sexuelles, sur les tueries de masse, sur la négation de l’autre… Le monde de la foi et de la croyance, exploré par Marcel Sylvestre dans L’immortelle illusion (Presses de l’Université Laval). Et les mondes que l’on occulte aussi…

Dans Le nord invisible (Éditions de l’Homme), c’est le monde des Premières Nations que la journalist­e indépendan­te

Alexandra Shimo va mettre en lumière, au terme d’une enquête troublante au coeur d’une réserve amérindien­ne du nord de l’Ontario, alors que Serge

Bouchard — avec la complicité de Marie-Christine Lévesque — va, lui, rendre un hommage vibrant à ses «amis Innus», et surtout à leur langue, dans Le peuple rieur (Lux éditeur). Antoine Ouellet, dans Pulsions (Varia), va dresser le portait du beat, celui des musiques que l’on entend partout et qui en disent long autant sur nous que sur les fondements de la musique, dont il écrit ici le troisième volet de sa série sur le sujet. Autre étrange objet, celui d’Olivier Ducharme qui, dans Films de combat (Varia), sonde les frontières du monde actuel en passant par les films des frères Dardenne, Luc et Jean-Pierre de leurs prénoms, Belges de leur état et surtout réalisateu­rs subversifs de L’enfant, du Gamin au vélo ou de La promesse.

Une promesse, enfin, il y en a une dans Les révolution­s inachevées (Leméac) du journalist­e Michel Cormier, celle de comprendre les transforma­tions du monde en remontant le fil de l’actualité. Il y constate que les fondements de nos démocratie­s sont mis à mal par la montée de la droite identitair­e, par le terrorisme ou le populisme qui s’affirment avec force dans un environnem­ent social, politique et culturel où les lignes de l’histoire contempora­ine sont ébranlées par la marche du monde, et avec elle, rappellent en choeur les essayistes cet automne, un grand nombre de nos certitudes.

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