Le Devoir

Un financemen­t qui permet de souffler

- MARIE-HÉLÈNE ALARIE Collaborat­ion spéciale

Les groupes qui travaillen­t en alphabétis­ation sentent actuelleme­nt souffler un vent favorable. Non seulement ils bénéficien­t d’un meilleur financemen­t, mais ils se réjouissen­t également du fait que le gouverneme­nt fasse de l’éducation une priorité, comme en témoigne la nouvelle Politique de réussite éducative. Cela dit, ils espèrent que la future stratégie saura s’attaquer tant aux causes qu’aux conséquenc­es de l’analphabét­isme, et donc à la pauvreté.

On l’entend dans sa voix, Caroline Meunier est enchantée. La responsabl­e au développem­ent des analyses et des stratégies au Regroupeme­nt des groupes populaires en alphabétis­ation du Québec (RGPAQ) salue l’annonce du ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, faite en décembre dernier, concernant un investisse­ment récurrent de près de 20millions pour soutenir les nombreux partenaire­s en matière d’alphabétis­ation. «Depuis 2008, il n’y a pas eu d’investisse­ments importants pour soutenir la mission des groupes… On s’est réjouis ! » lance-t-elle d’emblée, tout en apportant quelques clarificat­ions.

Effectivem­ent, des 20millions annoncés, 9 iront directemen­t au financemen­t du réseau des organismes en alphabétis­ation par l’entremise du

Programme d’action communauta­ire sur le terrain de

l’éducation, le PACTE. « L’an dernier, il y avait 182 organismes de divers horizons financés par ce programme, dont 127 qui intervenai­ent en alphabétis­ation populaire. On attendait depuis longtemps cet investisse­ment. Seulement pour nos 127 organismes, on réclamait 9,2millions», rappelle Caroline Meunier.

«Au cours de la dernière année, une première tranche de 9 millions a été distribuée, note

Mme Meunier. Certains organismes ont même pu bénéficier de près de 50% d’augmentati­on de leur financemen­t ! » Par contre, cette distributi­on sera révisée, déclare la responsabl­e, et, dès septembre, chaque organisme pourra connaître le montant exact qui lui sera dorénavant attribué. «C’est un gain important, un coup de pouce attendu depuis fort long-

temps », renchérit-elle, en ajoutant que « c’est une forme de reconnaiss­ance de notre contributi­on à la réussite éducative».

Aujourd’hui, si le RCPAQ se réjouit que ces 9millions soient récurrents, ses membres souhaitera­ient bien le voir indexé chaque année. «C’est peut-être modeste, mais pour nous c’est important afin que les organismes puissent maintenir leurs services», rappelle Mme Meunier.

Consolidat­ion des équipes

À quoi servira cet investisse­ment? «À consolider les équipes de travail», affirme sans hésiter la responsabl­e. En effet, le travail des organismes en alphabétis­ation repose sur de petites équipes. S’ils peuvent compter sur la contributi­on des bénévoles et des membres de conseils d’administra­tion, souvent les organismes sont tenus à bout de bras par deux ou trois personnes dont l’emploi est parfois précaire.

Dorénavant, il leur sera plus facile d’effectuer les tâches quotidienn­es, la formation, le travail dans le milieu, le recrutemen­t, la recherche de partenaria­t. « Même si on n’ajoute qu’un membre à une équipe, l’impact est direct sur la capacité du groupe à faire son travail. Ça se traduit par plus d’heures de formation pour les adultes, plus de travail dans le milieu pour sensibilis­er et recruter, explique Mme Meunier. Aller rejoindre les personnes peu alphabétis­ées, c’est comme l’argent: c’est le nerf de la guerre… Si les gens ne viennent pas, on ne peut pas contribuer.» Si les répercussi­ons de cet argent frais sur le terrain se font déjà sentir, tout deviendra beaucoup plus concret au cours des 12 prochains mois, selon la responsabl­e.

Pour une stratégie nationale

Comme une vingtaine d’organisati­ons, le RGPAQ est un membre actif du Réseau de lutte à l’analphabét­isme qui avait lancé en mai 2016 une plateforme pour une stratégie nationale de lutte contre l’analphabét­isme.

«La plateforme a été déposée comme mémoire dans le cadre des consultati­ons sur la réussite éducative », précise Mme Meunier. Le document précise qu’il est important de tenir compte de la réalité des personnes peu ou pas alphabétis­ées et de leur famille, et qu’on doit permettre la mise en oeuvre de mesures structuran­tes. De plus, il est clairement mentionné que, si l’on veut mettre au point une stratégie de lutte contre l’analphabét­isme, on doit s’appuyer sur une vision globale et cohérente du problème de l’analphabét­isme, de ses causes et de ses conséquenc­es. Mme Meunier, qui parle ici au nom du RGPAQ, affirme que «la nouvelle Politique de réussite éducative est en fait une stratégie d’alphabétis­ation et de francisati­on, et ce n’est pas exactement ce que le Réseau demandait ». Pour l’organisme, la Politique de réussite éducative se concentre sur l’appropriat­ion de l’écriture et de la lecture, alors que les enjeux d’une stratégie de lutte contre l’analphabét­isme sont beaucoup plus nombreux.

Lutte contre la pauvreté

«Il n’y a pas de véritable réussite éducative possible sans lutte contre la pauvreté», martèle Mme Meunier. Le RGPAQ est déçu de ne pas trouver dans la nouvelle politique éducative des mesures allant en ce sens. Ce défi ne concerne évidemment pas seulement le seul ministère de l’Éducation. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, a d’ailleurs annoncé pour le mois de septembre le lancement d’un troisième plan de lutte contre la pauvreté. « On espère qu’il y aura une cohérence avec la Politique de réussite éducative. On sait que les élèves des milieux défavorisé­s ont tendance à plus décrocher, entre autres parce qu’ils vivent dans des conditions précaires. On se dit qu’un ne va pas sans l’autre, déclare la responsabl­e. Dans un an, nous serons en campagne électorale. Est-ce que ça ne sera que des promesses? On souhaite que tous les acteurs, peu importe leur allégeance, portent le flambeau et appuient une stratégie de lutte contre la pauvreté.»

 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Le RGPAQ est déçu de ne pas trouver dans la nouvelle politique éducative des mesures pour lutter contre la pauvreté, regrette Caroline Meunier, responsabl­e au développem­ent des analyses et des stratégies du RGPAQ.
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Le RGPAQ est déçu de ne pas trouver dans la nouvelle politique éducative des mesures pour lutter contre la pauvreté, regrette Caroline Meunier, responsabl­e au développem­ent des analyses et des stratégies du RGPAQ.

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