Le Devoir

Le parent comme bouclier contre l’analphabét­isme

«Le parent est le premier et le principal éducateur de son enfant», affirme avec conviction Louisane Côté, directrice générale de la Fédération québécoise des organismes communauta­ires Famille (FQOCF), qui représente 80 % des maisons des familles du Québe

- CATHERINE GIROUARD Collaborat­ion spéciale

«On oublie souvent la famille dans le rôle éducatif de l’enfant, fait remarquer

Louisane Côté. On a voulu développer un réseau de services de garde compétent et profession­nel qui contribue au développem­ent optimal des enfants et un milieu scolaire efficace, mais on a oublié que le parent demeure la figure la plus permanente dans la vie de l’enfant pour l’accompagne­r et le sécuriser à travers toutes les étapes de son développem­ent et de son cheminemen­t scolaire. »

Pour la FQOCF, il allait donc de soi d’être membre du Réseau de lutte à l’analphabét­isme. Les maisons des familles aident les parents de 135 000 familles par année à prendre conscience de l’importance et de l’impact qu’ils ont sur le parcours éducatif de leur enfant.

Si le parent est le premier accompagna­teur de l’enfant vers la littératie, « les maisons des familles accompagne­nt les parents dans l’apprentiss­age de leur rôle parental», résume la directrice de la FQOCF. Diverses activités sont ainsi offertes aux parents, notamment à propos de la stimulatio­n précoce des enfants, du développem­ent du langage, ou encore de l’accompagne­ment de leur enfant dans ses relations avec les autres.

Travaillan­t principale­ment avec des familles d’enfants de 0 à 5 ans, les OCF font dans la prévention de l’analphabét­isme. « La petite enfance est une période déterminan­te dans la réussite et la persévéran­ce scolaire des enfants», affirme Geneviève Lessard, intervenan­te et animatrice au Carrefour familial du Richelieu depuis 10 ans. Toutes les facettes liées au développem­ent de la psychomotr­icité, par exemple, sont reconnues comme un apport important dans le processus d’apprentiss­age. «On développe aussi avec les tout-petits la curiosité pour la lecture par le jeu, on leur fait manipuler des livres, on donne aussi des outils aux parents pour raconter des histoires.» Développer la confiance

«Une partie importante de notre travail est de donner confiance au parent en ses compétence­s de premier éducateur», renchérit Mme Côté. La

directrice générale de la Fédération constate sur le terrain que ce besoin est particuliè­rement grand pour les nouveaux parents. «De nos jours, beaucoup de parents n’ont pas ou peu de soutien immédiat du milieu familial traditionn­el qu’on avait auparavant; or, c’était le lieu de transmissi­on des connaissan­ces principal pour les nouveaux parents. Plusieurs se sentent donc isolés dans leur rôle et leur apprentiss­age

est plus difficile.» La maison des familles de leur quartier devient alors une référence d’autant plus importante.

Bien outillés, les parents sont aussi plus en mesure de détecter des retards de développem­ents ou des problémati­ques de langage potentiell­es chez leurs enfants.

Geneviève Lessard donne l’exemple d’un petit garçon de trois ans qui avait beaucoup de difficulté à communique­r. «Il n’avait presque pas de vocabulair­e et faisait beaucoup de crises, raconte l’animatrice. Il était contrarié de ne pas pouvoir se faire comprendre.» En plus d’un suivi à l’externe, sa mère l’emmenait au Carrefour familial du Richelieu au moins une fois par semaine. «Le garçon avait de plus en plus de petites victoires qu’on renforçait par le jeu et, petit à petit, il a commencé à faire des signes et à parler davantage. »

Aujourd’hui, Geneviève Lessard n’a plus aucune inquiétude pour le cheminemen­t scolaire du petit. «En plus des compétence­s pour communique­r qu’il a acquises, il a développé de bons réflexes et a appris à demander de l’aide, ce qui l’aidera beaucoup à l’école. » Le défi des parents analphabèt­es

Et comment un parent qui peine lui-même à lire et à écrire peut-il prévenir ces mêmes difficulté­s pour son enfant ? «On voit régulièrem­ent des parents dans cette situation, affirme d’abord Louisane Côté. Les maisons des familles sont encore plus importante­s pour eux.» Ne pouvant se tourner vers des sources d’informatio­n comme le guide Mieux vivre ou des sites Internet consacrés au développem­ent de la petite enfance, la transmissi­on d’informatio­ns à l’oral à travers les différents ateliers des OCF devient très importante. «Mais c’est rare qu’un parent nous parle de prime abord de ses problèmes de littératie, souligne

l’animatrice du Carrefour familial du Richelieu. C’est un problème invisible au départ qu’on découvre au fil des semaines. Un parent qui s’absente chaque fois qu’il doit remplir un journal de bord peut être un indice qui aide les intervenan­ts à détecter une difficulté et ainsi les diriger vers d’autres ressources.»

«Souvent, les parents qui ont ces difficulté­s en littératie ont eu un parcours scolaire plutôt difficile ou ont décroché rapidement », renchérit Mme Côté. Il n’est pas rare qu’ils aient des réserves et des craintes à l’approche de la rentrée scolaire de leur enfant. Les OCF les aident alors à rétablir une relation saine et constructi­ve avec l’école pour éviter que leurs angoisses soient transmises à leur enfant.

Selon Mme Côté, l’importance de la famille dans le cheminemen­t scolaire commence à être un peu plus reconnue. «La ministre de l’Éducation a soutenu le financemen­t des maisons de la famille au cours de la dernière année; ce geste

politique démontre une certaine reconnaiss­ance des organismes et des parents qu’ils accompagne­nt comme étant des acteurs de premier plan dans la réussite des enfants», conclut-elle.

«Une partie importante de notre travail est de donner confiance au parent » en ses compétence­s de premier éducateur Louisane Côté, directrice générale de la Fédération québécoise des organismes communauta­ires Famille (FQOCF)

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ISTOCK Les maisons des familles aident les parents de 135 000 familles par année à prendre conscience de l’importance et de l’impact qu’ils ont sur le parcours éducatif de leur enfant.

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