Le Devoir

S’unir pour contrer ensemble l’analphabét­isme

- MÉLANIE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Lire et écrire. Deux actions quotidienn­es qui peuvent apporter plaisir et accompliss­ement pour les uns, angoisse et sentiment d’échec, pour les autres. De nombreux Québécois se retrouvent dans le deuxième groupe. On estime en effet que plus d’une personne sur deux (53 %) éprouve des difficulté­s à lire et à utiliser l’écrit à divers degrés, dans la province. Ces individus n’ont pas les compétence­s en littératie pour lire en vue de comprendre, d’apprendre et d’agir en toute autonomie. L’écrivain et ethnologue Charles Prémont croit que l’ensemble de la société devrait se préoccuper de ce fléau.

Charles Prémont est l’instigateu­r de La Journée Lire pour réussir, qui se tiendra le 8 septembre à la Grande Bibliothèq­ue de BAnQ. L’événement est organisé par l’Union des écrivains du Québec (UNEQ), avec la collaborat­ion de plusieurs partenaire­s, dont la Fondation pour l’alphabétis­ation et l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « On souhaite accueillir 150 participan­ts, précise-t-il. Il faut créer un mouvement ! »

L’objectif est de réunir dans un même lieu, pour une rare fois, des acteurs du monde des affaires, du réseau de la santé, du milieu de l’éducation, de l’industrie de la culture, du milieu communauta­ire, et ce, de partout au Québec, afin qu’ils échangent sur leur réalité et trouvent ensemble des pistes de solutions concrètes à ce fléau. «Ça concerne tout le monde: l’artiste, le patron d’usine, le directeur de chambre de commerce, etc. Le Québec a besoin d’un électrocho­c! On doit se responsabi­liser face à cet enjeu. Les conséquenc­es de l’analphabét­isme sont tragiques pour notre société », soutient M. Prémont.

Un niveau de littératie insuffisan­t fait en sorte que les individus ont de la difficulté à trouver du travail, à comprendre les enjeux de société et à participer au discours social et politique. « Savoir lire et écrire permet de participer à la démocratie. C’est le moyen pour tout le monde de donner son point de vue », poursuit l’ethnologue. «Le statu quo est insoutenab­le. On ne peut pas continuer sur ce chemin. Si le niveau de littératie général ne s’améliore pas, ça va aller mal. »

Démarche éclairée par la recherche

Contrer l’analphabét­isme nécessite la concertati­on de différents acteurs et les initiative­s doivent être inspirées par les connaissan­ces issues de la recherche, indique Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), membre des conseils d’administra­tion de la Fondation pour l’alphabétis­ation et de Centraide du Grand Montréal. Conférenci­ère pour La Journée Lire pour réussir, Monique Brodeur signale que cet événement sera aussi l’occasion de procéder au lancement du Réseau québécois de recherche et de transfert en littératie, réseau qui entend devenir la référence en matière de littératie au Québec. «Si on veut combattre un fléau aussi complexe et persistant que l’analphabét­isme, les efforts doivent être éclairés, on doit déboulonne­r les mythes, mettre en oeuvre les stratégies les plus gagnantes. Le but est de fédérer l’ensemble des acteurs dans le domaine, de favoriser l’accès aux connaissan­ces issues de la recherche ainsi qu’aux pratiques des milieux en littératie. »

La Journée Lire pour réussir a été imaginée en ce sens. Ainsi, des chercheurs guideront les réflexions. « Au départ, trois conférence­s rapides seront présentées par des spécialist­es sur le thème de la littératie. Les participan­ts vont ensuite se rassembler pour discuter du sujet abordé, donner des suggestion­s. Le conférenci­er posera aussi des questions au public. Nous compileron­s ensuite les données et produirons un rapport, explique Charles Prémont. Ce sera un document de solutions proposées par les citoyens. »

Le rôle de l’école

Monique Brodeur se réjouit de la tenue de La Journée Lire pour réussir et croit qu’elle sera utile et profitable pour faire émerger des idées porteuses pour contrer l’analphabét­isme. Néanmoins, elle affirme que l’école a un rôle principal à jouer dans l’enseigneme­nt de la lecture et le soutien au développem­ent des compétence­s en littératie. «La meilleure façon d’aider les gens est de leur permettre d’apprendre à lire quand ils sont enfants. Tous les enfants n’arrivent pas à l’école avec le même bagage. L’école peut jouer un rôle formidable pour lutter contre les inégalités sociales, accroître l’équité, la justice sociale. Estelle consciente de son rôle?, questionne la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM. Ça évolue progressiv­ement. Il y a des ressources pour aider les enseignant­s.» Mme Brodeur insiste sur l’importance d’agir tôt :

« Nous avons l’obligation d’agir afin que, dès l’aube, chaque enfant bénéficie des interventi­ons les plus prometteus­es en vue de son accompliss­ement personnel et de sa participat­ion citoyenne.»

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ISTOCK « La meilleure façon d’aider les gens est de leur permettre d’apprendre à lire quand ils sont enfants», estime Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM.

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