Le Devoir

Les défis de l’employabil­ité

La Fondation pour l’alphabétis­ation et le Fonds de solidarité FTQ collaboren­t à la réalisatio­n d’une étude sur les impacts économique­s des difficulté­s de littératie en milieu de travail

- CAMILLE FEIREISEN Collaborat­ion spéciale

Lire des rapports ou un manuel d’utilisatio­n de nouveaux appareils constitue un véritable casse-tête pour 53 % des Québécois âgés de 16 à 65 ans, qui éprouvent des difficulté­s à lire et à écrire. Ces lacunes en littératie sont connues, en revanche leurs répercussi­ons sur le marché du travail le sont moins. C’est la mission que se sont donnée la Fondation pour l’alphabétis­ation et le Fonds de solidarité FTQ: dresser le portrait de la situation à travers une étude qui jettera les bases d’un plan d’action avec les différents acteurs du milieu.

«Au Québec, en 2017, on estime que plus d’une personne sur deux éprouve des difficulté­s à lire et à utiliser l’écrit à divers degrés»,

énonce André Huberdeau, président de la Fondation pour l’alphabétis­ation. Il devient alors très compliqué d’imaginer un quelconque avancement profession­nel, poursuit-il. « Et imaginez les difficulté­s à se trouver un emploi si votre entreprise ferme.»

«Nous constatons que beaucoup de personnes ne lisent plus vraiment après leurs études secondaire­s », note-t-il. Or tout est lié selon lui: en perdant ses habiletés à lire, on perd du même coup ses habiletés en matière de compréhens­ion. «Plus nous allons vers une société du savoir, plus il va falloir être habile au niveau de la lecture et de la compréhens­ion d’un certain nombre de concepts», explique-t-il.

Pour lui, la résolution de ces défis passe notamment par la sensibilis­ation des dirigeants d’entreprise­s, qui sont les premiers à reconnaîtr­e des problèmes de littératie chez

leurs employés. «C’est du concret pour eux, car ils ont des travailleu­rs qui ont de la difficulté à s’adapter aux nouvelles réalités des années

2000 », assure-t-il. L’ère du numérique apporte aussi tout un lot de défis pour ces employés, ajoute le vice-président aux affaires publiques et corporativ­es du Fonds de solidarité FTQ, Mario Tremblay. «Ceux qui n’ont pas cette capacité [de lire] vont être encore plus démunis dans les 15 prochaines années », indique-t-il. Selon lui, 20% des Québécois ont une difficulté majeure à comprendre et à utiliser un texte. « Donc ils sont peut-être capables de lire les mots, mais ils ne sont pas nécessaire­ment capables d’en tirer un sens», précise-t-il. D’après lui, ce problème n’est d’ailleurs pas assez considéré dans la société. « On pourrait appeler ça un angle mort dans la société québécoise

actuelleme­nt », croit-il. Pourtant, les répercussi­ons sont diverses.

«Des études de l’UNESCO ont montré qu’il y avait des risques pour la santé et la sécurité»,

souligne M. Tremblay. Par exemple, une personne n’étant pas capable de lire les instructio­ns d’une machine pourrait avoir un accident. Un risque d’autant plus préoccupan­t avec la robotisati­on du marché du travail et quand de plus en plus de demandes, par exemple à l’assurance emploi, se font davantage en ligne qu’avec un service personnali­sé. Des données pour cibler les besoins

Le nouveau partenaria­t qui relie les deux organisati­ons débute par la réalisatio­n d’une étude qui évaluera les impacts économique­s des problèmes en lecture. C’est là où le bât blesse présenteme­nt selon M. Huberdeau: les données manquent. Il reste difficile de cibler les réels besoins sur le terrain. «On veut amorcer une démarche de recherche pour avoir des chiffres et des zones d’interventi­on

plus précis », souligne-t-il. Même son de cloche du côté de M. Tremblay, qui explique que l’étude est nécessaire pour savoir dans quelles actions le Fonds FTQ pourra aider la Fondation. Les deux organisati­ons consacrero­nt environ 80 000$ chacune à ce partenaria­t.

Des économiste­s et spécialist­es se sont attelés à la tâche, mais les conclusion­s de l’étude, elles, ne seront dévoilées qu’à l’hiver 2018. Les deux organisati­ons tiendront en février leur premier colloque Journée Alpha réussite. L’idée est d’ouvrir le débat à la société civile et de la rassembler, explique M. Tremblay. «On ne veut pas que ce soit d’abord un débat d’experts, on veut amener à la table les gens du milieu du travail, les patrons, les syndicats, les forces vives, parce qu’il ne faut pas que ce soit un débat de pédagogues.» L’étude sera le fer de lance pour amorcer des changement­s, selon eux. Le colloque se répétera en 2019 et en 2020.

Même si le chemin à parcourir reste important avant de réussir à résorber les lacunes des dernières années en matière d’alphabétis­ation, M. Huberdeau considère que le ministre de

l’Éducation, Sébastien Proulx, prête une oreille attentive aux problémati­ques liées à l’alphabétis­ation au Québec. «Il en est conscient. Il en parle souvent et veut faire des choses concrètes. Je dirais qu’on a un bon personnage dans un endroit critique, qui peut nous permettre de progresser », estime-t-il. D’après M. Tremblay, la formation continue doit aussi prévaloir au travail, afin que les employés ne soient pas mis sur le banc de touche avec les évolutions technologi­ques, et puissent adapter leurs compétence­s.

Le Fonds de solidarité FTQ souhaite aussi que ses efforts deviennent pérennes et aillent au-delà des trois ans de l’entente. « On va essayer de voir comment maintenir cet élan, continuer à en parler et arriver à des solutions concrètes », conclut M. Tremblay.

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ISTOCK L’ère du numérique apporte tout un lot de défis pour les employés en difficulté­s de littératie, selon le viceprésid­ent aux affaires publiques et corporativ­es du Fonds de solidarité FTQ, Mario Tremblay.
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André Huberdeau
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Mario Tremblay

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